L’Olympia accueillait la 49e Cérémonie des César ce vendredi 23 février. Si les récompenses n’ont pas créé de grandes surprises, la portée féministe de l’événement s’est imposée. La seconde femme de l’histoire a remporté le trophée de la meilleure réalisation, avant de repartir avec celui du meilleur film.
Le cinéma est un milieu d’artifices. Si les spectateurs ne voient généralement que les paillettes offertes par le résultat final, les coulisses sont trop souvent marquées par des rapports de force malsains.
« Pourquoi accepter que cet art que nous aimons tant, cet art qui nous lie soit utilisé comme une couverture pour un trafic illicite de jeunes filles ? » lance Judith Godrèche, dans un discours d’une précision et d’une force exceptionnelle.
À l’aune de révélations toujours aussi nombreuses depuis les débuts du mouvement #MeToo, les César semblent avoir compris la nécessité de changement. « Il était que, cette fois, ça ne se passera pas comme ça, pas comme les autres fois. » conclut l’actrice avant une standing ovation. Et nous espérons que le monde du cinéma tendra à l’appliquer.
Ce discours féministe, essentiel, a été tenu en filigrane tout au long de la soirée, des mots d’ouverture de Valérie Lemercier, dénonçant « le vieux monde où le corps des uns était à la disposition du corps des autres », jusqu’au triomphe de Justine Triet dans la catégorie meilleure réalisation, seconde femme de l’histoire de la Cérémonie à remporter ce César.
Pas de surprises du côté des vainqueurs cependant. Anatomie d’une Chute repart avec six récompenses, dont celle du meilleur film, réalisant un doublé historique à la suite de sa Palme d’Or au festival de Cannes (prouesse réussie uniquement par Le Pianiste de Polanski en 2002 et Amour d’Haneke en 2013). La réalisatrice a dédié son prix suprême à « toutes les femmes », dont « celles qu’on a blessées ». L’œuvre comptabilise également les César de la Meilleure Actrice, du Meilleur Acteur dans un Second Rôle ou encore du meilleur Scénario Original. De quoi donner de l’espoir au long-métrage pour les Oscars le mois prochain.
Le Règne Animal de Thomas Cailley suit de près avec cinq César, en particulier techniques, avec Meilleure Photographie, Meilleur Son ou encore Meilleurs Effets Visuels.
Christopher Nolan n’a quant à lui pas réalisé de doublé. C’est une redite de 1995, lorsque Steven Spielberg était venu recevoir un César d’Honneur mais n’avait pas gagné le meilleur film étranger, offert à Quatre Mariages et Un Enterrement. Ici, c’est la réalisatrice québécoise Monia Chokri qui rafle le trophée sous le nez du réalisateur d’Oppenheimer avec Simple comme Sylvain. Elle lui adresse d’ailleurs de façon très courtoise un « I am so sorry, Mr Nolan ».
Le deuxième César d’Honneur était décerné à Agnès Jaoui, après un discours touchant de Jamel Debouzze, lui rendant hommage ainsi qu’à Jean-Pierre Bacri, son compère de toujours. L’actrice, réalisatrice, scénariste et lauréate de six César, a ensuite dégainé son ukulélé pour une petite chanson mettant elle aussi en avant certains défauts du monde du cinéma.
Pas de triplé historique non plus du côté de Raphaël Quenard. L’acteur monte quand même sur scène pour recevoir son prix de la Révélation Masculine dans Chien de la chasse de Jean-Bastiste Durand (lauréat du meilleur premier film). L’acteur rend hommage aux agriculteurs français dans son franc-parler caractéristique.
D’autres discours politiques, abordant notamment les différents conflits armées dans le monde, sont venus agrémenter la soirée. Plusieurs œuvres engagées, du côté des documentaires et des courts-métrages, ont été récompensées (Les Filles d’Olfa, La Mécanique des Fluides ou encore L’Attente).
Les déçus de la soirée seront peut-être Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry et Le Procès Goldman de Cédric Kahn, qui ne repartent qu’avec une statuette chacun. Pas des moindres cependant, puisqu’il s’agit de la meilleure actrice dans un rôle secondaire pour Adèle Exarchopoulos et du meilleur acteur pour Arieh Worthalter.
