Piranhas de Claudio Giovannesi : critique

Publié par Erica Farges le 6 juin 2019

Synopsis : Nicola et ses amis ont entre dix et quinze ans. Ils se déplacent à scooter, ils sont armés et fascinés par la criminalité. Ils ne craignent ni la prison ni la mort, seulement de mener une vie ordinaire comme leurs parents. Leurs modèles : les parrains de la Camorra. Leurs valeurs : l’argent et le pouvoir. Leurs règles : fréquenter les bonnes personnes, trafiquer dans les bons endroits, et occuper la place laissée vacante par les anciens mafieux pour conquérir les quartiers de Naples, quel qu’en soit le prix.

♥♥♥♥

 

Piranhas - affiche

Piranhas – affiche

Après Fiore, une romance dramatique entre deux prisonniers dans un centre de détention pour mineurs à Rome, Claudio Giovannesi (Ali a les yeux bleus) s’attaque à l’adaptation du roman éponyme de Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra, adapté au cinéma par Matteo Garrone. Dans Piranhas, on suit l’ascension d’un « baby gang ». Phénomène touchant principalement les grandes villes italiennes, il s’agit de bandes organisées dont les très jeunes membres tentent d’imiter le mode de fonctionnement des grands mafieux. Comme Gomorra, l’action se déroule à Naples. Personnage à part entière, la ville est historiquement dominée par la Camorra. Révoltés de voir leurs parents régulièrement rackettés par la nouvelle mafia du quartier, qui a pris le pouvoir après la chute de l’ancien parrain, et fascinés par le prestige du pouvoir, Nicola (Franscesco Di Napoli) et ses amis, quinze ans à peine, tentent à leur tour de devenir les maîtres du secteur. À part l’âge des aspirants mafieux, Piranhas contient tous les éléments classiques du film de mafia : l’ascension, l’argent, l’importance du groupe, les fusillades… Mais toutes ces composantes sont abordées, la plupart du temps, à travers le regard de Nicola, plus joueur que malfaisant, révélant un adolescent qui passe facilement du jeu de rôle à une réalité sordide.

 

Piranhas

Piranhas

 

Le scénario, primé par un Ours d’Argent dans cette catégorie lors de la dernière Berlinale et écrit à six mains par le réalisateur, l’écrivain et le scénariste Maurizio Braucci (Gomorra, Reality, Pasolini), paraît plutôt construit sur un modèle linéaire avec un protagoniste qui modifie sa situation initiale par une série de péripéties. Néanmoins, la forme, de prime abord, assez ordinaire de la narration ne donne pas lieu à une approche sensationnaliste et moralisatrice pour aborder un sujet qui pourtant s’y prêtait, laissant à la place une tension sous-jacente s’installer jusqu’à la fin. Ce rendu singulier, permettant de mieux explorer la manière dont les protagonistes vivent leurs débuts dans le milieu du crime, est obtenu, en partie, grâce à la décision du cinéaste de conserver l’essence de l’œuvre littéraire très proche du réalisme. Bien que tous les événements montrés soient fictifs, ils s’inspirent grandement du quotidien de certains quartiers napolitains.

 

Renforçant cette sensation d’authenticité, on note une direction d’acteurs extrêmement bien maîtrisée pour orienter le casting, composé majoritairement de jeunes locaux, au moment du tournage. Le recours considérable à l’improvisation, dans la mesure où les acteurs non-professionnels découvraient les scènes juste avant la prise de vue, permet de conserver la nouveauté des expériences traversées par leurs personnages. Sans faire appel à des séquences spécifiquement marquantes, par la violence exacerbée qu’elles contiennent, afin de provoquer un choc chez les spectateurs, le plus impressionnant dans Piranhas est, peut-être, qu’il exerce un effet coup de poing par le biais du message qu’il porte dans son intégralité : la fin brutale de l’insouciance et de l’innocence pour ces adolescents qui prennent la voie de la criminalité.

 

 

 

  • PIRANHAS (La Paranza Dei Bambini)
  • Sortie salles : 5 juin 2019
  • Réalisation : Claudio Giovannesi
  • Avec : Franscesco Di Naploli, Ar Tem, Viviana Aprea, Alfredo Turitto, Valentina Vannino, Pasquale Marotta, Luca Nacarlo, Carmine Pizzo, Ciro Pellecchia, Ciro Vecchione, Mattia Piano Del Balzo, Aniello Arena, Roberto Carrano, Adam Jendoubi, Renato Carpentiere
  • Scénario : Claudio Giovannesi, Roberto Saviano, Maurizio Braucci
  • Production : Nicola Serra, Carlo Degli Esposti, Roberto Saviano
  • Photographie : Daniele Cipri
  • Montage : Giuseppe Trepiccione
  • Décors : Daniele Frabetti
  • Costumes : Olivia Bellini
  • Musique : Andrea Moscianese et Claudio Giovannesi
  • Distribution : Wild Bunch
  • Durée : 1h52

 

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