Résumé : Les années 1990 et 2000 constituent une période cruciale pour le cinéma italien qui, après avoir traversé une situation très délicate, connaît une certaine renaissance. Durant cette période, de nombreux cinéastes, par le truchement de l’enfance, portent à l’écran le témoignage de problèmes propres à l’Italie. Ces personnages d’enfants bénéficient d’un traitement différent de celui que le néoréalisme leur avait réservé, notamment au plan esthétique. Le travail effectué sur les regards et l’imaginaire de ces enfants, petits et grands, suggère à la fois leur marginalité dans une société berlusconienne qui se soucie peu de leur sort, et leur capacité à mener leur vie, à grandir et, peut-être, à s’assurer des jours meilleurs. C’est l’ensemble de ces figures de l’enfant dans le cinéma italien contemporain qu’analyse cet ouvrage.
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Les succès publiques et critiques de La vie est belle (Roberto Benigni, 1999), Nos meilleures années (Marco Tullio Giordana, 2003), ou plus récemment encore de L’Homme qui viendra (Giorgio Diritti, 2009) le prouvent : l’enfance reste un motif central dans le paysage contemporain du cinéma transalpin. À partir d’un large corpus de films (prise de vue réelle et animation confondues), Roland Carrée, enseignant-chercheur en cinéma à l’ÉSAV Marrakech et docteur en cinéma de l’Université Rennes 2, propose une analyse poussée de son objet d’étude. Revenant sur les nombreux modèles néoréalistes (Allemagne, année zéro, Les enfants nous regardent, Le voleur de bicyclette, L’Or de Naples, le dernier épisode de Païsa…), l’auteur étudie l’évolution des problématiques entourant les représentations de ces nombreux Gosses d’Italie. L’enfance ou l’âge des possibles. Cette liberté en apparence illimitée transparaît à travers l’imaginaire, les jeux, ou la recherche constante d’un affranchissement des limites. De la question du regard (entre voyeurisme innocent et interrogation face au monde) au motif de l’eau (perçu comme un « vecteur idéal pour catalyser » le mouvement perpétuel dont est porteuse la vie de l’enfant), en passant par des éléments plus indiciels (le cliché photographique, la larme, le dessin) ou des concepts généraux (le rêve, la question de l’apprentissage ou de l’appréhension du réel), l’ouvrage accorde autant d’importance au fond dramatique qu’aux formes des exemples étudiés (un aspect parfaitement secondé par les nombreuses illustrations noir et blanc accompagnant les réflexions de l’auteur). De page en page, l’enfance apparaît tour à tour comme un reflet altéré du monde des adultes (d’où l’importance du procédé de la mise en abyme) et une balise permettant de marquer les limites imposées par celui-ci (ainsi de la présence de sujets tabous comme l’enfant face à la mort). Carrée propose par ailleurs de prolonger son objet d’étude autour des figures de grands enfants, soit des adultes qui ont choisi de ne pas grandir, et qu’incarnent parfaitement les personnages de Nanni Moretti (Journal intime ; Aprile) et de Roberto Benigni (Pinocchio). Du côté des annexes, à la présence pratique de l’index des noms s’ajoute une riche bibliographie qui affirme encore la grande érudition dont profite le présent écrit.
- GOSSES D’ITALIE. L’ENFANCE DANS LE CINÉMA ITALIEN DES ANNÉES 1990 ET 2000
- Auteur : Roland Carrée
- Éditions : EUD – Éditions universitaires de Dijon
- Collection : Sociétés
- Date de parution : 27 septembre 2018
- Format : 270 pages
- Tarif : 22 €