Synopsis : A Londres, en 1891, la population est confrontée à une série de meurtres atroces tandis que Sir Malcolm Murray s’entoure de bien étranges personnages pour retrouver sa fille disparue, Mina Harker.
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Penny Dreadful est une production américano-britannique pour le compte de Showtime et de Sky. Elle est qualifiée selon certains de série psychosexuelle horrifique. Au 19e siècle au Royaume-Uni, un penny Dreadful était une forme de publication très populaire. Coûtant 1 penny, ces Å“uvres de qualité souvent moyenne s’adressaient particulièrement aux jeunes gens les plus pauvres. Parfois, les récits qui y étaient présentés, dramatisés à outrance, étaient des relectures très libres d’œuvres plus connues. Et c’est bien cela qui nous est offert ici, un nouveau regard sur les grands classiques du fantastique. Mais contrairement à la publication dont elle reprend le nom, Penny Dreadful s’avère d’une qualité exceptionnelle. La série est un véritable hommage à la littérature populaire – dans sa définition noble -, aux grands monstres et personnages de la littérature mais aussi au Théâtre du Grand Guignol, fondé à Paris en 1894 par Oscar Méténier. On y jouait des pièces macabres et sanguinolentes. Dans la série, il est situé à Londres alors que celui-ci ne sera établi dans la capitale britannique qu’en 1920. Le créateur et scénariste John Logan livre une première saison étonnante qu’il a constituée en piochant ici et là des éléments aussi divers que variés s’assemblant à la perfection. Il prend son inspiration dans les grands classiques comme Le Portrait de Dorian Gray, Frankenstein, Le Fantôme de l’Opéra ou Dracula mais aussi dans La Tempête de Wiliam Shakespeare (le premier monstre de Frankenstein se fait appeler Caliban). Il mêle également des éléments de mythologie en liant la menace des vampires à l’Egypte ancienne ou en baptisant le second monstre de Frankenstein, Protée.
Le récit nous amène donc à côtoyer des personnages particulièrement connus, comme Mina Harker, Abraham Van Helsing, Dorian Gray ou bien encore le Docteur Frankenstein. Bien entendu, cela fait immédiatement penser à La ligue des gentlemen extraordinaires d’Alan Moore, qui a très certainement été une des sources d’inspiration de John Logan. D’ailleurs ce dernier n’est pas n’importe qui puisqu’il est le scénariste de films aussi réputés que Gladiator, de Ridley Scott, Sweeney Todd de Tim Burton, Hugo Cabret de Martin Scorsese ou bien encore l’excellent SKYFALL de Sam Mendes (notre critique), qu’il retrouve ici à la production. L’histoire de Penny Dreadful se situe à Londres en 1891. Alors que des meurtres épouvantables sont perpétrés par une mystérieuse menace, l’explorateur Sir Malcolm Murray (Timothy Dalton), en compagnie de la mystérieuse Vanessa Ives (Eva Green), traque une créature qui a enlevé sa fille, Mina Harker (Olivia Llewellyn). La créature n’est autre qu’un vampire (Robert Nairne), une bête aussi sauvage qu’intelligente se constituant de véritables nids dans la ville. Aidés par un aventurier américain au passé extrêmement trouble, Ethan Chandler (Josh Hartnett), ils parviennent à abattre un vampire et font appel au jeune Docteur Victor Frankenstein (Harry Treadaway) pour réaliser une autopsie. Celle-ci révèle des hiéroglyphes issus du livre des morts égyptiens. Tandis qu’Eva Green tombe sous le charme mystérieux de Dorian Gray (Reeve Carney), Victor Frankenstein reçoit la visite de sa première création, Caliban (Rory Kinnear), et Ethan Chandler s’éprend d’une jeune immigrante irlandaise tuberculeuse, Brona Croft (Billie Piper).
