Synopsis : Août 1715. À son retour de promenade, Louis XIV ressent une vive douleur à la jambe. Les jours suivants, le roi poursuit ses obligations mais ses nuits sont agitées, la fièvre le gagne. Il se nourrit peu et s’affaiblit de plus en plus. C’est le début de la lente agonie du plus grand roi de France, entouré de ses fidèles et des médecins.
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Présenté en séance spéciale lors du 69e Festival de Cannes, La Mort de Louis XIV est le cinquième film d’Albert Serra. Le réalisateur et producteur catalan avait reçu le Léopard d’or au Festival de Locarno pour Histoire de ma mort. Il s’empare à nouveau de ce sujet en s’intéressant de près au décès du plus célèbre des souverains français. Jean-Pierre Léaud, justement récompensé par une Palme d’honneur à la dernière édition cannoise pour l’ensemble de sa carrière, incarne ce personnage. Des acteurs moins médiatiques complètent le casting, ce qui laisse toute la place à l’inoubliable interprète d’Antoine Doinel. Albert Serra livre une œuvre purement historique qui s’appuie avec précision sur des événements rapportés par les chroniqueurs. L’Histoire avec un grand H s’y impose avec faste, articule les thèmes développés et justifie les directions artistiques d’Albert Serra. La Mort de Louis XIV nous plonge dans la cour de Versailles et décortique avec une minutie chirurgicale la personnalité du monarque. On apprécie aussi le remarquable travail de recherche qui permet de restituer au mieux la vie au château et tous ses rites. Albert Serra ne travestit rien, contrairement à ses comédiens. Il parvient à illustrer le ridicule du protocole et l’absurdité du culte voué au souverain. Chacun de ses gestes quotidiens, même les plus insignifiants, devient un événement. Les courtisans s’émerveillent dès la moindre apparition, le moindre mouvement. Prisonniers d’un cérémonial immuable, les protagonistes semblent confinés dans leur palais, condamnés à une existence monotone, rythmée par le bon vouloir du maître des lieux.
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Outre sa démonstration sociologique, Albert Serra dresse une peinture réussie de la médecine de l’époque. Il offre une vision détaillée et documentée de l’avancée de la science au début du XVIIIe siècle, moment charnière entre archaïsme presque moyenâgeux et modernité balbutiante. Les docteurs ne délivrent pas véritablement de diagnostic, ils observent, notent, tâtonnent, discutent entre eux. On a encore recours aux fameuses saignées, sous l’emprise de la religion et de ses représentants omniprésents. De fait, les prières remplacent les remèdes quand les savants baissent les bras. On a même du mal à distinguer les vrais médecins des charlatans et des illuminés. Porté par l’audace et les choix assumés de son créateur, La Mort de Louis XIV s’avère néanmoins un objet artistique ardu, avec très peu d’action et dans lequel la caméra ne bouge pas. La mise en scène se compose uniquement de plans fixes sur les personnages et les lieux. L’objectif quitte rarement la chambre du roi. Si Albert Serra prend le parti de retranscrire jusqu’au bout l’agonie du souverain, il rend le déroulement pesant, très lent, voire répétitif. Ce sentiment est accentué par l’intrigue à huis clos, une lumière extrêmement sombre et une musique très diffuse. On a l’impression que tout se déroule la nuit. De telles options peuvent forcément larguer certains spectateurs car l’ennui n’est jamais loin, sachant que la fin est annoncée dans le titre. Cependant, La Mort de Louis XIV devrait ravir les passionnés d’histoire, d’expériences atypiques et d’esthétisme. Il vaut aussi et surtout pour la performance exceptionnelle de Jean-Pierre Léaud, véritablement transfiguré en Roi Soleil.
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Christophe Binet
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- LA MORT DE LOUIS XIV réalisé par Albert Serra en salles le 2 novembre 2016
- Avec : Jean-Pierre Léaud, Patrick d’Assumçao, Marc Susini, Irène Silvagni, Bernard Belin, Jacques Henric…
- Scénario : Albert Serra et Thierry Lounas
- Production : Thierry Lounas, Joaquim Sapinho, Claire Bonnefoy, Montse Triola
- Photographie : Jonathan Ricquebourg
- Montage : Adriana Ribas, Artur Tort
- Décors : Sebastian Vogler
- Costumes : Nina Avramovic
- Musique : Marc Verdaguer
- Distribution : Capricci Films
- Durée : 1h45
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