Synopsis : Miss Novak, une enseignante de nutrition, accepte un poste dans une école d’élite et noue des liens étroits avec cinq élèves, une relation qui finit par prendre une tournure dangereuse.
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Pour son sixième long métrage, présenté au dernier Festival de Cannes, la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner nous entraîne dans une satire dystopique sur l’alimentation et son impact sur la santé et la planète. Miss Novak, nouvelle institutrice dans un internat privé, donne un cours de nutrition à un petit groupe d’élèves volontaires. Cours innovant, dont le but officiel est de transmettre de meilleures habitudes alimentaires sous la notion très en vogue de la « pleine conscience ». Mais à l’image des gourous du web, qui savent faire avaler tout et n’importe quoi à un public en quête d’une vie meilleure, le film bascule très vite dans ce versant sombre de l’emprise. Mia Wasikowska interprète brillamment cette femme charismatique au style vestimentaire ample et chic permettant au personnage de cacher l’ambiguïté de sa personnalité. Une professeure mal intentionnée, dangereuse et manipulatrice. La cinéaste avait déjà représenté cette dimension d’emprise, de manière plus fantastique avec son œuvre précédente Little Joe (2019). Une fleur artificielle, dont le pollen est censé rendre heureux mais compliquera surtout les relations humaines. Dans Club Zéro, la dimension fantastique, moins frontale, s’installe progressivement par le biais d’une esthétique intemporelle et un registre grotesque. Empruntant les codes du conte, le film dresse un tableau où chaque personnage représente un archétype caricatural au détriment du choix d’une psychologie développée.
Cette volonté de distance avec tous les personnages ne détonne pas et ne gâche en rien la qualité du métrage. Par son biais, on évite de sombrer dans le drame pur. En se dirigeant toujours plus vers l’extrême, jusqu’à l’arrêt total de l’alimentation, Jessica Hausner pousse son concept au dégoût. À l’exemple de cette adolescente bourgeoise et boulimique qui ingère son propre vomi sous le regard de ses parents désœuvrés.
Cette obsession générationnelle de l’hygiène alimentaire est à l’image de l’esthétique minutieusement millimétrée, rappelant les films de Wes Anderson. L’omniprésence de la couleur jaune, symbole peut-être de ces liens étriqués d’amour, d’amitié et de parentalité, rend l’atmosphère faussement rayonnante. Cette thématique chère à l’auteure, des liens qui s’éloignent entre parents et enfants par le passage à l’adolescence, est déjà traitée dans Little Joe. C’est le déni d’une mère du désir honteux de se libérer de son fils pour mieux se retrouver dans sa passion.
De même, dans Club Zéro, on questionne le fait de déléguer l’éducation de ses enfants auprès d’une structure scolaire. Des parents qui se déresponsabilisent de leur propre rôle sous prétexte d’une confiance aveugle auprès de professionnels hors de prix. La figure parentale y est d’autant plus caricaturale, occupant ici un caractère particulièrement comique.
La foi, autre thématique majeure de l’histoire, est soulignée par une bande son aux tambours avec des chœurs. Cette dimension religieuse ambiante, presque sacrée, installe un climat aussi envoûtant qu’inquiétant. Entre malaise et humour noir, la réalisatrice nous plonge dans un monde parallèle où l’absurdité des personnages reflète celle d’une humanité capable de se perdre dans des croyances toxiques.
Eugénie Le Quillec
- CLUB ZÉRO
- Sortie salles : 27 septembre 2023
- Réalisation : Jessica Hausner
- Avec : Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Elsa Zylberstein, Mathieu Demy, Camilla Rutherford, Florence Baker, Ksenia Devriendt, Luke Barker, Amanda Lawrence, Sam Hoare, Keeley Forsyth, Lukas Turtur, Amir El-Masry…
- Scénario : Jessica Hausner et Géraldine Bajard
- Production : Philippe Bober, Mike Goodridge, Johannes Schubert, Bruno Wagner
- Photographie : Martin Gschlacht
- Montage : Karina Ressler
- Décors : Beck Rainford
- Costumes : Tanja Hausner
- Musique : Markus Binder
- Distribution : BAC Films
- Durée : 1 h 50