Livre / Alma a adoré. Psychose en héritage : critique

Publié par Jacques Demange le 22 novembre 2019

Résumé : C’est sans doute la scène la plus célèbre de toute l’histoire du cinéma, la fameuse « scène de la douche » de Psychose ; son influence a donné lieu à d’innombrables hommages, de De Palma à Coppola, de Gus Van Sant à D. Fincher, des séries Bates Motel aux œuvres d’artistes contemporains. Le phénomène est décortiqué dans Alma a adoré. Mettant en lumière l’importance du film d’Alfred Hitchcock, Sébastien Rongier démontre la primauté de ce pur « effet-cinéma ». Par ailleurs, cet essai, en traversant les prolongements littéraires, philosophiques et cinématographiques du film, développe une vision très personnelle de cette œuvre, l’auteur étant l’une des premières victimes de l’« Effet Psycho ».

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Alma a adore - Psychose en heritage - livre

Alma a adoré – Psychose en héritage – livre

C’est un tableau volé dans le musée Hyacinthe Rigaud de Perpignan qui ouvre cet ouvrage. Ce forfait, longtemps passé inaperçu, constitue un enjeu de taille pour le cinéphile. Car la toile en question est signée par le peintre hollandais Willem van Mieris et s’intitule Suzanne et les vieillards. À la résonance de ce titre, une image ou plutôt des images… en mouvement. C’est en effet ce tableau que Norman Bates soulève pour révéler le fameux orifice mural qui lui permet de laisser libre cours à ses penchants de voyeur. Et partant, c’est le corps ensanglanté de Marion qui surgit de la mémoire, le rideau de douche tailladé, l’affreuse silhouette de Norman travesti et armé d’un couteau. Et donc ce fameux tableau volé, dérobé à la vue des flâneurs du musée. Que le lecteur se rassure : Sébastien Rongier, romancier, essayiste et membre du comité de rédaction de la revue remue.net, a décidé de mener l’enquête à travers un parcours iconologique tissé aux détours du célèbre film d’Hitchcock. Aux détours car ce que l’auteur dévoile à son tour est une carte aux étoiles, sorte de mnémosyne warburgienne, dont Psychose constituerait la boussole essentielle. Cette traversée débute par un retour sur le contexte de production du film auquel se substitue bien vite une ambition d’analyse qui se déploie à travers les à-côtés de la matrice hitchcockienne. Comme un spectateur chercherait à percer le mystère d’une toile en adoptant une posture de biais, Rongier focalise son regard sur les axes souterrains qui traversent Psychose. Sa bande-annonce, ses trois suites, sa déclinaison en série, son matériau d’origine (le roman de Robert Bloch inspiré de la sordide affaire du tueur en série Ed Gein), ou la persona de son principal interprète, informent sur la force de sidération produite par le film. Psychose, ses motifs et figures, compose une sorte d’anamorphose dont l’esprit (formel et iconique) se propage au sein de notre environnement artistique contemporain marqué par le recyclage discursif de la culture pop.

 

Héritages attestés, échos, hommages ou parodies sont communément tributaires d’un « effet Psychose » qui travaille la matière des images et celle du regard qui les contemple. La généalogie est aussi sidérante que le mouvement giratoire d’un kaléidoscope. Aux exemples éculés mais fondamentaux (le cinéma de Brian de Palma, le remake de Gus Van Sant, Halloween de Carpenter et le slasher en général) s’ajoutent des références plus singulières mais non moins convaincantes (Conversation secrète, Shining, Raging Bull, Gone Girl). Opérant une sorte de jeu spéculaire, l’auteur développe ces différents points de connexion selon une réflexivité inversée entre rapprochements et écarts. Cette réflexion se prolonge encore auprès des dispositifs de l’art contemporain qui de 24 Hour Psycho de Douglas Gordon à Das Badezimmer de Bjørn Melhus insistent sur la valeur temporelle de l’objet filmique.

 

Cette réussite théorique accuse cependant quelques lacunes. Ponctuellement, la démonstration se révèle poussive (on peine ainsi à retrouver dans Crawl la présence d’une obsession hitchcockienne), tandis que certains passages manquent de précisions. Ainsi, du chapitre consacré à Anthony Perkins qui omet de rappeler que l’œdipe, ou tout du moins la tentation de l’œdipe, a toujours imprégné la persona de l’acteur que ce soit avant Psychose (Jicop le proscrit, Désir sous les ormes) ou dans les films qui lui succèdent immédiatement sans pour autant être marqués par son influence (Aimez-vous Brahms ?, Phaedra).

 

Point de vue mise en page, les éditions Marest, dont il faut rappeler que l’identité a partie lié avec le cinéma d’Hitchcock, de la retranscription de son dialogue avec Andy Warhol (Warhol/Hitchcock, 2016) au récent roman de Thierry Clech hanté par le spectre de Vertigo (Sur ses traces, 2019), ont particulièrement soigné leur parution. Illustrations (captures d’écran et images promotionnelles) accompagnent l’écriture de l’auteur, entre clins d’oeil cinéphiles et marquage de concordances formelles. Quid alors de ce fameux tableau volé ? Le mystère reste entier, mais l’exercice n’en a été que plus profitable.

 

 

 

  • ALMA A ADORÉ. PSYCHOSE EN HÉRITAGE
  • Auteur : Sébastien Rongier
  • Éditions : Marest Éditeur
  • Date de parution : 22 novembre 2019
  • Format : 176 pages
  • Tarif : 19 €

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