Synopsis : Dans la famille de Justine, tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur aînée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature.
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Julia Ducournau est parvenue à retourner les tripes des spectateurs présents lors de la Semaine de la Critique. Son premier long métrage, Grave, se révèle être une belle fable horrifique dans laquelle s’entremêlent vision sanglante et émancipation humaine. On découvre Justine, brillamment interprétée par Garance Marillier, une végétarienne compulsive qui débarque en plein campus universitaire. Pas le temps pour elle de se poser, celle-ci se retrouve immédiatement projetée au cœur d’un univers festif qui lui impose un savoureux mélange d’alcool et de viande crue. Un détonnant cocktail pour la jeune étudiante qui entre alors dans une phase de mutation profonde. Pas à pas, elle découvre une part de sa personnalité qu’elle-même ne soupçonnait pas jusqu’alors. Un steak caché dans la poche, un bout de viande dévoré cru la tête plongée dans le frigo, Justine se retrouve accro à l’hémoglobine. Sa sœur aînée (Ella Rumpf), totalement déjantée, en fait d’ailleurs les frais au cours d’une séquence d’épilation particulièrement cocasse. Le ton adopté par Ducournau vogue entre une forme d’ironie douce mêlée à une sériosité imposant une réflexion profonde sur la transformation d’un être humain. Elle exploite une caméra placée au plus proche de son personnage, dans l’optique de témoigner d’une prise de conscience tout en révélant les craintes liées à cette nouvelle vérité. Dans la première moitié du récit, Julia Ducournau révèle adroitement ses intentions et l’intrigue sauvage de son script. Une sauvagerie soulignée par l’éclairage, qui permet de faire ressortir les traits marqués de ses personnages. Par la suite, Grave évolue toutefois vers une forme de redondance qui semble révéler l’épuisement d’une idée originale et percutante. À partir du moment où Justine découvre sa réelle nature, la cinéaste apparaît quelque peu bloquée dans sa progression. Les séquences deviennent plus complaisantes, sans pour autant faire retomber l’intensité de certaines découvertes (notamment celle d’un corps partiellement dévoré). Rien de grave donc, Julia Ducournau parvient à mettre sur pied un bel exercice de style, alliant cinéma de genre et visée auteuriste. Elle dévoile ainsi une forte attirance pour le cinéma de David Cronenberg et sa maîtrise de la métamorphose (avec La Mouche comme parangon), tout en inscrivant son film dans le sillage du Trouble Every Day de Claire Denis. Grave permet de démontrer que le cinéma d’horreur perdure en territoire franco-belge, avec un tournage ayant majoritairement pris place à Liège. On retrouve d’ailleurs quelques têtes bien connues comme Bouli Lanners, mais aussi de jeunes acteurs en herbe tels que Sophie Breyer et Pierre Nisse. Julia Ducournau confirme avec son premier long métrage qu’elle recèle un talent indéniable, en proposant une œuvre barrée et bien mordante.

- GRAVE
- Sortie salles : 15 mars 2017
- Réalisation : Julia Ducournau
- Avec : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella, Joana Preiss, Laurent Lucas, Bouli Lanners, Marion Vernoux
- Production : Jean des Fôrets, Julie Gayet, Nadia Turincev
- Photographie : Ruben Impens
- Montage : Jean-Christophe Bouzy
- Décors : Laurie Colson
- Costumes : Elise Ancion
- Musique : Jim Williams
- Distribution : Wild Bunch
- Durée : 1h38
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