Résumé : Jiggs le chimpanzé, plus connu à l’écran sous le nom de Cheeta, le partenaire de Tarzan à l’écran, en a vu de belles à Hollywood. Il a croisé les plus grands, les plus fous des acteurs, des producteurs et de la faune du cinéma muet. Il raconte son périple.
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Hollywood est une jungle, même au joli temps de son âge d’or. Et la jungle, Jiggs, il la connaît, il y est né. Jiggs ? Il est surtout célèbre sous le nom de scène Cheeta et pour avoir formé le couple mythique avec Johnny Weissmuller alias Tarzan, auprès duquel il jouait d’ailleurs le rôle d’une femelle… Et ce n’est pas la moindre des humiliations qu’a dû subir ce pauvre animal tout au long de ses 76 années de vie. Racontées sous la plume vibrionnante et corrosive de James Lever, auteur britannique de 38 ans, voici Moi Cheeta ou les mémoires de celui qui se considérait comme l’égal de King Kong dont il était paraît-il le cousin… De fait, les aventures de Jiggs/Cheeta ressemblent à bien des égards à la tragédie d’un bon sauvage, kidnappé par des prédateurs et exhibé dans une métropole américaine comme un phénomène de foire. Si Kong s’est révolté, Jiggs a a-do-ré sa vie de star. Pensez donc, ce fut la belle vie, une vraie Dolce Vita : les cocktails mondains, les déjeuners au Beach, les femmes, la célébrité, les photographes, Chaplin, David Niven, Marlène Dietrich, le tabac, les paradis artificiels. Mais hélas le soir, retour à la cage et, sur les tournages, au moindre faux pas, les coups des dresseurs des studios de la MGM et de la RKO le guettent. Dans cette autobiographie méchamment drôle et émouvante, Jiggs nous raconte. Il n’a été qu’un objet, extrait brutalement de son milieu naturel pour devenir une bête de cirque. Pourtant, il se considère comme un artiste, un pro et ses conditions de travail ne semblent pas lui peser. Du moment que Johnny – cet autre enfant sorti de l’école à 12 ans pour devenir champion olympique – l’emmène en promenade, que Maureen O’Sullivan (Jane, à l’écran, et mère de Mia Farrow) ne lui vole pas la vedette et qu’on ne lui tanne pas trop le cuir pour qu’il fasse des pirouettes, il est content.
Et puis, tout de même, entre deux anecdotes de beuveries ou d’orgies, Jiggs convoque Jane Goodall, la madone des primates, et les associations de protection des animaux, tout en s’inquiétant aussi d’être un jour supplanté par des animatroniques : « Un de ces jours, Animal Planet, Discovery Channel et National Geographic seront aussi entièrement en images de synthèse, et alors vous comprendrez ce que je suis en train de vous dire.”. Il est quand même prêt à tout pour garder sa place en haut de l’affiche et dans les parties fines de la Mecque du cinéma où il côtoie de jolies et peu farouches jeunes femmes. Ainsi, Constance Bennett qui partage avec lui ce qu’il pense être un remède homéopathique, la fameuse « poussière d’étoile » et qu’elle « ingère par le nez« . Jiggs reste un bon vivant. On le fait boire, fumer et on l’accueille dans la chambre à coucher, une vie de rêve dont le pendant sombre est souvent l’attente désespérante de la star dont l’agent reste muet. Car lorsqu’il a fini ses pitreries, il est enfermé, laissé aux mains de son soigneur en compagnie d’autres animaux enlevés à la jungle de leur enfance. Seul Johnny Weissmuller vient régulièrement lui rendre visite, quand il n’a pas de problèmes conjugaux. James Lever brosse au passage un portrait très touchant de l’interprète de Tarzan : beau gosse, gentil, un peu paumé lui aussi.
Sur 320 pages savoureuses accompagnées d’un carnet de notes de 14 pages de photos d’époque, Moi Cheeta est ainsi une autre manière de dénoncer les travers d’Hollywood, les mauvais traitements infligés aux bêtes comme aux hommes, les angoisses qui les mènent parfois à la mort, l’attrait du fric et des paillettes. James Lever opère avec énormément d’humour et d’émotion. Il s’est parfaitement documenté. On espère qu’il ne glissera sur aucune peau de banane dans sa carrière d’écrivain et ne sera pas payé en monnaie de singe. En tous cas, son ouvrage vaut son pesant de cacahuètes !
- MOI CHEETA de James Lever disponible depuis le 12 mars 2015 aux éditions Le Nouvel Attila.
- Traduction : Cyril Gay et Théophile Sersiron
- 320 pages
- 22 €