Alors que l’épisode VIII – Les Derniers Jedi a envahi les écrans, l’occasion de revenir, dans Mémoires du Cinéma, sur les origines de La Guerre des Étoiles de George Lucas (Star Wars, Épisode IV – Un Nouvel Espoir), sorti en 1977.
George Lucas aurait pu devenir coureur automobile mais un grave accident brisa son rêve. Après l’université, il aurait pu réaliser des films expérimentaux ou des documentaires, mais c’est la rencontre avec Francis Ford Coppola qui va le conduire sur un autre chemin.
Malgré un premier long métrage, THX 1138, film futuriste et pessimiste, et un premier échec commercial, il persévère tout en optant pour un thème plus léger. Il connaît alors le succès avec American Graffiti, une comédie dramatique sur la fin de l’adolescence et largement autobiographique.
Fort de ses expériences, malgré les innombrables difficultés, à commencer par le financement, il se lance dans The Star Wars, un projet ambitieux, nourri du souvenir des films et des lectures de sa jeunesse. Le pari était bien loin d’être gagné…
En route vers les étoiles
Enfant, George Lucas se passionnait pour la lecture des comics, les aventures de science-fiction, comme celles de Flash Gordon, en bandes dessinées ou en serials à la télévision. À l’université, il réalise ses premiers films, notamment le court métrage dystopique Electronic Labyrinth: THX 1138 4EB qui lui vaut les félicitations d’un aspirant réalisateur, Steven Spielberg. Ce court remporte un 1er prix au festival du film étudiant du Lincoln Center à New York. Une récompense qui permet à Lucas de décrocher un stage chez Warner Bros à Burbank où il fait la connaissance de Francis Ford Coppola. Ce dernier, qui le prend comme assistant sur La Vallée du bonheur (1968), l’encourage à écrire ses propres scénario et à les tourner.
À défaut de Flash Gordon, c’est un autre personnage de comic strip qui inspire le jeune cinéaste, Buck Rogers, mais placé au vingtième siècle plutôt que dans le futur. Le film est tourné en deux mois, du 22 septembre au 21 novembre 1969, à San Francisco et sans autorisation. Ce film futuriste à la vision pessimiste, malgré les références à la contre-culture en vogue, est présenté à la Warner le 19 novembre 1970. La major trouve le film trop ésotérique et ne suit pas. Échaudé par cette première expérience, Lucas fonde sa propre société Lucasfilm Ltd. Propriété de WB, THX 1138, développé en long métrage, est présenté à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs. Sans être invité, George Lucas se déplace sur la Croisette. Il rencontre David Picker, président de United Artists. Celui-ci est intéressé par les projets d’American Graffiti et d’un « film fantastique sous forme de space opera ».
Alan Ladd Jr à la rescousse
En mai 1973, il a déjà un manuscrit de 14 pages dactylographiées intitulé « The Star Wars ».United Artists et Universal le refusent. Par chance, Alan Ladd Jr, le fils du célèbre acteur Alan Ladd, a été nommé en janvier vice-président aux affaires créatives de Twentieth Century Fox. Dénicheur de talents au sein de Creative Management Associates, puis comme producteur indépendant à Londres, avec neuf films en quatre ans, il a vu American Graffiti sur les recommandations d’amis qui ont assisté à une projection privée. Il rencontre George Lucas et un accord de principe est trouvé entre les deux parties. Dix jours après la sortie d’American Graffiti, un accord est conclu entre Lucasfilm et la Fox pour écrire et réaliser le projet de film The Star Wars contre 150.000 dollars et un pourcentage sur les bénéfices. Mais seul Alan Ladd Jr y croit. Les négociations avec le studio vont se poursuivre pendant plusieurs années…
Toujours en 1973, George Lucas se rend à Los Angeles pour y rencontrer l’illustrateur et designer Ralph McQuarrie. Le jeune réalisateur évoque son idée de film sur une guerre interstellaire et lui demande de peindre des idées de visuels. Il l’engage en août 1974 en même temps que Colin Cantwell pour la conception de maquettes. Ce dernier a travaillé sur 2001 de Stanley Kubrick et Le Mystère Andromède de Douglas Trumbull. En février 1975, Alex Tavouralis est recruté pour la réalisation du storyboard de la séquence d’ouverture. Il doit permettre de calculer le coût des effets spéciaux nécessaires pour la séquence. Steven Spielberg présente John Williams à George Lucas pour composer la bande originale du film. Deux mois plus tard, par souci d’économie, Lucas crée sa propre société d’effets spéciaux, Industrial Light & Magic (ILM), dans la banlieue de L.A. Il recrute John Dykstra, assistant de Douglas Trumbull sur 2001 et Silent Running.
