Sortie DVD/ Propriété privée de Leslie Stevens: critique

Publié par Charles Villalon le 27 février 2017

Synopsis : Dans une station-service de la Pacific Coast Highway, deux marginaux nommés Duke et Boots remarquent une élégante femme blonde dans une belle auto blanche. Ils grimpent dans la voiture d’un représentant de commerce et l’obligent à suivre l’auto jusqu’à sa destination finale, une villa cossue de Los Angeles. Par chance, la maison d’à côté est inoccupée et les deux hommes décident de s’y installer incognito pour épier leur nouvelle voisine, Ann, qui passe ses journées au bord de la piscine à attendre son mari. Duke a un plan : proposer ses services en tant que jardinier pour pouvoir pénétrer dans la villa…

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Propriete privee - jaquette BR

Propriété privée – jaquette BR

Considéré comme perdu, puis récemment retrouvé par le UCLA Film & Television Archive et restauré en 4K, Propriété privée est vente en DVD/Blu-ray à partir du 1er mars, après avoir connu une ressortie en salles à l’automne dernier. Il y a quelques mois, on pouvait justement lire dans le livre d’entretien de Pierre Rissient, Mister Everywhere, une évocation de ce film noir de Leslie Stevens qu’il considérait comme une grande oeuvre injustement oubliée. L’injustice est donc en passe d’être réparé, grâce au distributeur Carlotta. Deux jeunes hommes déguenillés et à la mine patibulaire errent sur une route californienne, sous un soleil de plomb. Ils s’arrêtent dans une station-service pour s’y reposer, menaçant au passage le pompiste pour deux sodas et un paquet de cigarettes. Ils parviennent à convaincre un représentant de commerce qui passait par là de les emmener jusqu’à Los Angeles et oblige celui-ci à suivre une femme seule jusque chez elle, une maison cossue dans les collines. Ainsi débute Propriété privée dans un climat oppressant. L’aisance et l’intelligence de Duke (Corey Allen, qui livre une excellente performance), sa qualité de caméléon social, semblent s’accompagner d’un sadisme impatient de s’exprimer tandis que la faiblesse d’esprit de Boots (Warren Oates, dans son premier grand rôle), dominé par son compère, laisse à penser qu’il pourrait le suivre dans les exactions les plus terribles. Duke a promis à Boots, qui est toujours vierge, de lui « arranger le coup » avec cette jolie blonde. Les deux compères s’installent alors dans la maison inoccupée qui jouxte celle de notre héroïne, Madame Ann Carlyle (Kate Manx, très bien). Le décor est planté. Pourtant, passé cet orageux prologue, la tension diminue sensiblement, ou plutôt se prolonge en se faisant plus sourde. L’invasion du logis façon La Maison des otages que l’on pouvait attendre n’a pas lieu. À la place, c’est un plus subtil jeu du chat et de la souris qui s’amorce.

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Première phase : Duke observe par la fenêtre la bourgeoise délaissée, interprétant à l’attention de Boots ses moindres faits et gestes, qui trahissent tous, dit-il, son désir frustré. Deuxième phase : se faisant passer pour un paysagiste qui ne retrouve plus le domicile de son client, il vient sonner chez Ann pour lui demander son chemin avec un « Connaissez-vous les Hitchcock ? » dans un savoureux clin d’œil. Les présentations sont faites. Troisième phase : il revient quelques jours plus tard pour proposer ses services dans le jardin tout en laissant entendre au passage qu’il est dans le besoin. Ainsi, petit à petit, il entre dans la maison. Il ne s’y introduit pas, il s’y insinue, faisant croire à son hôtesse qu’il y est désiré. Car désir il y a chez Ann, épouse délaissée qui trouve dans la personne et dans le corps athlétique de l’intrus un objet de concupiscence, substitut à un mari qui l’ignore éhontément. Duke ne s’y est pas trompé, la frustration d’Ann est palpable, passe par chaque plan, chaque geste, de ses postures de chatte alanguie à ses doigts qui caressent négligemment, de bas en haut, une bougie. La relation se tisse, au bord de la piscine. Dans son coin, Boots observe les progrès de son ami et chaque soir, lui demande des comptes.

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Propriété privée respecte parfaitement les règles du film noir et s’impose autant comme une étude de mœurs que comme un récit à suspense. Le personnage de Corey Allen se révèle plus proche de Valmont que de Humphrey Bogart, jouant pernicieusement des sentiments et manipulant les désirs. Comme le héros de Laclos d’ailleurs, Duke est pris à son propre jeu quand vient pour lui le moment de livrer à son complice la femme dont il a vaincu les réticences et les pudeurs. Dans ce dénouement, qui tient finalement la promesse de confrontation violente que l’introduction avait si nettement formulée, le film finit de se dévoiler. C’est l’histoire de deux impuissants libidineux qui tentent de séduire une femme que la frustration ne pousse pas à l’adultère. Boots en effet, ne passe pas à l’acte, demandant seulement à Ann de ne pas le faire savoir à Duke. De son côté, celui-ci veut la tuer pour la punir de son « infidélité ». Sur ces entrefaites, le mari débarque et sauve la situation. Cette fin qui voit le mal punit et le couple légitime réunit est moins convenue qu’elle n’en a l’air. Elle constitue plutôt une conclusion efficace à la trajectoire tortueuse du film de Stevens, en ce sens qu’elle épouse la logique du genre et de la société elle-même. Le représentant de commerce aperçu au début du film les avait pourtant prévenu : on n’échappe pas à son rôle, à son assignation.

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Bonus : Un seul bonus dans l’édition de Carlotta, l’interview du photographe de plateau, Alexander Singer. Cet entretien est bref mais offre quelques informations au visionneur curieux.

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  • Propriété Privée (Private Property) écrit et réalisé par Leslie Stevens disponible en DVD/Blu-ray à partir du 1er mars 2017.
  • Avec : Kate Manx, Corey Allen, Warren Oates, Robert Wark…
  • Production : Stanley Colbert
  • Photographie : Ted McCord
  • Montage : Jerry Young
  • Décors : Dick Rubin
  • Costumes : Margie Henderson
  • Musique : Alec Compinsky
  • Édition : Carlotta
  • Tarif : 20,06 € (DVD et Blu-ray)
  • Durée : 1h17
  • Sortie initiale : 1960

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