Résumé : Se penchant sur l’imaginaire du western classique américain, ce livre propose une lecture narrative et mythologique des films relatant la construction d’un chemin de fer. Rassemblés sous le concept de Railroad Buildind Story, ces films constituent un sous-genre du western à part entière. Du célèbre The Iron Horse (1924) au spectaculaire How the West Was Won (1962), ce sous-genre parcourt toute la grande époque du western classique sous le signe hautement patriotique qu’est le chemin de fer. Sous ces récits se découvre une matrice narrative d’une cohérence insoupçonnée, véritable mythe de la nation américaine tirant ses sources dans son histoire.
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« Si vous avez un message à faire passer, utilisez la Western Union » aurait répondu le producteur Samuel Goldwyn à l’un de ses assistants lui ayant proposé un scénario par trop politisé à son goût. À lire l’ouvrage de Guillaume Lavoie, doctorant en études cinématographiques à l’Université de Laval, on se dit que l’idée n’était pas si mauvaise après tout. En se consacrant exclusivement aux westerns mettant en scène la construction des chemins de fer, l’étude affirme la singularité d’un propos que renforce encore le choix de son corpus de films. Aux côtés des grands classiques du genre (The Iron Horse de Ford, Union Pacific de DeMille, Western Union de Lang), Lavoie s’intéresse à des productions moins connues du grand public (Canadian Pacific de Marin, Rock Island Trail de Kane, Santa Fe de Pichel, et même un épisode de la série télévisée How the West Was Won). Dès ses prémisses, l’approche de l’auteur affirme l’importance de sa valeur théorique. Empruntant la qualité empiriste des théories de Vladimir Propp sur l’étude des contes et les assises les plus pointues de la narratologie, l’ouvrage se focalise principalement sur l’analyse des scénarios. Lavoie s’emploie ainsi à décrire dans le détail les différentes composantes dramatiques des films envisagés (caractéristiques des personnages et de leurs rapports, récurrence de certains éléments sémantiques et structures syntaxiques…). On regrettera néanmoins que ce parti-pris exclut presque totalement les images de son champ d’expertise, tant le chemin de fer constitue un motif iconologique de choix, un manque d’autant plus dommageable que les quelques captures d’écran agrémentant la mise en page (chose assez rare chez L’Harmattan pour être remarquée) se voient réduites à de simples illustrations de forme. Mais le véritable intérêt de cette étude se situe du côté de son approche civilisationnelle, l’auteur s’attardant longuement sur l’analyse du fond historique constituant l’arrière-plan des films envisagés. Les domaines de la sociologie, de l’économie et de la politique permettent ainsi d’approfondir l’argument général des productions. Là encore les références sont nombreuses, Lavoie offrant un panorama très complet des études historiques, principalement anglo-saxonnes, consacrés au sujet. Pour importante qu’elle apparaisse, la pluralité de ces sources souffre néanmoins de toute absence de traduction, empêchant le lecteur maîtrisant mal la langue anglaise de bien comprendre les propos des citations employées. Dans son ensemble donc, l’ouvrage intéresse par son approche théorique, mais souffre dans sa conceptualisation même de certaines limites qui l’empêcheront de toucher un lectorat élargi. Le public universitaire peut se réjouir de cette publication, mais le simple amateur de westerns risque d’être souvent pris au dépourvu.
- L’IMAGINAIRE DU CHEMIN DE FER DANS LE WESTERN AMÉRICAIN. ESSAI SUR UN MYTHE CINEMATOGRAPHIQUE
- Auteur : Guillaume Lavoie
- Éditions : L’Harmattan
- Collection : Champs visuels
- Date de parution : 5 juillet 2018
- Format : 268 pages
- Tarif : 27 € (papier) – 20,99 € (numérique)