Avec un tel mélange d’influences, Penny Dreadful aurait pu vite se transformer en un récit indigeste et sans aucun intérêt. Force est de constater que c’est très loin d’être le cas. La série s’avère somptueuse, extrêmement soignée, réalisée avec maestria et servie par une distribution à la hauteur du défi à relever. D’une noirceur absolue, l’histoire laisse peu de place à l’espoir et chaque protagoniste se retrouve aux portes de l’enfer. Les textes sont léchés et la diction des acteurs parfaite. Espérons que le doublage français ne gâche pas tout. John Logan ne s’est pas contenté de reprendre ces figures emblématiques du fantastique et d’en faire de pâles copies. Bien au contraire. A partir du matériau brut il a modelé des personnages fascinants qui sont tous rongés par un passé douloureux. Il s’amuse ainsi à faire de Frankenstein un être d’une grande érudition nommé Caliban, qui est un mélange entre la créature créée par Mary Shelley et le Fantôme de l’Opéra. Rory Kinnear s’avère fascinant dans ce rôle de monstre torturé, désespéré d’avoir été abandonné par son créateur et ne désirant qu’une chose : ne plus être seul. De même, les vampires n’ont pas grand-chose à voir avec le Comte Dracula. Ils sont plus proches de démons capables de posséder leurs proies tout en annonçant ni plus ni moins l’Apocalypse par la résurrection d’Amemet et d’Amun-Râ (divinités égyptiennes).
Autre personnage fascinant, Vanessa Ives, campé par une Eva Green extraordinaire. En regardant certains épisodes (notamment vers la fin), on se dit que le tournage n’a pas du être une partie de plaisir tant son rôle est complexe et certaines scènes particulièrement exigeantes. Etrange médium aux sombres pouvoirs, Vanessa doit lutter constamment contre l’influence néfaste du vampire. Cette lutte la conduit au bord de la folie. Une folie magnifiée par la prestation impressionnante d’Eva Green. Timothy Dalton est également impérial dans son rôle de lord anglais dévoré par les secrets de son passé et sa quête pour retrouver sa fille. L’acteur britannique crève littéralement le petit écran par sa prestance et l’on sent dans chacune de ses répliques les nombreuses années passées au théâtre. Harry Treadaway, qui incarne Victor Frankenstein, trouve aussi ici un rôle à sa mesure. Jeune chercheur arrogant en quête de perfection, il ne vit que pour ses recherches jusqu’à ce que le résultat de ces dites recherches vient lui demander des comptes.
Reeve Carney incarne un Dorian Gray presque androgyne. Sa prestation est à la hauteur de ce sombre personnage créé par Oscar Wilde. Individu fascinant doté d’un regard hypnotique, tel un serpent, qui fait tomber sous son charme toute personne qui croise sa route. C’est pourtant un être solitaire totalement désabusé qui trouve en Vanessa Ives un être enfin intéressant. Quant à Josh Hartnett, il campe un étonnant Ethan Chandler, un aventurier venu des Amériques. Dès le début, ce personnage, tireur d’élite de son état, semble marqué au fer rouge. Irrésistiblement attiré par ceux qui souffrent, il s’avère beaucoup plus complexe qu’au préalable. Un des éléments fondamentaux de la série est sa relation avec Brona Croft, interprétée par une Billie Piper époustouflante. Si on pensait déjà beaucoup de bien de cette actrice anglaise depuis qu’elle a charmé des millions de spectateurs en interprétant Rose Tyler dans DOCTOR WHO (notre critique de la saison 7), sa prestation dans Penny Dreadful démontre toute l’étendue de son talent. Enfin, un dernier « personnage » est à mentionner, c’est la reconstitution du Londres du 19e siècle. Elément crucial de l’ambiance distillée dans la série, la ville et ses décors ont bénéficié d’un soin tout particulier. Cela se ressent dans chaque épisode imprégné de cette époque victorienne si propice à ces récits fantastiques. Décidément, l’année 2014 est un très bon cru pour la télévision. Après un TRUE DETECTIVE (notre critique) magistral, ce Penny Dreadful est une petite merveille qu’il faut absolument découvrir malgré sa noirceur, une certaine lenteur et le fait que la série s’adresse clairement à un public adulte et averti. Et d’autant plus qu’elle a été renouvelée pour une seconde saison.
- Série américano-britannique PENNY DREADFUL diffusée du 11 Mai au 29 Juin 2014 sur Showtime.
- Créateur et scénariste : John Logan
- Casting : Reeve Carney, Timothy Dalton, Eva Green, Rory Kinnear, Billie Piper, Danny Sapani, Harry Treadaway et Josh Hartnett.
- Créateur et scénariste : Christopher Cantwell, Christopher C. Rogers
- Producteur : Sam Mendes, Chris W. King
- Réalisation : Juan Antonio Bayona, Dearbhla Walsh, Coky Giedroyc…
- Compositeur : Abel Korzeniowski
- Première saison de 8 épisodes de 60 minutes
- Aucune diffusion en France n’est encore annoncée
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