Synopsis : Le vaisseau commercial Nostromo et son équipage, sept hommes et femmes, rentrent sur Terre avec une importante cargaison de minerai. Mais lors d’un arrêt forcé sur une planète déserte, l’officier Kane se fait agresser par une forme de vie inconnue, une arachnide qui étouffe son visage. Après que le docteur de bord lui retire le spécimen, l’équipage retrouve le sourire et dîne ensemble. Jusqu’à ce que Kane, pris de convulsions, voit son abdomen perforé par un corps étranger vivant, qui s’échappe dans les couloirs du vaisseau…
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« Le parfait organisme ». C’est ainsi que l’androïde Ash présente la créature d’Alien (ou Xénomorphe pour les puristes). Mais ce qui est d’autant plus parfait, c’est que tous les éléments se soient alignés il y a quarante ans déjà, pour fournir un nouveau mythe fondateur à la science-fiction. Jugez plutôt. À la réalisation, Ridley Scott, jeune réalisateur anglais, remarqué pour un petit film historique d’auteur (Les Duellistes) et alors concentré sur une adaptation de Tristan et Yseult. Au scénario, Dan O’Bannon, ancien camarade d’école de John Carpenter, tout juste sorti de la dépression où l’avait plongé le projet raté d’adaptation de Dune par Alejandro Jodorowsky. Hanté par un projet de film d’horreur sur un vaisseau spatial, qui l’agite depuis son film d’études Dark Star, il s’accroche au sujet avec son comparse Ronald Shusett, qui travaille alors sur une adaptation de Total Recall. Dans leur script, Star Beast, les deux scénaristes convoquent les références : La Chose d’un autre monde pour la paranoïa ; Planète Interdite pour un vaisseau qui transgresse une interdiction d’atterrir ; la Planète des Vampires pour les traces d’une civilisation extraterrestre disparue ; les légendes urbaines sur les gremlins qui grignotaient les bombardiers américains pendant la guerre ; et surtout, les travaux cauchemardesques de l’artiste plasticien suisse Hans Ruedi Giger, avec qui O’Bannon avait travaillé sur Dune. L’érotisme macabre de son œuvre convainc Shusett, qui trouve comment faire venir le monstre sur le vaisseau : « L’extraterrestre baise l’un d’eux, saute sur son visage et y plante sa graine ! ». Une violence jamais vue alors. Alien est pitché aux studios comme « Les Dents de la Mer dans l’espace » et, après être passé entre les mains de Roger Corman, 20th Century Fox achète le script, qu’elle remise un temps avant que le succès de la Guerre des Étoiles ne les convainc de lancer la production.
Ridley Scott était loin d’être le premier choix pour réaliser le film : Peter Yates (Bullitt), Jack Clayton (Les Innocents) et Robert Aldrich (Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?)sont évoqués par le studio, mais O’Bannon et Shusett craignent que ces vieux briscards d’Hollywood ne traitent le film comme une série B. Ridley Scott, quant à lui, s’investit dans l’aspect horrifique d’Alien, qu’il voit comme « Massacre à la tronçonneuse en science-fiction », multiplie les storyboards et confirme le choix de H. R. Giger comme designer de la créature, en particulier son tableau Necronom IV, en le rendant à peine moins phallique. Profitant d’un script qui ne spécifiait pas le sexe des personnages, Scott prend le choix d’acteurs peu connus mais énergiques (Sigourney Weaver, dont le rôle avait été écrit à l’origine pour un homme, n’avait eu jusque-là jouer qu’un personnage muet dans Annie Hall), plus âgés que la norme (étonnamment, à 39 ans, John Hurt était le plus jeune de l’équipage masculin), laissant vraisemblable un équipage de vieux loups de l’espace, dans un vaisseau décrépit.
