Résumé : Pourquoi établir des liens entre des images de films radicalement différents, au-delà des auteurs, des pays et des époques ? Parce que ces images convoquent des motifs visuels qui hantent le cinéma depuis ses origines : la fenêtre, la nuque, l’escalier, le miroir, le labyrinthe, le téléphone, le chat, le cri, et tant d’autres… Ces motifs ont des affinités profondes avec le langage et le récit cinématographiques. Ils sont de ce fait universels, pluriels, ambigus, et chaque cinéaste est incité à les adopter, les transformer et les réinterpréter. Les motifs de cinéma ont une grande agilité à se mouvoir : migrer d’un film à l’autre, d’un cinéaste à l’autre, d’une époque à une autre. Par le jeu des reprises et des différences, ils imprègnent la mémoire émotionnelle du spectateur et ouvrent une nouvelle perspective à l’histoire du cinéma.Â
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Placé sous la co-direction de Jordi Balló, professeur d’iconographie à l’université Pompeu Fabra de Barcelone, et de Alain Bergala, maître de conférences honoraire à l’université Paris 3 Sorbonne nouvelle et directeur du département Analyse de films à la Femis, cet ouvrage collectif envisage le motif comme un concept polysémique. À la fois « du côté du monde (…) ; du côté de son traitement cinématographique (…) ; et du côté plus intime de ce qui fait la singularité d’un auteur », le motif se décline ici sous un ensemble de formes et de figures dont le caractère unique doit avant tout au lien qui s’établit entre elles. C’est donc à une sorte de voyage iconologique que nous invitent l’ensemble des textes composant cette étude. Répartis en douze sections, ces derniers articulent à l’objectivité scientifique de l’analyse filmique une sensibilité cinéphile particulière. Objets, actions, paysages, ou éléments anatomiques composent un réseau de rencontres et de face à face particulièrement stimulants. La tombe tisse ainsi un lien entre Ford (La Charge héroïque), Mankiewicz (La Comtesse aux pieds nus), Hitchcock (Vertigo), Leone (Le Bon, la brute et le truand), Eastwood (Impitoyable) et Tarantino (Kill Bill : Vol. 2), le labyrinthe nous transporte de Welles (La dame de Shanghaï) à Kubrick (Shining) en passant par Resnais (Mon oncle d’Amérique), tandis que la chute de la larme propose une exploration de la temporalité lacrymale et de son évolution tout au long de l’histoire du cinéma. Ces quelques exemples soulignent l’étendu et l’éclectisme d’un corpus qui s’enrichit encore d’une constante référence à la peinture. C’est en effet auprès de l’art pictural que prend appui cet ensemble. Citation d’œuvres, mise en comparaison des deux disciplines à partir d’une scénographie ou d’une figure (femme à la fenêtre, pietà …) affirment la nature essentiellement hybride du motif. La réussite théorique de l’ouvrage s’accompagne d’un soin tout particulier apporté à la mise en page. Depuis la création de leur nouvelle collection « PUR-Cinéma », inaugurée cette année avec le Katharine Hepburn de Marguerite Chabrol, les Presses universitaires de Rennes ont fait le pari des illustrations. Si l’on peut regretter que la qualité de certaines images ait été altérée par leur agrandissement, les captures d’écran assurent une compréhension aiguë des enjeux esthétiques abordés par chaque article.
- LES MOTIFS AU CINÉMA
- Auteurs : Jordi Balló et Alain Bergala (sous la direction de)
- Éditions : Presses universitaires de Rennes
- Collection : PUR-CinémaÂ
- Date de parution : 22 août 2019
- Format : 345 pages
- Tarif : 30 €