Résumé : Tout le courage, la douleur et la dignité inébranlable du mouvement pour les droits civiques sont évoqués dans cette édition du fameux livre de James Baldwin La prochaine fois, le feu, illustrée par les photographies de Steve Schapiro. Ainsi réunis, le récit sans fard de l’expérience noire par Baldwin et les clichés saisissants de Schapiro composent un témoignage poétique et puissant sur l’une des luttes les plus importantes ayant jamais troublé la société américaine.
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En 2016, l’excellent documentaire I Am Not Your Negro de Raoul Peck permettait au public français de se familiariser avec la figure de l’écrivain afro-américain James Baldwin. Sa prose, superposée au montage concerté de Peck, assurait d’une détermination dont la portée reste, aujourd’hui encore, considérable. Plus récemment, le réalisateur Barry Jenkins présentait au grand public l’adaptation d’un roman de l’écrivain, Si Beal Street pouvait parler (2018), prouvant que la force de son écriture dépasse tout ancrage (politique, historique) pour s’adapter aux problématiques de notre propre environnement contemporain. Ce magnifique album édité par Taschen s’inscrit donc dans cette perspective de redécouverte. La reproduction de l’essai de Baldwin, The Fire Next Time (La prochaine fois, le feu), publié en 1963, s’aligne sur les photographies du célèbre Steve Schapiro (Taxi Driver, édition de luxe Taschen, 2010) pour adresser un message aux visages multiples. Rosa Parks, Martin Luther King, James Meredith et de nombreux anonymes réunis autour de revendications dont le caractère racial rejoint des problématiques ô combien universelles. Ce double discours, visuel et manuscrit, se fonde sur un désir d’authenticité propice aux nombreuses ambiguïtés. Les compositions de Schapiro ne sont jamais construites selon un carcan préétabli mais s’accomplissent à travers une énergie documentaire qui souligne la valeur d’un mouvement individuel ou d’une marche collective. La sobriété des contrastes du noir et blanc côtoient le foisonnement dionysiaque des photographies couleur. De son côté, Baldwin s’interroge, et revient sur les fondamentaux de son existence (la religion, la filiation, son enfance dans le Bronx) pour réfléchir les enjeux socio-politiques du début des années 1960. Le basculement est proche, on le pressent, mais sa concrétisation reste en suspens, prenant la forme d’une mise en garde : la prochaine fois, le feu. Cette relation entre deux artistes soucieux d’établir la chronique d’un monde gagné par l’actualité brûlante de la révolte, se présente comme un dialogue fécond. Si le texte de Baldwin ne profite d’aucune traduction française, le lecteur pratiquant la langue de Shakespeare saura apprécier le ton original de l’auteur, oscillant entre mises en cause existentielles et réflexions subjectives. Cette diversité stylistique se retrouve directement dans la forme de l’ouvrage. L’habituel prestige qui se rattache à la maison d’édition Taschen s’affirme à travers l’élégance d’une mise en page opérant une série de connexions entre mots et images. La présence de différents ajouts accompagnant le texte d’origine (des écrits de John Lewis, membre du Congrès américain, Marcia Davis, journaliste au Washington Post, et de Gloria Baldwin Karefa-Smart, la sœur de l’écrivain) contribue à conférer à cet ouvrage la puissance d’un témoignage élevé aux dimensions d’un véritable hommage.
- LA PROCHAINE FOIS, LE FEU (The Fire next time)
- Auteurs : James Baldwin et Steve Schapiro
- Éditions : Taschen
- Date de parution : Février 2019
- Format : 276 pages
- Tarif : 40 €