Blu-ray/ Mask de Peter Bogdanovich : critique

Publié par Thierry Carteret le 17 janvier 2018

Synopsis : Rocky Dennis a le visage déformé depuis la naissance. Sa mère qui ne lui a jamais fait sentir cette différence tente de vivre « normalement » avec lui. Mais le regard des autres reste lourd à chaque instant…

♥♥♥♥

 

Mask - affiche

Mask – affiche

Mask de Peter Bogdanovich est proposé en Blu-ray et DVD dans cette belle initiative de Elephant Films de sortir en vidéo le 17 janvier quatre titres un peu oubliés du cinéma américain dramatique. Donc contrairement aux trois autres, pas de combo ici, mais la possibilité de visionner le Director’s cut en plus de la version cinéma. Mask raconte l’histoire vraie et tragique de Roy Lee Dennis dit « Rocky », un jeune américain de seize ans atteint de dysplasie craniométaphysaire, une maladie extrêmement rare déformant la forme du crâne et donnant un aspect proéminent à la face. La version Director’s cut remontée en 2004 -à défaut de celle sortie en salles par Universal et présentée sans l’accord de Bogdanovich au Festival de Cannes 1985- contient deux scènes supplémentaires et surtout la bande originale illustrée par les chansons de Bruce Springsteen, dont le jeune personnage est fan. Quand on propose à Peter Bogdanovich de réaliser cette histoire superbement adaptée par l’actrice et scénariste Anna Hamilton Phelan (Gorilles dans la brume, Une vie volée), il se montre d’abord peu emballé. Le scénario lui apparaît comme une simple commande à satisfaire. Cependant, à cette époque, le cinéaste de La dernière séance (1971) est au creux de la vague dans sa carrière, mais surtout est marqué par la mort de la jeune actrice et mannequin Dorothy Stratten (la vamp sexy de Galaxina), assassinée par son époux et manager en 1980. Bogdanovich épousera d’ailleurs sa sœur Louise en 1988, avant de divorcer en 2001. Stratten conseille alors à Peter Bogdanovich de voir la pièce de théâtre The Elephant Man qui se joue à Londres avec David Bowie dans la peau de John Merrick, et qu’elle a trouvé fantastique. On se souvient du chef-d’oeuvre de David Lynch, avec John Hurt, fait peu de temps après la pièce. Selon les dires de Bogdanovich, Dorothy était d’une immense beauté, presque irréelle, et les gens se retournaient dans la rue à son passage. C’est là que le cinéaste voit un lien avec l’histoire de Mask, car l’extrême beauté rejoint la monstruosité dans le même sentiment d’isolement social. Il comprend pourquoi l’histoire de John Merrick touchait autant Dorothy Stratten. Mask est le moyen de rendre hommage à l’actrice défunte qu’il fréquentait et aimait.

 

Mask

Mask

 

Ce drame est emmené par la comédienne et chanteuse Cher (Les sorcières d’Eastwick), absolument fabuleuse dans le rôle de Rusty, une jeune mère très rock’n roll, membre d’un gang de bikers et femme très indépendante qui s’adonne à la consommation de drogue. Une interprétation qui lui vaut le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 1985 et une nomination aux Golden Globes. Elle sera cependant boudée par les Oscars, pourtant donnée favorite. Sur le tournage, les tensions sont palpables entre elle et Peter Bogdanovich mais heureusement n’entament pas la qualité de son jeu.

 

Rusty est une mère aimante qui voit en son fils Rocky (Eric Stoltz), un adolescent comme les autres. Malgré l’apparence singulière de son enfant, elle semble vivre dans la négation de sa différence, et ne comprend pas le rejet dont il pourrait être la victime. La réalisation insiste sur les regards silencieux plein de bienveillance et d’amour que Cher arrive parfaitement à renvoyer. Dès le départ, Rusty a parfaitement intégré le destin tragique de son fils, dont la maladie le condamne à une espérance de vie courte et on sent qu’elle s’y est préparée de longue date. Cette vie, l’intrigue la déroule à cent à l’heure avec une puissance cinématographique et narrative insensée.

