Ressortie / La Ballade de Narayama de Shohei Imamura : critique

Publié par Erica Farges le 9 juillet 2018

Synopsis : Orin, une vieille femme des montagnes du Shinshu, atteint l’âge fatidique de soixante-dix ans. Comme le veut la coutume, elle doit se rendre sur le sommet de Narayama pour être emportée par la mort. La sagesse de la vieille femme aura d’ici-là l’occasion de se manifester.

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La Ballade de Narayama - affiche

La Ballade de Narayama – affiche

Chef-d’œuvre de Shohei Inamura, La Ballade de Narayama, adapté de la nouvelle écrite par Shichiro Fukazawa, remporte la Palme d’or au Festival de Cannes en 1983. L’action se déroule au XIXème siècle dans un village japonais où les habitants ayant atteint l’âge de soixante-dix ans doivent se rendre à Narayama, la montagne aux chênes, pour que leurs âmes puissent rejoindre le kami (dieu) de ce lieu. Le récit s’inspire de la pratique de l’ubasute, coutume légendaire selon laquelle le fils aîné doit abandonner ses parents au sommet de la montagne lorsqu’ils atteignent un certain âge afin que leurs esprits reposent dans un endroit sacré. Avant l’adaptation des années 1980, la nouvelle de Fukazawa avait déjà donné lieu à deux autres œuvres cinématographiques : un long-métrage de Keisuke Kinoshita en 1958 et une version coréenne, Goryeojang, de Kim Ki-young en 1963. Tout au long de sa carrière, Imamura se distingue des autres cinéastes nippons par le réalisme provocateur que contiennent ses œuvres. Dans La Ballade de Narayama, l’empreinte particulière du réalisateur se retrouve surtout dans la représentation du quotidien des villageois sous son aspect le plus rudimentaire. Dès la première séquence, les individus peuplant les lieux sont dépassés par l’immensité des montagnes enneigées qui enclavent leur village. Tourné majoritairement en extérieur, l’œil de la caméra capture l’essence de cet environnement dans toutes ses dimensions. À l’écran, s’alternent la grandeur infinie du paysage montagneux et les nombreux gros plans sur les minuscules détails. Un lyrisme se dégage des images qui créent une symbiose en soulignant les similitudes entre les villageois et la nature sauvage alentour.

 

La Ballade de Narayama

La Ballade de Narayama

 

La rudesse diurnal, avec la nécessité de mettre en place des moyens de survie qu’elle implique, dessine un autre rapport aux structures sociales pour les êtres humains. Au lieu de mythifier ou sublimer, la légende de Narayama fait écho au côté bestial et primitif des villageois. L’être humain est ramené à son statut d’animal, à l’image du Tatsuhei (Ken Ogata) chevalin qui transporte sa mère, Orin (Sumiko Sakamoto), sur son dos lors du périple de Narayama, ainsi que des scènes montrant la zoophilie du fils cadet, Risuke (Tonpei Hidari). Les rites apparaissent comme une manifestation de l’instinct de survie, ils sacralisent le parricide pour que la communauté puisse se livrer de ses anciens afin d’assurer des ressources suffisantes aux membres plus jeunes dont la vitalité permet de participer au fonctionnement du village.

 

Ce rituel ancestral, basé sur le cycle de la vie, trouve ses racines dans un principe d’équilibre et de préservation, pour permettre de nouvelles naissances il est nécessaire de sacrifier les personnes âgées et les infirmes. La coutume ayant pour fonction de réguler la population de ce village pauvre s’oppose à la volonté, caractéristique des sociétés modernes et prospères, de prolonger au maximum la vie. Pour les personnages dépeints par Imamura, la croyance n’est pas une quête d’élévation spirituelle, il s’agit d’un besoin vital.

 

La Ballade de Narayama soumet un point de vue totalement étranger aux sociétés industrialisées afin de reconsidérer notre relation au monde et, plus particulièrement, à la vie. Œuvre au poétisme singulier, elle interroge subtilement la relation primaire de l’être humain à son environnement par des procédés qui restent encore aujourd’hui atypiques au cinéma.

 

Erica Farges

 

 

 

  • LA BALLADE DE NARAYAMA (Narayama Bushikou)
  • Version restaurée en 4K
  • Ressortie salles : 11 juillet 2018
  • Réalisation : Shohei Imamura
  • Avec : Ken Ogata, Sumiko Sakamoto, Tonpei Idari, Aki Takejo, Shoichi Ozawa, Fujio Tokita, Sansho Shinsui, Seiji Kurasaki, Junko Takada, Mitsuko Baisho, Taiji Tonoyama, Ben Hiura, Casey Takamine, Nenji Kobayashi, Nijiko Kiyokawa, Norihei Miki, Ryutaro Tatsumi
  • Scénario : Shohei Imamura
  • Production : Goro Kusakabe et Jiro Tomoda
  • Photographie : Masao Tochizawa
  • Montage: Hajime Okayasu
  • Décors: Nobutaka Yoshino
  • Costumes: Kyoto Isho
  • Musique : Shinichiro Ikebe
  • Distribution : La Rabbia / Les Bookmakers
  • Durée : 2h13
  • Sortie initiale : 29 avril 1983 (Japon)-28 septembre 1983 (France)

 

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