Synopsis : À la fin du XIXème siècle, le dandy et écrivain de génie Oscar Wilde brille au sein de la société londonienne. Son homosexualité est toutefois trop affichée pour l’époque et il est envoyé en prison. Ruiné et malade lorsqu’il en sort, il part s’exiler à Paris. Dans sa chambre d’hôtel miteuse, au soir de sa vie, les souvenirs envahissent l’artiste… Après avoir tenté tant bien que mal de renouer avec sa femme Constance, il reprend sa désastreuse relation avec le jeune Lord Alfred Douglas. De Dieppe à Naples, Oscar n’est plus qu’un vagabond désargenté. Il ne lui reste que ses récits poétiques, dont il se sert pour conquérir l’affection de garçons des rues. Soutenu par ses fidèles amis qui tentent en vain de le protéger contre ses pires excès, il conservera son charme et son humour jusqu’à son dernier souffle.
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The Happy Prince, premier long-métrage écrit, réalisé et interprété par le comédien britannique Rupert Everett (Another Country, Shakespeare in Love, Un mari idéal), évoque les trois dernières années de la vie tragique d’Oscar Wilde, brillant mais scandaleux homme de lettres condamné pour homosexualité et exilé en France. La figure de l’auteur du Portrait de Dorian Gray et de L’Importance d’être Constant a de nombreuses fois attiré le cinéma. On se souvient notamment des interprétations de Peter Finch incarnant l’écrivain face à James Mason dans Les procès d’Oscar Wilde de Ken Hughes, de Robert Morley dans Oscar Wilde de Gregory Ratoff en 1960, puis de Stephen Fry dans Wilde signé Brian Gilbert en 1997. À son tour, Rupert Everett dépeint avec sensibilité la chute du poète, dramaturge et romancier irlandais, la déchéance de son emprisonnement en 1895 puis de son exil à Paris, et fait d’Oscar Wilde une figure christique, un martyr, une icône. D’une grande beauté esthétique, The Happy Prince, qui n’est pas un biopic au sens traditionnel du terme, reflète l’évidente admiration du réalisateur pour l’écrivain tourmenté qui devient son reflet, son double. Relations tumultueuses, déclin social et physique… The Happy Prince est un drame poignant à la mise en scène classique et aux dialogues finement ciselés, faisant écho aux thématiques de Mort à Venise de Luchino Visconti. Puissante parabole, le film met en scène un homme ruiné, humilié, malade, au visage rongé et obsédé par la mort.
Personnage hors norme réputé pour son authenticité et ses plaisanteries provocantes, ce flamboyant dandy parcourt la France et l’Italie, accompagné de bienfaiteurs tels que Robbie Ross et Reginald Turner, interprétés respectivement par les talentueux Edwin Thomas et Colin Firth (Le Discours d’un Roi, Kingsman : Le Cercle d’Or, Magic in the Moonlight). Hanté par son jeune amant Lord Alfred Douglas, incarné par le glacial et lunatique Colin Morgan (Merlin, Legend, Le Chasseur et la Reine des Glaces), Wilde dénigre sa femme Constance, campée par la frêle Emily Watson (Sur la plage de Chesil, Everest, La Voleuse de Livres), et délaisse ses deux fils, Cyril et Vivyan, au profit de volutes d’absinthe, de cigares, de cocaïne et de moments pourpres. De Dieppe à Naples, une poésie morbide et perverse traverse inéluctablement Oscar.
Le prince gai se change en un clown malheureux, se fardant de rouge, reclus dans de minables hôtels pour le restant de ses jours. Le spectateur remarque d’ailleurs l’apparition succincte de Béatrice Dalle en tenancière d’auberge. Rupert Everett, qui, avec ce typique flegme britannique, travaille ici sur la profondeur psychologique de ses personnages, apporte un regard sombre et intime sur la vie amoureuse d’Oscar Wilde ainsi que sur sa nature autodestructrice. La dramaturgie soigneusement construite autour de l’époustouflante performance de l’acteur, est entrecoupée de flashbacks, entraînant le spectateur dans une spirale désillusionnée, laquelle finit par engloutir peu à peu le génie des mots jusqu’au jugement dernier.
La photographie de John Conroy —qui fait la part belle à la lumière naturelle, au clair obscur et à l’utilisation évocatrice du rouge— reflète habilement les perspectives du personnage. The Happy Prince, émouvant portrait glamour porté par un solide casting, prend le parti de ne pas traiter l’apogée de la notoriété d’Oscar Wilde, mais au contraire celui de plonger le spectateur dans son combat vers la rédemption. Le film —qui met en lumière la fin de vie très noire du premier homme reconnu homosexuel du monde moderne— séduit grâce à ses belles interprétations, ses éclats d’humour, sa partition envoûtante composée par Gabriel Yared et son puissant message. « La beauté est dans les yeux de celui qui regarde ».
- THE HAPPY PRINCE
- Sortie salles : 19 décembre 2018
- Réalisation : Rupert Everett
- Avec : Rupert Everett, Colin Firth, Colin Morgan, Emily Watson, Tom Wilkinson, Edwin Thomas, Anna Chancelor, Béatrice Dalle, Julian Wadham…
- Scénario : Rupert Everett
- Production : Sébastien Delloye, Philipp Kreuzer, Jörg Schulze
- Photographie : John Conroy
- Montage : Nicolas Gaster
- Décors : Brian Morris
- Costumes : Maurizio Millenotti, Giovanni Casalnuovo
- Musique : Gabriel Yared
- Distribution : Océan Films
- Durée : 1h45