Résumé : Le 5 mars 1982, John Belushi, 33 ans, l’un des acteurs comiques les plus populaires de sa génération, est retrouvé mort d’une overdose dans un bungalow du Chateau Marmont à Los Angeles. Que s’est-il passé ? Comment la star du Saturday Night Live et des Blues Brothers en est-elle arrivée là ? À l’aide de centaines de témoignages, Bob Woodward retrace le parcours fascinant d’un homme au comportement autodestructeur, tout en offrant une plongée très documentée au cœur de l’industrie hollywoodienne, où l’on croise aussi bien Robert De Niro, Robin Williams que Louis Malle.
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De Chicago à Hollywood, du cannabis à la cocaïne, des planches du cabaret au cinéma en passant par le petit écran du Saturday Night Live, la carrière de John Belushi fut aussi courte qu’intense. En France, on le connaît surtout derrière son uniforme des Blues Brothers (John Landis, 1980), œuvre culte qui consacra définitivement cet acteur atypique. C’est pourtant un autre film tout aussi culte de John Landis, American College (1978) qui a assuré son premier succès cinématographique, tandis que le plateau télévisé a confirmé sa notoriété nationale. Traduit par Capricci, La folle et tragique vie d’un Blues Brother fut publié originellement en 1984, soit deux ans après la mort par overdose de Belushi. D’abord conçu comme une série d’articles que Bob Woodward souhaitait rédiger périodiquement pour le Washington Post, le projet, poussé par l’ampleur romanesque de son sujet, finit par prendre la forme d’une sorte d’investigation biographique. Première qualité de cet ouvrage : parvenir à conjuguer plaisir fictionnel et sériosité journalistique. Les multiples sources utilisées par l’auteur (entretiens, archives) sont citées, à défaut d’être clairement référencées, sans pour autant exclure la part de fantasme que requiert ce type d’entreprise. À la différence d’un Peter Biskind, prétendant à l’historicité sous le couvert trompeur de la légende, Woodward assume les libertés prises à l’égard du réel. Un peu à la manière de Thompson, le journaliste de Citizen Kane, il glane auprès des proches et des collaborateurs de Belushi, une série d’informations éclairant le mystère de sa vie et de sa mort.
L’expérience du journaliste-auteur, principalement connu pour avoir participé, avec son collègue Carl Bernstein, à l’enquête du Watergate, relaté à l’écran dans Les Hommes du Président (Alan J. Pakula, 1976), sert un propos oscillant sans cesse entre privé et public, le premier servant à révéler la part caché du second. Car de Belushi, le spectateur connaît surtout son allure bonhomme et tranquille, sans se douter que derrière les artifices de la comédie se dissimulait une véritable bombe à retardement. En démarrant l’ouvrage par l’évocation du tournage chaotique des Blues Brothers, le journaliste choisit la forme ascendante, sorte de remontée d’une chute programmée. À partir du seul exemple de Belushi, Woodward convoque un univers, celui des plateaux de tournage des années soixante-dix, que ce soit ceux de la télévision ou du cinéma. À travers la carrière tumultueuse de l’acteur, Woodward fait appel aux souvenirs de cinéastes et de comédiens, évoquant l’atmosphère intense de ces lieux de création. Surtout, l’histoire de Belushi touche à l’universel, renvoyant au destin de nombreux comiques américains.
Exemplaire, le parcours de l’acteur ressemble à celui de son prédécesseur Lenny Bruce, de son contemporain Andy Kaufman, ou à ceux de ses successeurs Jim Carrey et Robin Williams, décédé en août 2014. Tous ont commencé sur les planches avant de trouver à la télévision un moyen d’assurer leur succès puis de répondre aux sirènes d’Hollywood. Tous aussi ont dissimulé derrière leurs expressions hilarantes le sourire maussade d’un clown triste, d’où les fins tragiques que connurent grand nombre de ces artistes. Riche de détails, l’ouvrage explore les différentes facettes d’une vie et d’une carrière. Plus intéressantes que les informations divulguées sur l’intimité de Belushi, sont celles qui font part de ses capacités actorales, comme sa qualité d’improvisation qui lui a permis de se signaler auprès des plus grands. Au fil des pages, on se prend à rêver de ce que donnerait une adaptation cinématographique de l’ouvrage de Woodward. Comme Bob Fosse et Milos Forman avaient su rendre à Lenny Bruce (Lenny, 1974) et Andy Kaufman (Man on the Moon, 1999) un brillant hommage.
- JOHN BELUSHI – LA FOLLE ET TRAGIQUE VIE D’UN BLUES BROTHER de Bob Woodward, disponible en librairie depuis le 2 avril 2015 chez Capricci.
- Traduction : Julien Marsa
- 504 pages
- 24 €