Synopsis : Peintre de talent et voyou, Guy Ribes, 65 ans, est le plus prolifique des faussaires français recensés à ce jour ayant inondé le marché de l’art pendant 30 ans. En 2005, la police a saisi plus d’une centaine de ses « faux » et en 2010 le Tribunal de Créteil l’a condamné à trois ans de prison, dont un an ferme.
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Un faussaire est-il un vrai artiste ou un imposteur de talent ? Où se situe la limite entre création et imitation ? Comment déterminer la valeur d’un vrai tableau comparé à un faux ?… Ce sont ces questions que tente de poser Jean-Luc Leon tout au long de son documentaire, Un vrai faussaire. Sorti en salles le 2 mars et disponible le 6 décembre dans les bacs, le film du réalisateur français réussi l’exploit de capturer à l’écran cette espèce rare de peintres caméléons que sont les faussaires au travers du parcours atypique de l’un des plus productifs d’entre eux, Guy Ribes. Une gouaille tout droit sortie des dialogues de Jacques Audiard, un chapeau en feutre vissé sur la tête et la pipe fumante, la dégaine de Guy Ribes se dévoile à nous face caméra. Né en 1948 dans la région lyonnaise, d’un père proxénète et d’une mère voyante d’origine hispano-gitane, Ribes vit une enfance de bohème parmi les filles de joies et les voyous du coin. À l’adolescence, il a le choix entre emprunter la voie de la peinture ou de céder à celle de la délinquance. Par souci d’équité entre ses deux passe-temps favoris, Guy Ribes finit par combiner les deux. Au commencement, il y eu Orson Welles. Passionné par F for Fake (Vérités et Mensonges), l’essai cinématographique du célèbre réalisateur, Jean-Luc Leon souhaitait prolonger la réflexion du cinéaste américain sur la notion de mensonge dans le monde de l’Art. Dans un de ces précédents documentaires, Un marchand, des artistes et des collectionneurs sorti en 1996, Leon voulait déjà intégrer des faussaires pour discuter de leur rôle dans le marché de l’Art, mais à l’époque, aucun ne souhaitait s’exprimer devant sa caméra. Guy Ribes étant condamné par la justice en 2010, le réalisateur français voit dans le faussaire, désormais sorti de l’ombre, l’opportunité de développer enfin ses questionnements.
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Son documentaire hagiographique, construit à partir de multiples entretiens, surexpose le personnage qu’est Guy Ribes et laisse jaillir sa faconde. Conscient d’avoir entre ses mains une parole rare, le réalisateur laisse intelligemment le champ libre à Ribes et ne porte aucun jugement moral sur sa personne, ce qui lui permet d’entrevoir le quotidien et les gestes d’un faussaire mais également d’atteindre les motivations principales de cette activité. Outre l’envie de s’enrichir par son don, le faussaire part en quête de styles, de gestuelles et de différentes techniques des grands peintres, adoptant donc une approche quasi génétique sur leurs œuvres, ce qui démontre contre toutes attentes sa passion et son admiration sans bornes pour la peinture et l’Art en général. En filmant Ribes au travail, Leon nous offre une étonnante introspection dans les créations de plus d’une dizaine de peintres. Au bout des doigts du faussaire, on peut alors s’imaginer comment pouvait peindre Pablo Picasso, Fernand Léger ou encore Henri Matisse. La force de ce documentaire est d’entretenir la confusion entre la vérité et les mensonges. Guy Ribes se met à table et accepte de se mettre à nu, souvent pour mettre en valeur son talent et construire sa légende. Quelques protagonistes comme le collectionneur suisse Christian Roessl ou le commandant Marten Perolin, en charge de l’affaire, interviennent ponctuellement pour contredire sa version des faits, sans jamais pouvoir ébranler l’assurance du faussaire qui indique plus vite que son ombre quels tableaux sont les siens dans les catalogues d’expositions.
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Avec ce personnage tout droit sorti d’un vieux polar, Jean-Luc Leon laisse planer le doute sur la véracité des dires et cela au plus grand bonheur de Ribes, qui épate la galerie avec ces histoires de gangsters, à base de magouilles et de gros sous. Si le rythme du film se repose d’ailleurs un peu trop sur les saillies verbales du faussaire, on peut louer la douce et charmante musique de Krishna Levy qui, montée sur cette introduction en noir et blanc réalisée sous un pont de Paris, rappelle étrangement celle d’Anton Karas du Troisième Homme de Carol Reed. Sans conteste, le fantôme d’Orson Welles traverse ce film de part en part. Guy Ribes est-il mythomane ou l’un des plus grands faussaires du XXe siècle ? Est-il un génie ou un petit escroc à la petite semaine ? Jean-Luc Leon laisse la liberté à chaque spectateur d’admirer ou de condamner l’homme et son activité controversée. Ce qui compte pour le réalisateur, c’est de montrer que les apparences sont parfois trompeuses et que le marché de l’Art n’est pas une science exacte, souvent plus intéressé par la valeur marchande d’une toile que par sa véritable valeur artistique. Paradoxalement, en se focalisant sur une figure reconnue de la falsification de tableaux, Un vrai faussaire réalise un excellent recadrage sur la gestuelle et la démarche pure de l’artiste peintre.
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DVD : Une belle édition mais assez sobre, qui comporte un petit livret sur Guy Ribes avec un entretien avec le réalisateur, une interview de Guy Ribes intitulée Dans l’atelier réalisée par parismatch.com, ainsi que la bande-annonce.
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- UN VRAI FAUSSAIRE de Jean-Luc Leon disponible en DVD/VOD le 6 décembre 2016.
- Avec : Guy Ribes, Christian Roessl…
- Production : Sylvie Faguer
- Photographie : Jean-Luc Leon
- Montage : Ernst Machpro
- Son : Sylvie Faguer
- Musique : Krishna Levy
- Edition DVD : Pretty Pictures
- Tarif : 16,35 €
- Durée : 1h28
- Sortie en salles : 2 mars 2016
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