La 49ème édition des César aura donc permis de faire évoluer la Cérémonie vers une inclusivité plus importante et de porter des messages forts. Rappelons que le cinéma est le reflet de notre monde, et que l’une de ses forces est de pouvoir changer certaines de nos représentations. Maintenant, il ne reste qu’à voir si le succès d’Anatomie d’une Chute sera au rendez-vous aux Oscars.
Florian Boulland
PALMARÈS CÉSAR 2024
MEILLEUR FILM
- Anatomie d’une chute réalisé par Justine Triet
- Chien de la casse réalisé par Jean-Baptiste Durand
- Je verrai toujours vos visages réalisé par Jeanne Herry
- Le Procès Goldman réalisé par Cédric Kahn
- Le Règne animal réalisé par Thomas Cailley
MEILLEUR RÉALISATEUR
- Justine Triet pour Anatomie d’une chute
- Catherine Breillat pour L’Été dernier
- Jeanne Herry pour Je verrai toujours vos visages
- Cédric Kahn pour Le Procès Goldman
- Thomas Cailley pour Le Règne animal
MEILLEURE ACTRICE
- Marion Cotillard dans Little Girl Blue
- Léa Drucker dans L’Été dernier
- Virginie Efira dans L’Amour et les Forêts
- Hafsia Herzi dans Le Ravissement
- Sandra Hüller dans Anatomie d’une chute
MEILLEUR ACTEUR
- Romain Duris dans Le Règne animal
- Benjamin Lavernhe dans L’Abbé Pierre – Une vie de combats
- Melvil Poupaud dans L’Amour et les Forêts
- Raphaël Quenard dans Yannick
- Arieh Worthalter dans Le Procès Goldman
MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE
- Leïla Bekhti dans Je verrai toujours vos visages
- Galatea Bellugi dans Chien de la casse
- Élodie Bouchez dans Je verrai toujours vos visages
- Adèle Exarchopoulos dans Je verrai toujours vos visages
- Miou Miou dans Je verrai toujours vos visages
MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE
- Swann Arlaud dans Anatomie d’une chute
- Anthony Bajon dans Chien de la casse
- Arthur Harari dans Le Procès Goldman
- Pio Marmaï dans Yannick
- Antoine Reinartz dans Anatomie d’une chute
MEILLEURE RÉVÉLATION FÉMININE
- Céleste Brunnquell dans La Fille de son père
- Kim Higelin dans Le Consentement
- Suzanne Jouannet dans La Voie royale
- Rebecca Marder dans De grandes espérances
- Ella Rumpf dans Le Théorème de Marguerite
MEILLEURE RÉVÉLATION MASCULINE
- Julien Frison dans Le Théorème de Marguerite
- Paul Kircher dans Le Règne animal
- Samuel Kircher dans L’Été dernier
- Milo Machado-Graner dans Anatomie d’une chute
- Raphaël Quenard dans Chien de la casse
MEILLEUR SCÉNARIO ORIGINAL
- Justine Triet, Arthur Harari pour Anatomie d’une chute
- Jean-Baptiste Durand pour Chien de la casse
- Jeanne Herry pour Je verrai toujours vos visages
- Nathalie Hertzberg, Cédric Kahn pour Le Procès Goldman
- Thomas Cailley, Pauline Munier pour Le Règne animal
MEILLEURE ADAPTATION
- Valérie Donzelli, Audrey Diwan pour L’Amour et les Forêts
- Vanessa Filho pour Le Consentement
- Catherine Breillat pour L’Été dernier
MEILLEURS DÉCORS
- Emmanuelle Duplay pour Anatomie d’une chute
- Angelo Zamparutti pour Jeanne du Barry
- Thomas Baquéni pour La Passion de Dodin Bouffant
- Julia Lemaire pour Le Règne animal
- Stéphane Taillasson pour Les Trois Mousquetaires (partie 1 : D’Artagnan / partie 2 : Milady)
MEILLEURS COSTUMES
- Jürgen Doering pour Jeanne du Barry
- Pascaline Chavanne pour Mon crime
- Tran Nu Yen Khe pour La Passion de Dodin Bouffant