 

Mask, loin de plonger dans le pathos et la complaisance, est une œuvre profondément généreuse, humaine et attachante. Après un générique en forme de scène d’ouverture montée habilement et tout en délicatesse, l’intrigue contrecarre en permanence les attentes du spectateur. Le message de tolérance est alors délivré avec une grande force, comme une évidence. On est avec le clan de cette famille recomposée, grâce à l’arrivée de Gar, le compagnon de Rusty, joué par Sam Elliott (Road house, The big Lebowski, Blue jean cop) ou encore grâce à la visite des parents de Rusty Abe (Richard A. Dysart) et Evelyn (Estelle Getty). L’occasion d’un face à face conflictuel père-fille d’une infinie justesse. Toute cette dimension humaine est au cœur de Mask, emporté par la performance incroyable d’un jeune Eric Stoltz (Killing Zoé, Pulp Fiction).

 

Mask

Mask

 

Le comédien, méconnaissable sous le maquillage de Rocky est éblouissant dans le rôle. Désarmant par son humour et son amour de vivre malgré son « handicap ». Comme bouclier à un monde parfois intolérant envers la différence, l’existence difficile de Rocky se resserre par moments dans sa petite chambre. Un refuge où il rêve de voyage en Europe, des champions de base-ball de l’équipe des Dodgers et de son idole Bruce Springsteen. Sa différence physique le marginalise, lui qui n’aspire qu’à faire partie du monde. Il doit parfois supporter et surmonter des murs d’incompréhension (la rentrée dans un nouveau collège ; le stage d’équitation pour jeunes aveugles ; lorsqu’il pense trouver sa moitié chez une jeune aveugle (Laura Dern à ses débuts) et avoir enfin une relation avec une fille, symbole de l’ultime intégration sociale).

 

Avec humour et intelligence, Rocky -surnom du célèbre boxeur du cinéma qui n’est pas un hasard- désarme en une phrase ses « adversaires ». Comme eux, le spectateur finit par voir, derrière l’apparence, la beauté qui s’y cache. Le message de tolérance que délivre ce film extraordinaire vient trouver sa conclusion sur une larme que vient essuyer un sourire, à l’image de l’affiche qui enveloppe Cher et son fils sous un soleil couchant et radieux. Grand succès à sa sortie, Elephant Films nous permet de (re)voir Mask dans des conditions techniques optimales grâce à cette édition exemplaire.

 

 

 

Test bonus : La qualité de la copie restaurée est très agréable, que ce soit au niveau de l’image ou du son proposé en mono français et anglais sous-titré français. Le Director’s cut, que nous n’avons hélas pas pu tester, est uniquement en anglais sous-titré français. L’édition est relativement riche sur le plan des suppléments, et surtout très intéressante. Jean-Baptiste Thoret, critique de cinéma et réalisateur, propose l’analyse du film d’une durée de trente cinq minutes. Il évoque comment Peter Bogdanovich a fini par accepter ce qui était au départ un film de commande, avant de devenir une œuvre personnelle. Le disque propose ensuite une interview récente du réalisateur d’une vingtaine de minutes. Il aborde son approche et se montre passionnant à écouter. Deux parfaits compléments à cette belle édition restaurée.

 

 

 

  • MASK
  • Sortie vidéo : 17 janvier 2018
  • Version restaurée haute définition
  • Format / Produit : Blu-ray et DVD version cinéma (2h) et Director’s cut (2h07)
  • Réalisation : Peter Bogdanovich
  • Avec : Cher, Eric Stoltz, Sam Elliott, Estelle Getty, Laura Dern, Richard A. Dysart
  • Scénario : Anna Hamilton Phelan
  • Production : Martin Starger
  • Photographie : Laszlo Kovacs
  • Montage : Barbara Ford
  • Décors : Richard J. DeCinces
  • Costumes : Robert Chase, Sandra Culotta, April Ferry
  • Musique : Dennis Ricotta
  • Édition vidéo : Elephant Films
  • Tarif : 19,99 € (DVD) – 24,99 € (Blu-ray)
  • Sortie initiale : 8 mars 1985 (USA) – 29 mai 1985 (France)

 

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