Ressortie / Donnie Darko de Richard Kelly : critique

Publié par CineChronicle le 22 juillet 2019

Synopsis : Middlesex, Virginie, 1988. Donnie Darko est un adolescent de seize ans pas comme les autres. Introverti et émotionnellement perturbé, il entretient une amitié avec un certain Frank, un lapin géant que lui seul peut voir et entendre. Une nuit où Donnie est réveillé par la voix de son ami imaginaire qui lui intime de le suivre, il réchappe miraculeusement à un accident qui aurait pu lui être fatal. Au même moment, Frank lui annonce que la fin du monde est proche. Dès lors, Donnie va obéir à la voix et provoquer une série d’événements qui sèmeront le trouble au sein de la communauté…

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Donnie Darko - affiche

Donnie Darko – affiche

Quand Il était une fois en Amérique est sorti au cinéma dans un montage de 139 minutes, un critique a décrété qu’il s’agissait du pire film de 1983. Mais quand ce fut au tour du montage originel, de 229 minutes, ce même critique le déclara meilleur film des années 1980. Alors, montage cinéma ou Director’s cut ? Le débat est aussi vieux que la notion d’auteur qui a produit des vives réussites (Apocalypse Now ou Blade Runner) comme des « artifices marketing » (c’est ce que pense Ridley Scott du Director’s cut d’Alien). Et le débat est particulièrement virulent concernant Donnie Darko, le film ultra-culte de Richard Kelly. Revenons un peu en arrière. Richard Kelly, frais émoulu de l’USC, n’a que 26 ans quand il sort son premier film, Donnie Darko. Il a déjà passé plus d’un an et demi à pitcher son script bizarre auprès des studios. Cette histoire d’un adolescent asocial qui se fait annoncer la fin du monde par un lapin géant à tête de mort n’a en effet pas de quoi exciter les studios. Jusqu’à ce qu’il tombe sur Drew Barrymore qui, séduite par le script, fait investir sa maison de production Flower Films et ouvre son carnet d’adresses. Patrick Swayze (Dirty Dancing), Mary McDonnell (Danse avec les Loups) et Katharine Ross (Le Lauréat) signent pour le film, tourné en 28 jours et qui évite in extremis de sortir directement en DVD.

 

Donnie Darko

Donnie Darko

 

Donnie Darko est un pur ovni, à rapprocher du charme nébuleux de Mulholland Drive, sorti la même année. Il est d’abord servi par un casting d’ensemble excellent. À commencer par Jake Gyllenhaal, encore débutant, qui remplace au pied levé un Jason Schwartzmann (Rushmore) trop occupé, pour ainsi jouer aux côtés de sa vraie sœur Maggie dans la peau de la sœur de Donnie. Lunaire, essayant de masquer son mal-être par une morgue factice, le personnage de Donnie Darko se fout de tout le monde, dit ses quatre vérités à un prédicateur hypocrite (Patrick Swayze, excellent à contre-emploi) ou une vieille prof bigote, ne s’ouvre pas lors de ses séances avec le psy (Katherine Ross) et ne s’étonne pas qu’un lapin géant à tête de mort lui annonce la fin du monde ou qu’un réacteur d’avion s’écrase dans sa chambre. Seul l’amour, avec Gretchen (Jena Malone, Hunger Games), semble un peu le sortir de sa torpeur.

 

Servi par une photographie froide et surtout une bande-son grandiose (ne serait-ce que Head over Heels de Tears for fears ou Mad World de Gary Jules), Donnie Darko est un véritable voyage dans la psyché d’un jeune adolescent troublé. Le film dans son entier émane d’une mélancolie certaine mais néanmoins teintée d’un peu d’espoir, un rêve où toute logique est suspendue et où seule compte l’âme.

 

Donnie Darko

Donnie Darko

 

Bien qu’encensé par la critique dès sa sortie, Donnie Darko peine à rembourser son budget au niveau mondial. Il faut dire qu’en sortant un mois après les attentats du 11 septembre, cette histoire sombre, qui s’ouvre sur un crash d’avion, a eu bien du mal à trouver son public. Mais grâce au bouche-à-oreille, Donnie Darko gagne très vite le statut culte, aidé par les ventes record de son DVD et les séances de minuit. Il devient l’hymne d’une génération frappée par le spleen, incomprise et redoutant une catastrophe inéluctable. En 2003, le distributeur original, Newmarket Films, propose à Richard Kelly de ressortir le film dans un Director’s cut ; Kelly avait été frustré de le garder sous la barre des 2 heures et, bien qu’il appréciait le montage cinéma, accepte. Sorti en août 2004, le director’s cut… fut un four.

 

Ce nouveau montage de Donnie Darko ajoute les scènes coupées, jadis en bonus sur le DVD, qui révélaient des non-dits notables mais ajoute surtout des extraits de La Philosophie du Voyage dans le Temps, le fameux livre qui guide Donnie dans sa quête. Et à travers ce livre, l’opacité qui entourait Donnie Darko s’évanouit et les ficelles jusque-là invisibles sont révélées. Ce qui donnait à l’œuvre son apparence de rêve éveillé se substitue à une histoire de science-fiction assez banale ; Donnie, le garçon solitaire, peut-être extralucide, peut-être fou, devient un messie malgré lui, un super-héros ordinaire.

 

 

Donnie Darko

Donnie Darko

 

Quelle version aller voir ? Réponse de Normand : celle que vous voulez, puisque les deux suscitent des réactions épidermiques. Le poème vénéneux et hermétique de l’original peut ensorceler le spectateur comme le faire passer à côté de son charme bizarre. Le Director’s cut peut combler les zones d’ombre (mais pas toutes…) et le rendre plus intelligible au grand public, mais peut aussi faire passer l’œuvre pour banale. Dans les deux cas, ce portrait d’une jeunesse incomprise et délaissée, la poésie des scènes et l’interprétation fiévreuse de l’ensemble de son casting suffisent à rappeler pourquoi Donnie Darko est devenu culte. Richard Kelly n’a réalisé que deux autres films, dont le très étrange Southland Tales, qui révélait dès 2006 le talent certain de Dwayne Johnson devant la caméra, ainsi que le déconcertant The Box. Son prochain film serait presque prêt et un nouveau projet dans l’univers de Donnie Darko devrait voir le jour. Il n’a tout en cas rien à voir à S. Darko, sorti en 2009, une suite très médiocre voulue par le studio.

 

 

 

  • DONNIE DARKO
  • Ressortie salles : 24 juillet 2019
  • Version restaurée 4K Director’s cut
  • Réalisation : Richard Kelly
  • Avec : Jake Gyllenhaal, Holmes Osborne, Maggie Gyllenhaal, Daveigh Chase, Mary McDonnell, James Duval, Arthur Taxier, Patrick Swayze, David St. James, Jena Malone, Seth Rogen, Drew Barrymore, Katherine Ross
  • Scénario : Richard Kelly
  • Production : Sean McKittrick, Nancy Juvonen, Adam Fields
  • Photographie : Steven B. Poster
  • Montage : Sam Bauer, Eric Strand
  • Décors : Alec Hammond
  • Costumes : April Ferry
  • Musique : Michael Andrews
  • Distribution : Carlotta Films
  • Durée : 113 minutes version cinéma / 134 minutes version Director’s cut
  • Sortie initiale : 26 octobre 2001 (États-Unis)  – 30 janvier 2002 (France)

 

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