Premières solitudes de Claire Simon : critique

Publié par Sévan Lesaffre le 14 novembre 2018

Synopsis : De jeunes lycéens âgés de 16 à 18 ans évoquent leurs préoccupations, liées à leurs études, leurs familles, leurs amis, leurs craintes et leurs espoirs.

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Premieres solitudes - affiche

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Découvert lors du 68e Festival de Berlin, Premières solitudes, réalisé par Claire Simon (Récréations, Le Concours, Gare du Nord), est un documentaire hybride et touchant en forme de témoignage générationnel. La cinéaste, anthropologue de formation, y capte la fragilité émouvante et spontanée d’un groupe de lycéens d’Ivry, discutant de leurs vécus marqués par le divorce de leurs parents ainsi que de leurs troubles liés à la dislocation de la cellule familiale. Dans Premières solitudes, la parole s’échange librement, « circule » au cours d’intermèdes entre Anaïs, Catia, Clément, Elia, Lisa, Hugo, Judith, Manon, Mélodie et Tessa qui, livrés à eux-mêmes, apprennent à se regarder, à s’écouter et s’imprègnent des histoires compliquées des un(e)s et des autres. Tous s’unissent pour faire face au déchirement, à l’isolement, à l’abandon. Si le projet initial était de mettre en scène des entretiens face caméra avec chacun d’entre eux, la documentariste leur a seulement donné quelques mots-clés, avant de capter les dialogues dans une logique d’improvisation propre au cinéma documentaire. Claire Simon, qui a recours à une mise en scène épurée —entièrement basée sur la capacité d’écoute— saisit le hasard et retranscrit habilement, à l’aide d’une caméra de plus en plus mobile, l’acte de réfléchir à la vie. Elle fabrique, à partir de récits bruts construits par les adolescents et sans jamais trafiquer la parole, un flux, un espace-temps, une intimité. 

 

Premieres solitudes

Premieres solitudes

 

Pour la plupart des personnages, la solitude est un cocon synonyme de souffrance. La figure du père absent, centrale dans Premières solitudes, génère le manque affectif et fait émerger le portrait d’une génération perdue, déstabilisée, éclatée. Le documentaire intrigue par la justesse de son propos et traite également de l’adoption, des violences conjugales, des frontières sociales, linguistiques ou encore de la confrontation précoce à la maladie mentale. Ce portrait réussi, empreint de spontanéité, de naturel et de malice, en dissimule un second, celui de la banlieue parisienne et de l’univers abstrait du lycée Romain Rolland d’Ivry-sur-Seine.

 

Ici, les corps font la mise en scène et semblent oublier peu à peu la présence de la caméra tandis que le spectateur assiste frontalement aux conversations. Il s’agit d’une expérience, d’un voyage, mais également d’être soi dans le récit de l’autre, de se projeter, de devenir l’autre. Le dispositif, théâtre de cette compréhension, amplifie la qualité d’écoute : le film lui-même devient un miroir, un dialogue matérialisé par le jeu d’écho entre échanges verbaux et gros plans, créant la solitude et isolant les identités.

 

Premieres solitudes

Premières solitudes

 

Le documentaire pose également la question du hors-champ. Dès l’aérienne séquence d’ouverture, les adolescents au regard fuyant défilent, flottent et convergent vers l’objectif. Munis de leurs oreillettes, ils avancent en rythme vers un possible, un futur hors-champ que le film tente d’énoncer. La photographie adoucit les visages afin qu’ils se détachent de la composition. Comme chez Rohmer, les saisons rythment la progression du récit initiatique et métaphorisent le passage à l’âge adulte. Les espaces quant à eux sont plus resserrés (la fenêtre en salle d’étude, le couloir, l’escalier, le parapet surplombant la ville). Tout comme la cour devient une scène dans Récréations, les lieux choisis sont moteurs de l’interaction, matérialisent les détours qu’empruntent les dialogues et instaurent une évidente complicité entre les corps filmés. Les plans de coupe montrant des paysages désertés rompent avec les intermèdes de la vie scolaire. En outre, les derniers plans font écho à l’extrait des Lumières de la ville de Charlie Chaplin, diffusé plus tôt lors d’un cours de cinéma.

 

Enfin, l’adolescence demeure un état perdurable et redondant puisque Claire Simon —qui évite toutefois la dimension narcissique du portrait ou de la confession existentielle— n’ose pas réellement aller au bout et use peut-être trop facilement de la mélodie d’ « Alors on danse » de Stromae pour conclure son propos.

 

 

 

  • PREMIÈRES SOLITUDES
  • Sortie salles : 14 novembre 2018
  • Réalisation : Claire Simon
  • Avec : Anaïs, Catia, Clément, Elia, Lisa, Hugo, Judith, Manon, Mélodie, Tessa
  • Scénario : Claire Simon
  • Production : Michel Zana, Aurélien Py, Lazare Gousseau, Sophie Dulac
  • Photographie : Claire Simon
  • Montage : Claire Simon, Luc Forveille, Léa Masson
  • Son : Virgile Van Ginneken, Nathalie Vidal, Elias Boughedir, Pierre Bompy
  • Musique : Club Cheval, Stromae
  • Distribution : Sophie Dulac Distribution
  • Durée : 1h40

 

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