Synopsis : Visite ou Mémoires et confessions est un film autobiographique sur la vie et la demeure de Manoel de Oliveira. Agrémenté de « mémoires et de confessions », ce documentaire posthume relate l’importance que cette maison a eu dans la vie du réalisateur : « une maison c’est une relation intime, personnelle, les racines ».

 

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Visite ou mémoires et confessions de Manoel de Oliveira - affiche

Visite ou mémoires et confessions de Manoel de Oliveira – affiche

Visite ou mémoires et confessions est un faux film posthume ou testamentaire, qui remonte en réalité à 1982. Cependant, il a été présenté pour la première fois en 2015, un mois après son décès le 2 avril à l’âge de 106 ans. Il n’est pas un simple film autobiographique au sens commun où l’on entend. Comme souvent chez le cinéaste portugais, c’est l’incertitude et le mystère, voire l’anachronisme, qui priment sur toutes formes éculées d’écriture cinématographique. Dès lors, il est difficile d’analyser cet objet iconoclaste tant le cinéma de Manoel de Oliveira n’est en rien linéaire ou systématique et ce, quel que soit le sujet évoqué : l’histoire de sa famille, celle de son pays ou des mythes qui la traversent. Son œuvre, bien qu’elle recouvre une bonne partie du XXème siècle, ne possède pas d’unité particulière ou de cohérence esthétique à proprement parler ; ce qui rend quasiment impossible l’émergence d’un « style Oliveira ». C’est d’ailleurs peut-être ce qui fait la force de son cinéma, celui d’être inclassable et de ne participer à aucune mouvance contemporaine ou avant-gardiste. Cependant, certains motifs ou symboles reviennent et s’articulent autour d’axes de réflexion, dont la tripartie – Fiction-Rêve-Réalité – constitue en quelque sorte l’âme de son cinéma. La perception du réel recouvre une grande partie sa filmographie. L’autre question serait, en effet, le rapport contigu qu’il entretient avec l’histoire de son pays. Les images d’Oliveira possèdent donc cette faculté de créer une tension autour de la notion de réalisme et de vraisemblance, y compris lorsqu’il fait un pseudo-documentaire, comme ici, sur sa vie et celle de sa famille : ses images nous font croire à des choses incroyables. Étant fasciné par tout ce qui relève du spectaculaire et de la magie, il construit son cinéma de façon modeste et artisanale, presque théâtrale, et utilise l’imagination comme agrément du réel de la fiction.

 

Visite ou mémoires et confessions de Manoel de Oliveira

Visite ou mémoires et confessions de Manoel de Oliveira

 

Grand cinéaste de l’allégorie et de la symbolique des images, cet homme de foi ne cesse, paradoxalement, de douter et donc de les remettre en cause. L’ambivalence (religieuse) est également une loi primordiale de l’imagination qui nourrit depuis toujours ses fables. C’est donc autour de la dialectique – Foi et Raison – que se construit son cinéma. Pour autant, rien n’est didactique ni théorique derrière Visite ou mémoires et confessions ; c’est bien la preuve qu’il est un des plus grands fabulateurs qui nous ait été donné de voir. En effet, ses images ne cherchent pas à capter une vérité ontologique et révélatrice du monde, mais plutôt leur pouvoir fantasmagorique, d’illusion et de projection du monde ; c’est ce qui le fascine plus que la reproduction du réel. Dans cette immense demeure familiale – où il a réellement vécu pendant 40 ans – apparaissent alors des objets, naturels et artificiels, sortis de leur usage concret. Autrement dit, leur fonction symbolique se révèle à nous. Ces symboles agencent la pensée du cinéaste, créant ainsi de la rêverie (les objets bougent tout seul). Aussi, comme l’âme reste dans le domaine du ressenti, on perçoit très vite que la maison et ses accessoires sont féconds pour Oliveira. L’image se greffe à certains « objets » de la maison qui deviennent ainsi des projections d’images et des archétypes, capables d’actualiser des intérêts et des valeurs en chacun de nous. C’est alors que conscience et imagination se rejoignent et se confondent en un même espace bien qu’à des temporalités parfois différentes.