Intentions et influences
George Lucas part du constat que les films de pirates, les westerns et les contes de fées sont passés de mode. Aussi veut-il réhabiliter ce fantastique que les jeunes ignorent. The Star Wars sera un conte de fées pour enfants par le biais d’une aventure spatiale. Mais, bien qu’il considère 2001, l’odyssée de l’espace comme un chef-d’œuvre, il tient à se démarquer de la science-fiction classique pour éviter les critiques des spécialistes. Il préfère le futur/passé au futur/futur et réaliser un conte avec beaucoup de fiction et très peu de science. Outre les comics, Flash Gordon, Buck Rogers, il s’inspire également des livres d’Edgar Rice Burroughs, Une princesse de Mars et John Carter de Mars, et des ouvrages d’anthropologie Le Rameau d’or (1890) de sir James George Frazer, et du Héros aux mille et un visages (1949) de Joseph Campbell.
Sur le plan cinéma, il revoit, entre autres, La Prisonnière du désert de John Ford, Air Force d’Howard Hawks, Les Briseurs de barrages de Michael Anderson, Tora ! Tora ! Tora ! de Richard Fleischer, Kinji Fukasaku et Toshio Masuda, Les Aventures de Robin des Bois de Michael Cutiz, Metropolis de Fritz Lang, Yojimbo et La Forteresse cachée d’Akira Kurosawa, Les chamailleries des paysans ahei et Matashichi de ce dernier film inspireront celles de deux robots de Star Wars, R2-D2 et C-3P0. Plus gênante, sera la référence au film de propagande nazie pour la scène finale, Le Triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl. Évoquée par des journalistes américains, l’hypothèse sera reprise par des critiques français lors de la sortie en France. George Lucas déclara y avoir songé mais pour une autre scène qui a été abandonnée lors de la phase d’écriture du scénario.
Un scénario remanié à l’infini
À partir du document élaboré en 1973, George Lucas développe un premier scénario en juillet 1974, un second en janvier 1975, puis un troisième au cours de l’année, pour aboutir à une quatrième version au début de 1976. Des changements interviendront encore pendant le tournage. Une réécriture et de nombreuses modifications qui ont parfois déboussolé Alan Ladd Jr. Elles concernaient aussi bien les protagonistes que la trame de l’histoire. Ainsi, il fut question, entre autres, d’un Annakin Starkiller comme personnage principal, héros aimé de Leia la fille d’un roi, puis des péripéties de Luke Starkiller aidé par le pirate Han Solo pour porter secours à Deak, le frère de Luke, emprisonné dans la ville insulaire impériale d’Alderaan. Jonathan W. Rinzler, l’auteur des making-of officiels de la trilogie originelle évoque même un Han Solo alien vert géant… Luke Starkiller est ensuite devenu Luke Skywalker et Deak, la Princesse Leia.
L’histoire du film dont le titre sera finalement Star Wars commence donc ainsi… « Il y a bien longtemps, dans une galaxie très lointaine… C’est une époque de guerre civile. À bord de vaisseaux spatiaux opérant à partir d’une base inconnue, les Rebelles ont remporté leur première victoire sur l’abominable Empire Galactique (…) ». La Princesse Leia, qui dirige la rébellion, s’est emparée des plans de « L’Étoile Noire », l’arme suprême de l’Empire. Elle est faite prisonnière par Dark Vador et ses soldats, mais ceux-ci ne trouvent pas les précieux documents. Deux droïdes qui l’accompagnaient, R2-D2 et C3PO, atterrissent sur la planète Tatooine où ils sont à leur tour capturés par des Jawas, une peuplade primitive. Ils sont revendus à un couple de fermiers. Leur neveu, Luke Skywalker, découvre par hasard le message que Leia a confié à R2.D2. Il est destiné au général Obi-Wan Kenobi, dernier survivant de l’Ordre des Chevaliers Jedi. Le jeune homme pense qu’il s’agit du vieil ermite qui vit non loin de là… ».
Le casting
C’est fin août 1975 que George Lucas commence les auditions, aidé de Fred Roos, chargé du casting d’American Graffiti, et de Dianne Crittenden, directrice de casting. Elles ont lieu dans les locaux d’American Zoetrope avec celles de Brian De Palma pour Carrie. Les deux réalisateurs se sont connus à la Warner et sont devenus amis. Nick Nolte, Tommy Lee Jones, Robert Englund (Freddy Krueger) et Kurt Russell sont auditionnés pour le rôle de Han Solo. Charles Martin Smith (American Graffiti), Andrew Stevens, Perry King, Robby Benson, William Katt et Mark Hammill pour celui de Luke Skywalker. Cindy Williams (American Graffiti), Lisa Eilbacher, Linda Purl, Anne-Marie Martin, Amy Irving et Terri Nunn tentent leur chance pour le rôle de Leia. Le culturiste David Prowse se voit offrir celui de Chewbacca ou de Dark Vador. Il choisit Vador. Pour interpréter Obi-Wan Kenobi, George Lucas a pensé au comédien japonais Toshiro Mifune, mais Sir Alec Guinness a eu l’opportunité de lire le script. Il a vu et aimé American Graffiti et il n’a jamais tourné dans une film de science-fiction. L’expérience le tente. Il parvient à convaincre le réalisateur.
