Rachel Portman

Rachel Portman

La Britannique Rachel Portman a composé la musique de près d’une cinquantaine de films et a collaboré avec des grands cinéastes tels que Mike Leigh, Robert Redford, Jonathan Demme, Roman Polanski… En 1997, elle fut la première femme à recevoir l’Oscar de la meilleure musique. Invitée d’honneur au 18ème festival d’Aubagne, dédié à la musique de cinéma, elle est venue présenter son travail. Nous l’avons rencontrée à cette occasion.

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Festival d'Aubagne - affiche

Festival international du film d’Aubagne – affiche

CineChronicle: Comment êtes vous devenue compositrice de musique de film ? Était-ce un choix de cinéphile ou un concours de circonstances ?

RP : J’ai d’abord été compositrice de musique classique et j’ai découvert la musique de film quand j’avais vingt ans. J’étudiais la composition à l’université et j’écrivais de la musique, mais ce n’était pas de la musique d’avant-garde, et mon professeur voyait cela d’un mauvais œil. Il voulait que je compose de la musique dans le style de Stockhausen, très atonale, et je préférais les choses plus mélodiques, plus classiques. J’ai donc commencé à composer pour le théâtre. Aujourd’hui, je lui suis très reconnaissante, car j’aime écrire de la musique pour accompagner des histoires.

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CC: Avez-vous des compositeurs de référence pour la musique de film ?

RP : J’aime Nino Rota, la musique qu’il a composé pour Le Parrain, où celle que Richard Rodney Bennett a écrit pour Loin de la foule déchaînée. Mais je préfère la musique classique. Je ne suis pas une inconditionnelle de musiques de films. Ce n’est pas ce que j’ai étudié. J’ai une formation classique, c’est ce que je préfère.

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Le Chocolat - affiche

Le Chocolat – affiche

CC: Lors de la projection/rencontre autour Chocolat, vous avez dit que vous n’étiez arrivée sur le film qu’à la fin du montage et que vous n’aviez eu que trois semaines pour composer la musique. Arrivez-vous toujours aussi tard dans la production d’un film où vous arrive-t-il d’y participer plus en amont ?

RP : Ça dépend, chaque cas est différent. En règle générale, je lis d’abord le scénario puis je rencontre le réalisateur. Ensuite les choses suivent leur cours : on me propose le travail ou pas, ou bien est-ce moi qui le refuse finalement. Après quoi, je commence à travailler en général dans les trois ou quatre derniers mois de la post-production. Quand j’interviens, le premier montage du film est déjà terminé. Parfois, les réalisateurs veulent que vous participiez à chaque étape. Ils vous demande de venir sur le plateau. C’est vrai que c’est intéressant mais… Je me rappelle être allée sur le plateau pendant le tournage de Beloved, de Jonathan Demme. Il m’a dit : « il faut que tu sois là ! » Je suis resté là pendant des jours et des jours. Cela ne m’apportait rien. Je me demandais ce que je faisais là.

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CC: Vous avez une idée de la raison pour laquelle il vous avait demandé de venir ?

RP : Oui, je sais pourquoi. Il voulait que son équipe soit là. Ça le rassurait. Il voulait que le compositeur soit là parce qu’il voulait que tout le monde soit là tout le temps. Il se sent plus rassuré si tous les gens qui travaillent sur le film sont constamment à ses côtés.

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CC: Jonathan Demme est connu pour sa culture rock avec sa trilogie sur Neil Young et son film sur les Talking Heads. Comment s’est passé votre collaboration, vous qui avez une formation classique ?

RP : Jonathan a un intérêt immense pour tout ce qui touche à la musique. Il passe son temps à en écouter, il est obsédé par la musique et cherche constamment à découvrir de nouvelles choses. Il me disait toujours : « Rachel, tu n’écoutes pas assez de musique. » Il m’a offert un abonnement au magazine Mojo qu’il a renouvelé pendant 10 ans ! J’ai toujours été trop occupée pour les lire. J’en ai accumulé plus d’une centaine… Il est génial, mais c’est difficile pour lui de travailler avec un compositeur qui va écrire pour le film. Je crois qu’il préfère de loin filmer directement les musiciens, comme dans Stop Making Sense.