 

Visite ou mémoires et confessions de Manoel de Oliveira

Visite ou mémoires et confessions de Manoel de Oliveira

 

Le mystère finit par s’imprégner dans chaque pièce et chaque recoin du domaine : de l’intérieur de la salle de bain au jardin, du dedans au dehors, tout semble lié. Oliveira n’oppose d’ailleurs jamais le dedans (l’intime, sa famille, sa femme) au dehors (le cosmos, le Portugal, le Monde). La métaphore du bateau, présente dans le film, va dans ce sens ; il existe, selon Oliveira, un équilibre à maintenir entre le « rester sur terre » (il met en avant sa passion de l’agriculture) et le « aller en mer » (les hublots de la salle de bain sont comme des fenêtres sur l’horizon). L’ambivalence est donc de mise, y compris dans la structure même du film, qui est à la fois une invitation à pénétrer dans sa sphère intime (sa femme, son grand-père, ses anecdotes historiques, son arrestation) et une frontière à ne pas dépasser (deux visiteurs anonymes, surtout la fille, se sentent mal à l’aise dans ce lieu privé). La maison reste avant tout un univers personnel, notre premier univers ; d’où ce sentiment d’intrusion et cette peur profonde du « fantôme » qui hante les lieux et qui l’a toujours fasciné. Mais le cosmos d’Oliveira reste éperdument ouvert. En témoigne ce mélange entre la petite histoire (la sienne, celles de son père et de son grand-père) et la grande Histoire (celle de son pays) présentée via des images d’archives et des photographies, qu’il expose lui-même face caméra de manière très libre et très directe. Il se met en scène, se fait entendre, presque sentir, car il veut nous montrer qu’il a une réelle emprise sur ces lieux ainsi que sur ces images ; il est le seul conteur, poète et rêveur à bord.

 

Visite ou mémoires et confessions de Manoel de Oliveira

Visite ou mémoires et confessions de Manoel de Oliveira

 

Le philosophe Gaston Bachelard disait : « la maison est un corps de songe », affirmant ainsi que l’espace imaginé y est toujours vécu. Pour Oliveira, la maison de Visite ou mémoires et confessions est indissociable de l’image consistante d’une femme, la sienne : Maria Isabel. Il lui dédie d’ailleurs le film et la remercie d’avoir été aussi patiente à l’égard de ce sacerdoce qu’est le métier de cinéaste. Et bien qu’il ait toujours fantasmé sur d’autres femmes – celles présentent dans ses films -, Maria a ici les honneurs du vieux maître. Cet hommage à sa femme qui, par le relais de cette demeure « imageante », conserve les traces de ceux qui y ont vécu, offre une possibilité à la fois merveilleuse et rare de laisser libre cours à une imagination presque infinie. Il y a d’ailleurs là un anachronisme poétique ; aujourd’hui les vieilles bâtisses se sont substituées à des immeubles remplis d’appartements fonctionnels. Si avec Oliveira, nous avons (hélas) un rêveur d’un autre temps, il est aussi la preuve que le rêveur crée le monde poétique et non l’inverse. Chose qu’on aurait tendance à oublier de nos jours. Comme chez Bachelard, il ne conçoit pas l’imagination créatrice en dehors du concret. Celle-ci ne sert pas à fuir le réel ; elle l’habite, le recouvre, l’anime et le dilate pour y faire surgir des choses nouvelles, imprévisibles et virtuelles. Les images possèdent ainsi leur propre dynamisme, en perpétuelle mutation, qui repousse la réalité encore plus loin et de manière encore plus superbe. C’est certainement la plus belle trace que pouvait laisser cet immense cinéaste à ses collègues contemporains.

 

Antoine Gaudé

 

 

 

  • VISITES OU MÉMOIRES ET CONFESSIONS de Manoel de Oliveira en salles le 6 avril 2016.
  • Avec : Manoel de Oliveira
  • Voix-off : Teresa Madruga, Diogo Doria
  • Scénario : Manoel de Oliveira, Augustina Bessa-Luis
  • Producteur : Manoel de Oliveira
  • Photographie : Elsa Rocque
  • Montage : Ana Luisa Guimaraes
  • Son : Joaquin Pinto
  • Distribution : Epicentre Films
  • Durée : 1h08

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