Synopsis : Au début du XXème siècle à New York, un homme riche et instable tire sur l’ex-amant de sa maîtresse.
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La Fille sur la balançoire, drame hollywoodien flamboyant de Richard Fleischer (Vingt Mille Lieues sous les mers, Le Voyage fantastique) réalisé en 1955, est tiré du scandale que provoqua, dans l’Amérique du début du XXème siècle, l’assassinat de Stanford White, architecte multipliant les conquêtes, épris d’une jolie danseuse de seize ans. L’affaire, restée dans les mémoires comme le « procès du siècle », fut d’ailleurs évoquée en 1981 dans Ragtime de Milos Forman puis reprise en 2007 par Claude Chabrol dans La fille coupée en deux, avec Ludivine Sagnier dans le rôle-titre. Ici, en raison de la suprématie du code Hays, le fils du créateur de Betty Boop et Popeye ainsi que ses scénaristes, Walter Reisch et Charles Brackett, n’ont pu retranscrire l’entière réalité et livrent une vision à la fois romantique, édulcorée et soignée de ce fait divers scabreux. La candide chorus girl Evelyn Nesbit, interprétée par l’émouvante et talentueuse Joan Collins (Femmes, Les Naufragés de l’autocar, Une île au soleil), tombe sous le charme de Stanford White, séducteur réputé, incarné par un noble et rigide Ray Milland (Les Naufrageurs des mers du sud, Le Poison, Le crime était presque parfait). Malgré leur différence d’âge, ils deviennent amants, jusqu’à ce que ce dernier, rattrapé par sa conscience, décide d’éloigner la jeune femme, dont il est tombé amoureux. Evelyn, victime tragique de cet amour impossible et de la perversité d’un homme égocentrique, se croit délaissée, et finit par répondre aux avances de Harry Thaw (l’odieux Farley Granger), un riche oisif qui lui fait une cour acharnée. Ce dernier l’épouse quatre ans plus tard. Mais sa jalousie s’exacerbe à l’encontre de White.Â
Cette intrigue sombre et vénéneuse située dans le New York mondain de 1906, dessine un triangle amoureux ambigu, complexe et contrasté, axé sur la réversibilité entre la splendeur des apparences et la vérité sordide des désirs (« J’ai tué l’homme qui a perverti ma femme ! » s’écrie Thaw après avoir assassiné l’architecte). Fleischer, qui tente ici de déjouer la censure, traite en filigrane de la rivalité amoureuse, de l’impossible préservation de la jeunesse, de la pureté et de l’innocence. En effet, par l’intermédiaire de protagonistes masculins dangereusement séduisants, le réalisateur met en lumière la différence sociale comme étant l’un des moteurs du mélodrame.
La mise en scène de La Fille sur la balançoire est classique, la reconstitution historique remarquable, le jeu des comédiens convaincant, les décors et costumes splendides. Filmé dans un éblouissant Technicolor de Milton Krasner (Ève, Sept ans de réflexion, Celui par qui le scandale arrive), ce drame passionnel en CinémaScope marque surtout par son ton feutré, son style sophistiqué (qui rappelle celui de Jacques Becker dans Les Aventures d’Arsène Lupin) et sa somptuosité esthétique qui culmine véritablement lors de la séquence finale.
L’instrument de séduction est ici une balançoire en velours rouge, couleur de la passion et de l’érotisme, qui traduit l’ambiguïté des rapports des deux amants (dans la scène-clé, caméra subjective et montage vertigineux font de la belle Evelyn un objet de convoitise, se balançant fougueusement sous le regard malsain de White), les surimpressions, typiquement hollywoodiennes, figurent le rêve et le fantasme, tandis que le dénouement, particulièrement cruel —qui n’est pas sans rappeler Lola Montès—, détruit le mythe américain de l’ascension sociale que le personnage de Collins semblait incarner. Si le beau Farley Granger (La Corde, L’Inconnu du Nord-Express, Senso) compose quant à lui un soupirant violent et névrosé, le charme inoubliable de Joan Collins, au visage rayonnant de beauté, opère toujours. À noter que l’actrice n’était pas le premier choix de la Fox puisque le studio avait d’abord pensé à Marilyn.
Mis en musique par Leigh Harline (Blanche-Neige et les Sept Nains, Pinocchio, L’Homme de l’Ouest), La Fille sur la balançoire demeure un bouleversant drame psychologique réalisé avec un soin minutieux. Le long métrage ne marque pas la filmographie de Richard Fleischer face au chef-d’oeuvre Vingt Mille Lieues sous les mers —remportant deux Oscars— mettant en scène James Mason et Kirk Douglas, sorti un an auparavant. Le cinéaste, attaché aux histoires sombres et sordides, réalisera d’autres films inspirés de faits divers notoires tels que Le Génie du mal, L’Étrangleur de Boston et L’Étrangleur de la place Rillington.
Blu-ray : Les Éditions Rimini proposent de redécouvrir ce film inédit rarement diffusé en France dans une sublime version remasterisée par la 20th Century Fox. Il est accompagné d’une interview d’une vingtaine de minutes de la critique de cinéma Ophélie Wiel intitulée Un fait divers en Technicolor.
- LA FILLE SUR LA BALANÇOIRE (The Girl in the Red Velvet Swing)
- Sortie vidéo : 2 octobre 2018
- Version restaurée haute définition
- Format / Produit : Blu-ray et DVD
- Réalisation : Richard Fleischer
- Avec : Joan Collins, Ray Milland, Farley Granger, Luther Adler, Cornelia Otis Skinner, Glenda Farrell, Frances Fuller, Phillip Reed…
- Scénario : Walter Reisch, Charles Brackett
- Production : Charles Brackett
- Photographie : Milton R. Krasner
- Montage : William Mace
- Décors : Stuart A. Reiss, Walter M. Scott
- Costumes : Charles Le Maire
- Musique : Leigh Harline
- Édition vidéo : Rimini Éditions
- Tarif : 16,99 € (DVD) – 19,99 € (Blu-ray)
- Durée : 1h49
- Sortie initiale : 1er octobre 1955 (États-Unis) – 7 août 1957 (France)