- Ariane Daurat pour Le Règne animal
- Thierry Delettre pour Les Trois Mousquetaires (partie 1 : D’Artagnan / partie 2 : Milady)
MEILLEURE PHOTOGRAPHIE
- Simon Beaufils pour Anatomie d’une chute
- Jonathan Riquebourg pour La Passion de Dodin Bouffant
- Patrick Ghiringhelli pour Le Procès Goldman
- David Cailley pour Le Règne animal
- Nicolas Bolduc pour Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D’Artagnan / Partie 2 : Milady)
MEILLEUR MONTAGE
- Laurent Sénéchal pour Anatomie d’une chute
- Francis Vesin pour Je verrai toujours vos visages
- Valérie Loiseleux pour Little Girl Blue
- Yann Dedet pour Le Procès Goldman
- Lilian Corbeille pour Le Règne animal
MEILLEUR SON
- Julien Sicart, Fanny Martin, Jeanne Delplancq, Olivier Goinard pour Anatomie d’une chute
- Rémi Daru, Guadalupe Cassius, Loïc Prian, Marc Doisne pour Je verrai toujours vos visages
- Erwan Kerzanet, Sylvain Malbrant, Olivier Guillaume pour Le Procès Goldman
- Fabrice Osinski, Raphaël Sohier, Matthieu Fichet, Niels Barletta pour Le Règne animal
- David Rit, Gwennolé Le Borgne, Olivier Touche, Cyril Holtz, Niels Barletta pour Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D’Artagnan / Partie 2 : Milady)
MEILLEURS EFFETS VISUELS
- Thomas Duval pour Acide
- Lise Fischer et Cédric Fayolle pour La Montagne
- Cyrille Bonjean, Bruno Sommier et Jean-Louis Autret pour Le Règne animal
- Olivier Cauwet pour Les Trois Mousquetaires (partie 1 : D’Artagnan / partie 2 : Milady)
- Léo Ewald pour Vermines
MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
- Gabriel Yared pour L’Amour et les Forêts
- Delphine Malausséna pour Chien de la casse
- Vitalic pour Disco Boy
- Andrea Laszlo De Simone pour Le Règne animal
- Guillaume Roussel pour Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D’Artagnan / Partie 2 : Milady)
MEILLEUR PREMIER FILM
- Bernadette réalisé par Léa Domenach
- Chien de la casse réalisé par Jean-Baptiste Durand
- Le Ravissement réalisé par Iris Kaltenbäck
- Vermines réalisé par Sébastien Vanicek
- Vincent doit mourir réalisé par Stéphan Castang
MEILLEUR FILM D’ANIMATION
- Interdit aux chiens et aux italiens réalisé par Alain Ughetto
- Linda veut du poulet réalisé par Chiara Malta et Sébastien Laudenbach
- Mars Express réalisé par Jérémie Périn
MEILLEUR COURT MÉTRAGE D’ANIMATION
- Drôles d’oiseaux réalisé par Charlie Belin
- Été 96 réalisé par Mathilde Bédouet
- La Forêt de mademoiselle Tang réalisé par Denis Do
MEILLEUR COURT-MÉTRAGE DOCUMENTAIRE
- L’Acteur réalisé par Hugo David et Raphaël Quenard
- L’Effet de mes rides réalisé par Claude Delafosse
- La Mécanique des fluides réalisé par Gala Hernández López
MEILLEUR COURT-MÉTRAGE DE FICTION
- L’Attente réalisé par Alice Douard
- Boléro réalisé par Nans Laborde-Jourdàa
- Rapide réalisé par Paul Rigoux
- Les Silencieux réalisé par Basile Vuillemin
MEILLEUR FILM DOCUMENTAIRE
- Atlantic Bar réalisé par Fanny Molins
- Les Filles d’Olfa réalisé par Kaouther Ben Hania
- Little Girl Blue réalisé par Mona Achache
- Notre corps réalisé par Claire Simon
- Sur l’Adamant réalisé par Nicolas Philibert
MEILLEUR FILM ÉTRANGER
- L’Enlèvement de Marco Bellocchio
- Les Feuilles mortes de Aki Kaurismaki
- Oppenheimer de Christopher Nolan
- Perfect Days réalisé par Wim Wenders
- Simple comme Sylvain réalisé par Monia Chokri