Si le tournage fait un usage admirable des modèles réduits (Ridley Scott utilisant ses propres enfants pour rendre le fameux et énigmatique Space Jockey plus gros à l’image), la créature en elle-même est une réussite. L’œuf, en fibre de verre, est équipé d’une ouverture hydraulique et rempli par l’estomac et les intestins d’une vache, remués par Ridley Scott caché en-dessous ; le « facehugger » est propulsé sur le visage de Kane grâce à un tuyau d’air et rempli par des morceaux de poissons et d’huîtres. Quant à la fameuse scène du « chestburster », le design du monstre est inspiré par les œuvres de Francis Bacon. La scène inspirée par les crises de maladie de Crohn de Dan O’Bannon a été tournée au su des acteurs, contrairement à ce qu’on raconte. Ce à quoi ils ne s’attendaient pas, c’est que le torse artificiel figurant John Hurt avait été rempli de faux sang et de viscères, qui allaient exploser au visage des acteurs. La surprise de ces derniers à l’écran est bien réelle. Le monstre lui-même, modelé en plasticine et en latex, incorporant des vertèbres de serpent et des tubes de refroidissement d’une Rolls-Royce, a bénéficié d’une tête construite par Carlo Rambaldi (E.T). Parfaitement articulé, il a pu servir à Bolaji Badejo, qui recourut à sa morphologie très mince et grande et à des cours de mime et de taï-chi pour ralentir ses propres mouvements. H.R. Giger, Brian Johnson, Nick Allder, Denys Aylin et Carlo Rambaldi ont remporté l’Oscar des meilleurs effets visuels.
Pourquoi ce film a-t-il eu un tel retentissement ? Outre une observation rigoureuse du précepte énoncé par les Dents de la Mer (« moins on voit le monstre, plus il devient terrifiant »), Alien tient de la démonstration freudienne. L’ordinateur du Nostromo, qui contrôle toute la vie à bord et qui finit par abandonner l’équipage, s’appelle déjà « Mère » (Mother), mais Dan O’Bannon assume parfaitement l’imagerie sexuelle que suscite la créature de Giger. D’apparence phallique, il viole littéralement ses victimes pour les faire accoucher de lui-même. Pour le scénariste, c’est un pied de nez assumé à tous les personnages de demoiselles en détresse qu’on pouvait retrouver dans la science-fiction. En suscitant les peurs primales et en créant une sensation de mystère et d’effroi, Alien se taillait d’office une légende.
Le mystère ne devait pas durer longtemps. Auréolé par une critique dithyrambique (quoique réservée dans un premier temps), traumatisant des générations de spectateurs, réalisant plus de 120 millions de dollars au box-office, il reçoit une suite à sa mesure avec Aliens : le Retour de James Cameron en 1986, suivie par Alien 3 (1992) de David Fincher et Alien Resurrection (1997) de Jean-Pierre Jeunet. Outre les cross-overs avec la franchise Predator, et la « prélogie » Prometheus menée par Ridley Scott, il faut encore compter d’excellents jeux vidéos tirés de la franchise, comme Alien Isolation. Quant à Scott et Sigourney Weaver, ils devinrent automatiquement des idoles du cinéma. Pensé pour le quarantième anniversaire d’Alien, ce coffret anniversaire offre le film, director’s cut compris, en 4K ultra HD, et s’accompagne de six courts-métrages de réalisateurs qui rendent hommage à cet univers où personne ne vous entend crier.
Arthur de Boutiny
- ALIEN, LE HUITIÈME PASSAGER (Alien)
- Sortie vidéo : 24 avril 2019
- Version restaurée : 4K Ultra HD
- Format / Produit : Blu-Ray, Boitier Steelbook Édition Limitée
- Avec : Sigourney Weaver, Tom Skerritt, Veronica Cartwright, Harry Dean Stanton, John Hurt, Ian Holm, Yaphet Kotto, Bolaji Badejo
- Scénario : Don O’Bannon, d’après une histoire de Dan O’Bannon et Ronald Shusett
- Production : Gordon Carroll, David Gilet, Walter Hill
- Photographie : Derek Vanlint
- Montage : Terry Rawlings, Peter Weatherley
- Décors : Michael Seymour
- Costumes : Tiny Nicholls
- Musique : Jerry Goldsmith
- Édition vidéo : 20th Century Fox France
- Tarif : 29,99 € (Blu-ray)
- Durée totale : 1h57
- Sortie initiale : 25 mai 1979 (États-Unis) – 12 septembre 1979 (France)
We’re excited to debut a brand new trailer for the 1979 classic, ALIEN! Why? Because we can and it’s awesome. Enjoy! #ALIEN 👽 pic.twitter.com/G8ESJqVamn
— Alien (@AlienAnthology) 21 mars 2018