Suzanne Clément était membre du jury du 25e festival du Film Britannique de Dinard, présidé par Catherine Deneuve, l’occasion pour CineChronicle, présent à la manifestation, de discuter quelques minutes avec l’une des actrices fétiches de Xavier Dolan sur Mommy, Laurence Anyways et son métier d’actrice.
CineChronicle : Votre rôle dans Mommy s’oppose aux personnages plus extravertis que vous avez l’habitude d’interpréter. Comment l’avez-vous appréhendé ?
Suzanne Clément : Ce personnage était écrit dès le départ de cette manière, avec son bégaiement et nous l’avons développé. Mais nous trouvions qu’il manquait toujours quelque chose. Xavier a ensuite ajouté une scène-clé, celle du collier et dès cet instant, j’ai eu le déclic. Cela a mis véritablement en relief le personnage, clarifiait totalement le lien entre elle et Steve (Antoine-Olivier Pilon) et la resituait dans le trio formé avec Anne Dorval. Tout s’est installé et à partir de ce moment mon personnage n’avait plus besoin de scènes aussi fortes. Ses silences parlent énormément.
CC : Comment se passe la direction d’acteurs avec Xavier Dolan, particulièrement sur des scènes fortes émotionnellement comme Mommy et Laurence Anyways où vous avez également beaucoup donné de vous-même ?
SZ : Pour Laurence Anyways, la scène du restaurant par exemple, Xavier me l’avait joué un an auparavant dans un hôtel à Paris. Je me disais que c’était incroyable avant que quelqu’un nous demande si tout allait bien. Xavier est un passionné, il voulait me montrer ce qu’il visualisait. Nous n’avons jamais vraiment fait de répétitions car j’avais de mon côté ma propre idée de ce qu’il souhaitait. Pour celle de l’Île au Noir, l’une des dernières scènes où Suzanne et Melvil s’affrontent verbalement, nous avons par contre beaucoup répété. Xavier voulait que l’atmosphère monte en gamme. Je lui ai demandé comment, où et quand. Il a instauré des points clés dans la conversation en indiquant à quel moment le ton devait monter et descendre. Ses intentions se rapprochaient davantage du théâtre. Je fus très impressionnée par toute cette précision. Il a réutilisé cette technique dans Mommy, à savoir parler pendant les scènes afin de les emmener à un autre niveau, en repoussant toujours davantage nos capacités, mais toujours de façon ludique sans jamais nous pousser dans nos derniers retranchements émotionnels.
CC : Comment choisissez-vous vos rôles à l’écran ?
SZ : C’est spécial avec Xavier Dolan car c’est une relation très riche. Elle a beaucoup évolué depuis Laurence Anyways. C’est ce que j’ai toujours voulu dans la mesure de mon rôle. Je ne souhaitais pas être seulement « la femme de », être un personnage passif dans cette relation que l’on voit à l’écran. Nous avons donc beaucoup discuté avec Xavier durant les deux années de préparation, ce qui a modelé le personnage.
CC : Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’être actrice ?
SZ : J’étais déjà très cinéphile quand j’étais jeune. Le cinéma m’a toujours énormément intéressé comme Richard Burton pour les acteurs ou le cinéma de Cassavetes. J’affectionnais aussi toutes les œuvres italiennes et françaises. J’ai fait mon premier passage à la télévision à 12 ans. J’ignorais à l’époque si c’était ce que je voulais faire car cela me faisait un peu peur. Je me disais que si je devais me lancer dans ce métier, j’irai prendre d’abord des cours dans une école de théâtre. Finalement, je me suis tournée vers le cinéma.
CC : Le drame est-il un genre que vous affectionnez particulièrement ?
SZ : Oui, en effet. Mais c’est aussi agréable de revenir à la comédie. En ce moment, je tourne une comédie politique, Guibord s’en va en guerre de Philippe Falardeau, avec Patrick Huard. Cela me fait beaucoup de bien de pouvoir changer de registre et surtout d’appeler d’autres émotions…
>> LIRE NOTRE CRITIQUE DE MOMMY <<
>> LIRE LE PALMARÈS DU 25e FESTIVAL DU FILM BRITANNIQUE DE DINARD <<
MOMMY écrit et réalisé par Xavier Dolan en salles le 8 Octobre 2014, avec Anne Dorval, Suzanne Clément, Antoine-Olivier Pilon, Patrick Huard, Alexandre Goyette, Michèle Lituac, Viviane Pacal, Nathalie Hamel-Roy
.