Une fille facile de Rebecca Zlotowski : critique

Publié par Garance Lunven le 27 août 2019

Synopsis : Naïma a 16 ans et vit à Cannes. Alors qu’elle se donne l’été pour choisir ce qu’elle veut faire dans la vie, sa cousine Sofia, au mode de vie attirant, vient passer les vacances avec elle. Ensemble, elles vont vivre un été inoubliable.

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Une fille facile - affiche

Une fille facile – affiche

Douce surprise solaire offerte au public cannois cette année, Une Fille Facile est un conte d’été amoral qui introduit Zahia Dehar dans le monde du cinéma, sous les traits de Sofia. Univers qui semble parfaitement convenir à une femme à la frontière de la fiction. Sophistiquée, aérienne, l’ancienne escort-girl devenue business woman a tout d’un protagoniste rohmerien. Elle force une admiration que Rebecca Zlotowki partage tant Sofia est sublimée. Dans son premier long-métrage Belle Épine, la réalisatrice avouait déjà son amour pour les sujets féminins libres et sensuels avec Léa Seydoux. Des adolescentes à la découverte de leur corps et de leur sexualité, et plus largement en quête d’identité. La réalisatrice capture avec tendresse ces moments d’égarement et de rencontre avec soi-même. Tandis que le premier prend pour toile de fond l’univers motard de la fin des années 70, Une Fille Facile donne vie à ses personnages dans le décor opulent de la Croisette. Mais là où la plupart des réalisateurs-trices ont attendu le festival de Cannes pour dégainer leur caméra, Une Fille Facile révèle ce qui est caché au public le restant de l’année. La ville se scinde en deux paysages : celui des yachts de milliardaires dont le bling bling attire l’œil de tous les badauds, et celui des immeubles de la périphérie où habite le personnel au service des riches clients. Une manière subtile d’introduire les rapports de classe. Notamment à travers la rencontre entre la jeune Naïma, interprétée par Mina Farid, et sa cousine Sofia avec le brésilien BCBG Andres (Nuno Lopes) et son ami Philippe (Benoît Magimel). Leurs visions et leurs histoires intimes s’entrechoquent, pour ne pas dire s’entremêlent. Entre Sofia et son désir de « sensations et d’aventures », Naïma et son admiration teintée de réserve morale, Philippe et son mythe du banquier anarchiste, le film s’intéresse moins au sous-texte politique qu’à la fusion d’expériences personnelles.

 

Une fille facile

Une fille facile

 

Si tout sépare ces quatre personnages, le film esquisse un fil rouge qui les unit à travers les contradictions et paradoxes de la condition humaine. En cela, Une Fille Facile met en scène des protagonistes complexes, libérés de tout jugement moral de la réalisatrice. En particulier Sofia et Naïma, qui incarnent une génération décomplexée de femmes en devenir. C’est pourquoi Zahia, beauté plastique et symbole d’empowerment, apparaissait naturellement comme la candidate idéale pour ce rôle. La jeune femme prouve avec brio qu’on peut s’engager dans des relations charnelles tarifées tout en préservant son pouvoir et son indépendance.

 

Le film montre ouvertement le troc qui se met en place entre Sofia et Andres : des cadeaux dans des enseignes luxueuses et des invitations aux dîners mondains en échange d’étreintes nocturnes. À aucun moment la réalisatrice ne fait planer sur l’héroïne le spectre de la moralité, une vieille habitude qu’ont pris les cinéastes dans des longs-métrages qui jettent la lumière sur la prostitution, comme Jeune & Jolie, Belle de jour ou bien même Pretty Woman. Sofia n’est ni le produit d’un quelconque déterminisme social, ni à la recherche d’un père de substitution. Elle justifie ses activités par la seule volonté de satisfaire ses propres désirs.

 

Une fille facile

Une fille facile

 

À l’heure du phénomène sugar daddy et des applications de rencontre, la jeune femme incarne avec justesse un féminisme 2.0 où les rapports entre femmes sont davantage bienveillants. Face à elle se tient une ancienne génération qui s’avère parfois conservatrice et hermétique aux théories féministes. La conversation entre la quinquagénaire bourgeoise Calypso, jouée par Clotilde Coureau, et Sofia en est l’exemple concret. Véritable partie de tennis pendant laquelle les deux femmes se lancent des piques incendiaires. La première déplore que la jeune femme ait eu recours à la chirurgie esthétique. La deuxième réplique avec un regard mauvais qu’elle préfère éviter de porter sur son corps les ravages de la vieillesse. Sans trop savoir si ce dialogue dessert le propos féministe, force est de constater que Rebecca Zlotowski entreprend de balayer les clichés.

 

Certains critiques ont rageusement comparé le film au très controversé Mektoub My Love Intermezzo. Mais alors que l’un raconte des histoires de coucheries à la plage entre adolescents, l’autre dissimule derrière sa légèreté manifeste des clés de lecture complexe. Conte d’apprentissage littéraire et poétique, Une Fille Facile inscrit sur la peau du spectateur la brûlure du soleil d’été.

 

Garance Lunven

 

 

 

  • UNE FILLE FACILE
  • Sortie salles : 28 août 2019
  • Réalisation : Rebecca Zlotowski
  • Avec :  Zahia Dehar, Mina Farid, Benoît Magimel, Clotilde Coureau, Nuno Lopes…
  • Scénario : Rebecca Zlotowski, Zahia Dehar et Teddy Lussi-Modeste
  • Production : Frédéric Jouve, Cécile Negrier
  • Photographie : Georges Lechaptois
  • Montage : Géraldine Mangenot
  • Décors : Rozenn Le Gloahec
  • Costumes : Isabelle Kerbec
  • Musique : Frédéric Junqua
  • Distribution : Ad Vitam
  • Durée : 1h32

 

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