Synopsis : 1963. Rachel Flax, mère célibataire, élève seule ses deux filles, déménageant au gré de ses sautes d’humeur et de sa vie sentimentale pour le moins agitée. La famille s’installe dans le Massachusetts, où Rachel fait sensation. Alors que Kate, la cadette, est une nageuse émérite, Charlotte, l’aînée, se découvre une vocation spirituelle au grand désespoir de sa mère..
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La charismatique et pétillante Cher (Éclair de lune, Mask, Burlesque) mène la danse dans Les Deux Sirènes de Richard Benjamin (Une baraque à tout casser), comédie douce-amère adaptée du roman éponyme de Patty Dann qui, non loin du pop-corn movie, brosse le portrait d’une famille dysfonctionnelle dans l’Amérique insouciante des sixties. Rachel, une femme instable et particulièrement fantasque, vit avec ses deux filles solitaires, Charlotte (Winona Ryder, la narratrice) et Kate (l’adorable Christina Ricci dans son tout premier rôle, qui explosera un an plus tard dans La Famille Addams), surnommées Liz Taylor et Esther Williams. Refusant toute forme de routine, la mère célibataire fuit ses responsabilités et n’hésite pas à déménager régulièrement, au gré de ses ruptures amoureuses. Après une série de fatigantes pérégrinations, le trio s’installe dans une petite ville du Massachusetts, non loin d’un couvent. Charlotte, immédiatement fascinée par le lieu, se découvre une vocation spirituelle. Elle tombe bientôt amoureuse de Joe (Michael Schoeffling), le gardien de l’institution religieuse chargé de sonner les cloches de l’église. Quant à Rachel, elle s’éprend de Lou Landsky (Bob Hoskins, le célèbre détective Eddie Valiant de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?), un sympathique marchand de chaussures.
Chronique familiale intimiste et loufoque qui rappelle à bien des égards les problématiques de Ma Sorcière Bien Aimée, Les Deux Sirènes charme grâce à son casting exubérant et sa mise en scène de la sensualité. Avec son abondante chevelure noire et ses robes moulantes soulignant sa taille de guêpe, Cher, séductrice qui ne s’attache pas, lovée dans sa baignoire telle Cléopâtre, est irrésistible dans ce rôle d’excentrique croqueuse d’hommes qui lui va à ravir. L’actrice, qui fit remplacer les réalisateurs Lasse Hallström et Frank Oz par Richard Benjamin, s’identifia-t-elle à cette figure insaisissable, frétillante voire cynique, symbole de la jeunesse éternelle et d’un non-conformisme provocateur ? La jeune Winona Ryder, à la fois sombre et émouvante comme dans Beetlejuice, Edward aux mains d’argent de Burton ou Dracula de Coppola, incarne l’adolescente renfermée en quête d’une féminité épanouie et habitée par une foi chrétienne qui tourne à l’obsession, allant même jusqu’à se confesser, à l’improviste, derrière un rideau de douche.
Car le scintillement glamour des écailles dissimule une tout autre réalité. Dans Les Deux Sirènes, le réalisateur retranscrit à merveille le foyer typique des années 1960 et s’intéresse, au travers de la personnalité dévorante de la sirène Cher, à l’éducation et à la fonction parentale, ici défaillantes, en opposition à un tableau familial modèle, aussi parfait que caricatural et dépeint avec ironie. Envahie par le sentiment du péché, Charlotte propose, par son commentaire off, la critique intérieure de cette crise d’adolescence traversant les saisons. Fenêtre vers l’extérieur, l’écran de télévision, qui intervient à plusieurs reprises, rappelle le mode de vie de l’époque (le baby boom notamment) et fait office de passerelle entre cette condition individuelle qui est celle de Rachel Flax et un destin collectif, celui du peuple américain.
Dans la séquence la plus réussie, l’assassinat du président John F. Kennedy à Dallas est d’ailleurs vécu en direct sur le petit écran : une immense tristesse mêlée d’effarement déploie alors son voile de deuil sur la communauté. Le personnage interprété par Bob Hoskins agit comme un catalyseur et apporte son équilibre à ce foyer féminin tourmenté. Alors que la bande originale très bubblegum pop aligne les tubes des sixties – Cher reprend au générique de fin la fameuse Shoop Shoop Song (It’s in His Kiss) de Betty Everett –, la joyeuse nostalgie qui se dégage du film conduit à un délicieux happy-end. Les Deux Sirènes est un divertissement rétro à la fois tendre et chaleureux.
Blu-ray : Rimini Éditions offre à la comédie familiale de Richard Benjamin une sortie en Blu-ray haute définition. La copie quelque peu datée, qui préserve la patine argentique et la granulation de la pellicule, comporte néanmoins quelques imperfections, notamment des poussières, des images grumeleuses ou mouchetées sur plusieurs plans sombres ou tamisés. Le film est accompagné d’une interview d’Olivier Cachin (17 minutes), écrivain et journaliste chez Rock & Folk et Mouv’, consacrée à la carrière cinématographique de Cher.
- LES DEUX SIRÈNES (Mermaids)
- Sortie vidéo : 5 novembre 2019
- Format / Produit : Blu-ray et DVD
- Réalisation : Richard Benjamin
- Avec : Cher, Bob Hoskins, Winona Ryder, Michael Schoeffling, Christina Ricci, Caroline McWilliams, Jan Miner, Betsy Townsend
- Scénario : June Roberts, d’après le roman éponyme de Patty Dann
- Production : Lauren Lloyd, Wallis Nicita, Patrick J. Palmer
- Photographie : Howard Atherton
- Montage : Jacqueline Cambas
- Décors : Stuart Wurtzel
- Costumes : Marit Allen
- Musique : Jack Nitzsche
- Édition vidéo : Rimini Éditions
- Tarif : 14,99 € (DVD) – 19,99 € (Blu-ray)
- Durée : 1h50
- Sortie initiale : 14 décembre 1990 (États-Unis) – 15 mai 1991 (France)