Résumé : Trente ans après la disparition de Rick Deckard et son amour Rachel, un nouveau Blade Runner, l’agent K, mène une enquête qui va le conduire à affronter les événements passés. L’ombre de Deckard habite Blade Runner 2049 autant que celle de Vangelis, avec des fragments qui rappellent le travail de Johann Jóhannsson. Avec en plus Benjamin Wallfisch & Hans Zimmer comme signataires, dans l’espace, on ne s’entend plus crier.
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En 1982, Ridley Scott avait choisi l’innovation en demandant à Vangelis de composer la bande originale de Blade Runner. Un choix audacieux, qui n’a cependant pas été si surprenant de la part du cinéaste. Pour son précédent film de science-fiction, Alien en 1979, il avait souhaité d’abord travailler avec Isao Tomita (contemporain de Wendy Carlos, le compositeur de Tron, la même année) et surtout pas avec Jerry Goldsmith, qu’il jugeait trop classique. Trente-cinq ans plus tard, alors que Jóhann Jóhannsson est le plus novateur et intéressant compositeur du moment, la production de Blade Runner 2049 le fait remplacer par Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch. Cela fait des années que la musique de Zimmer n’est plus vraiment innovante ; elle s’est même affirmée depuis comme un genre en soi. Pour autant, le style de Jóhann Jóhannsson n’est pas absent ni celui de Vangelis. Alors la question reste entière : cette bande est-elle vraiment originale ? La pochette de l’album ne mentionne aucun nom de compositeur. Les titres des morceaux sont signés Zimmer+Wallfisch mais le générique final mentionne le nom de Wallfisch en premier, et cite aussi Vangelis. Jóhann Jóhannsson a disparu. Le morceau Tears in the Rain, qui figure sur l’album de Vangelis pour Blade Runner, est ici crédité du nouveau duo !
À la vision du génial long métrage de Denis Villeneuve, la musique envahit à merveille l’espace amplifié du Dolby Atmos. Elle est fragmentée à souhait sur certaines scènes, et même souvent absente ; une marque qu’affectionne le cinéaste puisque c’est ce qu’il a souvent demandé à Jóhann Jóhannsson (Premier Contact, un chef-d’oeuvre). En d’autres mots, il semble que Wallfisch, aidé par Zimmer, ait été cadré au sein d’un couloir créatif, bordé d’un côté par Vangelis et de l’autre par Jóhannsson. Le résultat n’est pas inintéressant, dans la mesure où personne ne croyait possible de ressusciter Blade Runner, visuellement et musicalement. Mais ce que Villeneuve réussit haut la main avec les images, en donnant une version blanche de l’univers noir du premier opus, les compositeurs restent figés sur le style originel, sans trop oser le dépasser ni le transcender.
Si Blade Runner a influencé le cinéma de science-fiction au point d’en changer les codes, c’est parce que Ridley Scott, direct transfuge de la publicité, soignait ses plans à la recherche permanente de l’efficacité du cadrage, de la lumière, des couleurs (chaque image compte dans un spot), au détriment parfois d’une continuité plus traditionnelle. Il voyait la musique comme il écoutait ses images, à la recherche d’un contraste. Blade Runner est un polar futuriste, qui a atteint sa dimension mystique après sept montages différents au fil des années. Ce nouvel opus réussit en un seul essai à mettre en lumière cet aspect, aidé par la musique. Ce sont les moments les plus jóhannssoniens d’ailleurs ; les choeurs convoquent Dieu. On évangélise Vangelis.
Le point commun entre les deux opus est la qualité de la bande audio. Bruits exacerbés, ventilateurs, bips d’ordinateur, voix mercantiles, permettent de maintenir une dimension réelle ; l’histoire est une enquête, à la recherche de concret. Il n’y a pas davantage de musique à l’écran dans ce nouvel opus, et c’est tant mieux, mais elle cherche le plus souvent à renforcer, à réveiller. La musique planante du plus célèbre des compositeurs grecs racontait une histoire avec un point de vue. Elle aidait à déstabiliser le spectateur en le maintenant hors sol, pour garder la dualité fiction et réalité, par petites touches. Celle d’aujourd’hui amplifie le plus souvent ce qui est montré à l’écran. Parmi les morceaux notables, on cite Flight to LAPD, qui fait la part belle aux percussions, et intervient au début, servant à le dynamiser, et bien sûr 2049, qui ouvre le film de la même manière sonore que son illustre prédécesseur, à l’aide de profondes secousses sonores.
Vangelis a influencé de nombreux compositeurs et a marqué un style pour la science-fiction. Brad Fiedel, par exemple, puise dans Blade Runner pour la musique de Terminator. Benjamin Wallfisch et Hans Zimmer livrent ici une oeuvre qui prend d’ailleurs sa source chez Brad Fiedel, donc pas uniquement dans l’ADN de son créateur. Tout comme les différentes versions des Replicants, l’origine se perd. Création originale ou production d’usine, la musique oscille entre ces deux extrêmes. Si elle ne cherche pas la vérité, associée aux inoubliables images de Roger Deakins, elle possède peut-être finalement une âme.
- BLADE RUNNER 2049
- Musique de Film / Original Motion Picture Soundtrack
- Compositeur(s) : Benjamin Wallfisch et Hans Zimmer
- Sortie : 5 octobre 2017
- Label : Epic Records
TRACKLIST Blade Runner 2049
Durée : 1h34
- 2049
- Sapper’s Tree
- Flight to LAPD
- Summer Wind (Frank Sinatra)
- Rain
- Wallace
- Memory
- Mesa
- Orphanage
- Furnace
- Someone Lived This
- Joi
- Pilot
- Suspicious Minds (Elvis Presley)
- Can’t Help Falling in Love (Elvis Presley & The Jordanaires)
- One for My Baby (and One More for the Road) (Frank Sinatra)
- Hijack
- That’s Why We Believe
- Her Eyes Were Green
- Sea Wall
- All the Best Memories Are Hers
- Tears In the Rain (composé par Vangelis en 1982)
- Blade Runner
- Almost Human (Lauren Daigle)