Mi-novembre, à New York, Lucas auditionne Christopher Walken pour le personnage de Han Solo et Jodie Foster pour celui de Princesse Leia. Nouvelle séance de casting à Zoetrope, le 30 décembre. Fred Roos s’est arrangé pour que Harrison Ford qui travaille comme charpentier, soit présent en même temps que Terri Nunn, Lisa Eilbacher, Robby Benson, Eddie Benton, Linda Purl, Andy Stevens, Mark Hamill et Carrie Fisher. Fin janvier 1976. George Lucas a pris sa décision et engage Mark Hamill, Carrie Fisher et Harrison Ford. Peter Cushing (Gouverneur Tarkin) et Peter Mayhew (Chewbacca) rejoignent le casting en février.
Le tournage et la post-production
Après des repérages en Afrique du Nord, de Casablanca à Djerba, en novembre 1975, George Lucas a jeté son dévolu sur la Tunisie, Djerba et le désert de Nefta. Tataouine, donnera son nom à la planète Tatooine. Dès janvier, des décors et des maquettes de vaisseaux sont acheminés vers la Tunisie, depuis la France, via l’Italie, par ferry, puis la route. Le tournage débute le 22 mars 1976. L’équipe est rapidement confronté à de nombreux problèmes techniques. Comble de malchance, des pluies diluviennes, pourtant rares, s’abattent sur la région.À la mi-avril, la production s’est déplacée en Angleterre aux studios Elstree. Elle se heurte à d’autres difficultés, liées à la mauvaises volonté des techniciens britanniques et à l’encadrement des horaires de travail fixés par les syndicats. Quelques scènes sont tournées aux studios Shepperton.
Lorsqu’il rentre en Californie à la mi-juillet, George Lucas apprend une autre mauvaise nouvelle. L’équipe d’ILM a dépensé la moitié de son budget de 2 millions de $ et n’a réalisé que trois effets spéciaux sur 365. Mécontent de son travail, Lucas licencie le monteur John Jympson. C’est son épouse, Marcia Lucas qui reprend le montage. ILM a appris de sa mauvaise organisation. L’équipe a gagné en expérience et devient plus efficace. Des techniques inédites ont été mises au point. Tout le monde a mis la main à la patte et consenti d’énormes efforts. Les effets spéciaux seront réalisés dans les temps. Dans ses négociations avec la Fox, George Lucas a acquis certains droits sur les suites, licences et produits dérivés, mais, compte tenu des restrictions budgétaires qui lui sont imposées, il est très loin d’être satisfait de ce qu’il voit. Il redoute le pire. Courant décembre, Martin Scorsese rappelle Marcia Lucas pour l’aider à finir le montage de New York, New York. Paul Hirsch et Richard Chew prennent le relais sur Star Wars.
De l’angoisse à la délivrance
L’année 1977 commence très mal. Le 11 janvier, Mark Hamill est victime d’un grave accident de la route. Hospitalisé, il doit subir une délicate intervention chirurgicale du visage. Il est fait appel à une doublure pour le remplacer. Le film est loin d’être terminé. Il faut tourner des scènes additionnelles aux États-Unis, ajouter des effets spéciaux et la bande musicale. À la mi-février, George Lucas organise une projection pour quelques amis réalisateurs ou scénaristes. Les avis sont négatifs. Brian De Palma se montre même très critique. Steven Spielberg pense néanmoins qu’une fois le film terminé, l’accueil sera différent. Lucas renouvelle l’expérience quelques jours plus tard, et présente un autre montage à Alan Ladd Jr et à quelques responsables de la Fox. L’accueil est mitigé. En mars, après avoir vu le film avec tous ses effets spéciaux et la bande originale de John Williams, l’accueil de la Fox est cette fois enthousiaste. George Lucas n’est pas convaincu pour autant et pense que sa carrière est terminée. Il part en vacances à Hawaï, dans l’idée de parler avec Steven Spielberg d’un projet dont il a l’idée, Les Aventuriers de l’arche perdue.
Afin d’éviter la concurrence des films de l’été, la Fox a avancé la sortie de Stars Wars au 25 mai 1977. Il est programmé dans 32 salles, à Los Angeles, San Francisco et New York. Bien accueilli par la critique, il remporte un immense succès commercial presque inattendu, aux États-Unis, puis ensuite dans le monde. En France, le film, exploité sous le titre La Guerre des Etoiles, est présenté au Festival du cinéma américain de Deauville peu avant sa sortie dans les salles de cinéma. À ce jour, Star Wars, qui a obtenu 7 Oscars en 1978, a rapporté au total plus de 775 millions de $ pour un budget initial de 11 millions. En France, il a été vu par près de 6,5 millions de spectateurs.