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Un Crime dans la tete

Un Crime dans la tête

CC: Dans Un crime dans la tête, la bande originale comprend des chansons que les personnages écoutent, des passages où la musique est réduite à quelques notes de guitare électrique et des passages avec un orchestre classique. Une bande originale aussi diversifiée a-t-elle été difficile à élaborer ?

RP : J’ai connu beaucoup de pression sur ce film. Ce fut une expérience difficile. J’ai écrit beaucoup de musique qui n’y figure pas. J’ai composé trente minutes que nous avons enregistrées avec l’orchestre. Mais Jonathan n’était pas là, et c’était une erreur. Il faut toujours s’assurer que le réalisateur soit présent à l’enregistrement. Parfois il vous dit « je suis trop occupé, ça ira sans moi », mais ce n’est pas vrai. Jonathan n’était donc pas venu, et quand il a écouté l’enregistrement, il m’a dit : « Ça ne va pas. » Les indications qu’il m’avait donné étaient contradictoires. Il ne m’a pas dit précisément ce qu’il voulait. Après ça, j’ai cru que j’allais être renvoyée. Mais il a simplement voulu que l’on reprenne à zéro et il m’a donné de bien meilleures indications. Il m’a dit que la musique devait être effrayante. Il ne me l’avait jamais dit. À partir de ce moment-là, j’ai su quoi faire.

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CC: Outre Jonathan Demme, vous avez travaillé avec beaucoup de grands réalisateurs, comme Mike Leigh ou Roman Polanski. Comment s’est effectué vos collaborations avec ces différentes personnalités ? Savent-ils précisément ce qu’ils veulent en terme de musique ?

RP : Jonathan ne sait pas précisément ce qu’il veut. Il a du mal à exprimer ses attentes. Il n’a pas conscience de cela. Polanski comprend parfaitement la musique. Il a mis en scène des opéras. Je lui faisais écouter telle ou telle composition en lui disant « j’ai pensé à ça pour la scène d’ouverture » ou autre chose, « qu’en penses-tu ? » et il me répondait « ne t’inquiète pas, ce sera parfait. Je te fais confiance. » Cette confiance est une chose rare chez les réalisateurs. Ils veulent savoir à quoi ressemblera la musique, avoir une main sur tout. Avec certains d’entre eux, il faudrait être capable de lire dans leurs pensées pour savoir ce qu’ils veulent. Car très souvent ils ne savent pas l’expliquer. S’exprimer par les images et la musique sont deux choses très différentes. Ils ne parlent pas la langue des musiciens. Et d’ailleurs, cela vaut mieux. Je préfère qu’ils m’expliquent en langage simple ce qu’ils veulent.

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CC: Dans son livre Faire un film, Sidney Lumet écrit ceci : « Après les scénaristes, je crois que les compositeurs de musique de films sont plus trahis que quiconque. » Avez-vous vous aussi ce sentiment ?

RP : Cela dépend. C’est vrai sur certains films où tout le monde a son mot à dire et il faut écrire et réécrire la musique, et réécrire encore, c’est épuisant. Et le plus souvent ça n’améliore pas la partition. Il faut juste réécrire. Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas ce que vous avez composé mais ils veulent avoir le sentiment de contrôler quelque chose dans le film. C’est difficile.

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CC: Vous êtes la première femme à avoir reçu l’Oscar de la meilleur musique pour Emma, l’entremetteuse, en 1997. Avez-vous une idée de la raison pour laquelle il y a si peu de compositrice  ?

RP : On me pose souvent la question, et je ne sais jamais comment y répondre. Je peux seulement vous dire qu’il y en aura de plus en plus. J’aimerais que nous soyons mieux représentées dans cette profession. Cette sous-représentation est d’autant moins justifiée qu’il est impossible, en entendant une musique, de savoir si elle a été composé par un homme ou par une femme. Mais je crois que cette situation va bientôt changer.

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>> Tout sur la 18e édition du Festival International du Film d’Aubagne <<

>> Bilan et Palmarès du 18e Festival d’Aubagne <<

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