Synopsis : C’est le grand jour, Red sort de prison, après avoir purgé deux ans pour un braquage de banque qui s’est soldé par la mort de son complice. Il retrouve sa femme Chloé qui l’a attendu tout en élevant seule leur fille Beatrice. Le même jour, Luc, le frère de son ancien complice, tueur à gages et psychopathe notoire, débarque assoiffé de vengeance et avec la ferme intention de l’éliminer.
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Roger Avary, derrière Killing Zoe, Mr Stitch et l’adaptation du livre Les lois de l’attraction de Bret Easton Ellis, marque son retour derrière la caméra plus de quinze ans plus tard. Il signe aujourd’hui Lucky Day. Mais que reste-t-il du film de ce collaborateur privilégié de Quentin Tarantino à l’époque de Reservoir Dogs et coscénariste du célèbre True Romance ? Hélas, peu de chose. Si on attendait beaucoup de ce come-back, l’impatience n’aura finalement d’égal que le nombre d’incohérences présentes dans le scénario. On a pendant longtemps attribué au réalisateur un style décapant dès les années 1990, au point qu’on se demandait de quel étrange cerveau était véritablement sorti l’histoire de Pulp Fiction en 1994. Cependant, ici la magie n’opère pas. Si Avary réutilise les formules qui ont fait son succès -les récits parallèles et entremêlés-, c’est avant tout une histoire décousue et bâclée qui prend forme. Lucky Day suit deux personnages. D’un côté Red, campé par Luke Bracey, un taulard tombé pour braquage, qui retrouve sa femme, Chloé (Nina Dobrev), une artiste qui s’est occupée seule de leur fille. De l’autre, Luc Chaltiel (Crispin Glover), un psychopathe violent qui tire sur tout ce qui bouge et qui se pense français. Durant une bonne moitié du film qui lui est consacrée, Luc Chaltiel n’aura d’ailleurs de cesse d’en faire trop. Avec son accent français à couper au couteau, le personnage de Crispin Glover mitraille dans tous les sens, offrant aux spectateurs des morts comiques mais gratuites, dans le seul but de souligner la démence du personnage. À la différence des bad guys de Tarantino, Luc Chaltiel apparaît ridicule et incapable de se mesurer au sadisme du colonel Landa (Christopher Watlz) d’Inglourious Basterds, ou à Calvin Candie (Leonardo DiCaprio) dans Django Unchained.
Le manque scénaristique fait qu’on peine à suivre l’ambiance et le rythme du film, à l’exception de la scène dans une galerie d’art aux plans ensanglantés réussis et travaillés. Lucky Day alterne entre une violence qui met mal à l’aise au service d’un humour déjanté difficilement assimilable. Face à l’ennemi stéréotypé, le film réunit néanmoins un casting original avec un Luke Bracey convaincant et rédempteur, et une Nina Dobrev plus mature. À leur performance s’ajoute un charme vintage et un aspect pop, qui rendent l’ensemble coloré malgré des incohérences. Car plusieurs questions se posent. Pourquoi faire parler la majorité des personnages en français ? Quelle est l’utilité des scènes de sexe ? Pourquoi sont-elles à ce point exagérées ? Ces questions restent entières, constituant alors une oeuvre bancale, presque ennuyeuse. On observe cependant un propos plus profond qu’une simple effusion de sang. Serait-ce l’occasion pour le réalisateur de régler ses comptes avec le système judiciaire, personnifié par l’agent de probation de Red, Ernesto Sanchez (Clifton Collins Jr.), ou encore avec les critiques d’art via une caricature interprétée par David Hewlett ? On ne saurait dire. Si sa mise en scène ne manque pas de qualité, ce Lucky Day laisse hélas un goût d’inachevé.
Lisa Muratore
- LUCKY DAY
- Sortie salles : 18 septembre 2019
- Réalisation : Roger Avary
- Avec : Luke Bracey, Nina Dobrev, Crispin Glover, Ella Ryan Quinn, Clé Bennett, Clifton Collins Jr., David Hewlett, Nadia Farès, Tomer Sisley, Mark Dacascos, Josie Ho, Scott Faulconbridge.
- Scénario : Roger Avary
- Production : Samuel Hadida, Don Carmody
- Photographie : Bredan Steacy
- Montage : Sylvie Landra
- Décors : Aidan Leroux
- Costumes : Brenda Shenher
- Musique : Tomandady
- Distribution : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h35