Synopsis : La véritable histoire de Paul qui, après deux années au front, se mutile et déserte. Pour le cacher, son épouse Louise le travestit en femme. Dans le Paris des Années Folles, il devient Suzanne. En 1925, enfin amnistié, Suzanne tentera de redevenir Paul…
♥♥♥♥♥
Après Quand on a 17 ans en 2016, qui traitait de l’adolescence de deux garçons, André Téchiné remonte le temps, dans les années folles, pour y inscrire un drame sur la transsexualité. D’après une histoire vraie, relatée dans le roman de Fabrice Virgili et Danièle Voldman, La garçonne et l’assassin, le cinéaste s’attaque à des sujets aussi controversés qu’universels, comme l’identité, les traumatismes de la guerre et la violence conjugale. Le film, sélectionné au Festival de Cannes en mai dernier, narre la vie de Paul Grappe (Pierre Deladonchamps), déserteur de la Première Guerre mondiale suite à une blessure qui l’oblige à se faire amputer d’un doigt. Dans la cachette prévue par sa femme Louise (Céline Sallette), Paul devient fou au point d’accepter de se travestir en femme afin de revoir la lumière du soleil. Ce déguisement va s’emparer peu à peu de lui jusqu’à effacer son identité masculine. Ainsi, Paul devient Suzanne au désespoir de Louise, qui continue néanmoins à l’aimer sans condition. Le cinéaste de 74 ans casse la traditionnelle chronologie linéaire ; le récit éclaté mélange les différentes tranches de vie de ce couple singulier. Nous ressentons le malaise de Louise car progressivement Suzanne vampirise et efface Paul, brisant le couple en mille morceaux. On fait alors face à une dégénérescence de l’amour absolu. Mais au-delà d’une réflexion sur les relations déchirantes, Nos années folles dépeint également la descente aux enfers de cet homme, qui découvre de façon fortuite son identité transgenre et à travers laquelle il réussit à s’épanouir dans le contexte des années 20.
.
.
Si le film s’empare du contexte historique pour explorer la perte de l’identité individuelle et collective, suite aux traumatismes causés par la guerre des tranchées, l’aspect trop artificiel de certains éléments rend l’intrigue par moments improbable. Le réalisateur use d’ellipses parfois brusques pour conter cette histoire qui s’étale sur une dizaine d’années, et en particulier sur la transformation de Paul, qui s’opère du jour au lendemain, niant une évolution nécessaire à ce changement. D’une scène à l’autre, nous passons du refus catégorique de Paul de porter une robe pour se promener librement à une orgie de son autre, Suzanne, dans le bois de Boulogne. De même, certains personnages (le Comte, le metteur en scène du théâtre) sont trop stéréotypés et schématiques. Ces scories rendent ainsi l’histoire un peu trop lisse et dépourvue d’âme malgré la force du sujet. L’artifice, inhérent à la pièce de théâtre qui constitue une mise en abyme du récit, aurait sans doute mérité que l’aspect grotesque soit davantage exploité. Si Téchiné brouille les limites entre fiction et réalité, ces deux parts ont également du mal à posséder une âme propre.
.
Néanmoins, Nos années folles explore des thèmes forts, comme la puissance de la scène théâtrale pour exorciser ses propres traumatismes, la perte de l’identité au sortir de la guerre, la dualité mentale et psychologique ainsi que les classes dans lesquelles la société nous enferme. Les performances de Pierre Deladonchamps, brillant dans sa gestuelle, et de Céline Sallette sont également à souligner pour leur authenticité. Autre point notable, Téchiné maîtrise la reconstitution historique et fait revivre les années folles grâce aux décors, aux costumes et surtout à la belle musique qui nous transporte avec des morceaux de Bessie Smith ou André Joubert. Nos années folles s’avère donc en demi-teinte mais reste un beau film, qui rend compte d’une époque pleine de contradictions et d’une société alors en plein changement.
.
.
.
- NOS ANNÉES FOLLES
- Sortie en salles : 13 septembre 2017
- Réalisation : André Téchiné
- Avec : Pierre Deladonchamps, Céline Sallette, Grégoire Leprince-Ringuet, Michel Fau, Virginie Pradal, Mama Prassinos, Axelle Equinet, Peter Bonke…
- Scénario: André Téchiné, Cédric Anger, d’après l’œuvre de Fabrice Virgili
- Production: Laurent Pétin, Michèle Pétin
- Photographie: Julien Hirsch
- Montage: Albertine Lastera
- Décors: Katia Wyszkop
- Costumes: Pascaline Chavanne
- Musique: Alexis Rault
- Distribution: ARP Sélection
- Durée: 1h43
.