Résumé : On ne trouvera pas ici une analyse filmique à proprement parler. Sans doute l’analyse s’appuie-t-elle parfois sur telle ou telle figure du langage cinématographique (panoramique, voix off, flash-back…), mais l’essentiel est ailleurs. L’essentiel est dans ce regard que le philosophe peut porter sur le monde d’un cinéaste. Ce dialogue de l’image et du concept ne permet pas seulement de mettre en évidence le sens dont une œuvre est, à l’infini, porteuse : il peut permettre également de préserver la philosophie de la pure abstraction qui toujours la guette. Bref, plus que jamais, il s’agit de redescendre dans la Caverne. On n’a eu le sentiment de trahir ni la dialectique platonicienne, ni les Pensées de Pascal, ni la Logique de Hegel en tentant de trouver en elles la clef de déchiffrement de telle ou telle œuvre cinématographique. L’effort d’interprétation ne saurait, cela va de soi, se substituer à l’émotion qu’une œuvre d’art suscite en nous. Et en dernier lieu, c’est cette émotion – ce plaisir pur – qui décide de tout. Mais le détour de l’analyse, débusquant le sens, peut être lui-même source de plaisir…
♥♥♥♥♥
Pour Jean-Pierre Zarader, agrégé de philosophie et spécialiste de l’œuvre d’André Malraux, la puissance philosophique du cinéma réside principalement dans son pouvoir d’illustration. Édité pour la première fois en 1997, ce Philosophie et cinéma suppose donc une mise en relation de deux disciplines aptes à se réfléchir mutuellement. Moins que les images à proprement parler ce sont les récits et le langage dramaturgique des réalisateurs qui intéressent l’auteur. Pas de perspective générale ici, mais un décalque de concepts sur des filmographies marquées par la signature d’auteurs-réalisateurs. Les films de Bertrand Tavernier, Andrzej Wajda, Hugo Santiago, et Philippe de Broca se constituent ainsi comme les supports d’un ensemble de réflexions singulières. La relativité d’Hegel, entre réflexivité de notions et d’identité et principe du décalage, anime communément les analyses de L’Horloger de Saint-Paul, Le juge et l’assassin, Kanal, Paysage après la bataille, Les autres, Les trottoirs de Saturne, ou La fable des continents. Il s’agit ici d’une relecture des récits filmiques à partir d’un point de vue philosophique. Si cette perspective a le mérite d’éclairer autrement des corpus peu souvent analysés à travers ce prisme, on regrettera que la forme ait été autant négligée par Zarader. L’étude des personnages aurait ainsi pu se prolonger à travers un retour sur les relations entre les plans, tandis que les lignes des scénarios envisagés auraient dû faire écho à une dramatique plus formelle. Les problématiques esthétiques sont présentes mais que de façon indicielle, effleurant la surface d’une narration souveraine qui constitue la sève de l’ouvrage. Ces quelques manques sont en partie rattrapés par la partie consacrée à De Broqua. La question du baroque alimente une approche topographique en tout point intéressante de l’œuvre du réalisateur français (L’homme de Rio ; Un monsieur de compagnie ; L’amant de cinq jours ; Cartouche …). Côté annexes, on notera l’absence d’index et d’une bibliographie qui aurait pu servir l’érudition philosophique de l’auteur et le savoir du lecteur.
- PHILOSOPHIE ET CINÉMA
- Auteur : Jean-Pierre Zarader
- Éditions : Ellipses
- Collection : Ellipses Poche
- Date de parution : 29 mai 2019
- Format : 128 pages
- Tarif : 8 €