Synopsis : 5 jours, c’est le temps qu’il reste avant que le divorce entre Noura et Jamel, un détenu récidiviste, ne soit prononcé. Noura qui rêve de liberté pourra alors vivre pleinement avec son amant Lassad. Mais Jamel est relâché plus tôt que prévu, et la loi tunisienne punit sévèrement l’adultère : Noura va alors devoir jongler entre son travail, ses enfants, son mari, son amant, et défier la justice…
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La réalisatrice Hinde Boujemaa se penche ici sur un sujet sociétal tabou en Tunisie par le prisme de l’intime. Le film s’ouvre sur l’histoire d’une mère de famille qui tombe amoureuse d’un autre homme pendant que son mari est en prison. Mais la visite chez une juriste, pour obtenir le divorce, nous dévoile vite un aspect de cette aventure extraconjugale qui va au-delà de la complication émotionnelle ou de la question morale. En Tunisie, l’adultère est considéré comme un crime passible de cinq ans d’emprisonnement. Face à l’injustice de la situation découlant d’une législation qui vise à maintenir un système patriarcal, le récit aurait pu basculer dans la facilité, comme de montrer des personnages inhumains qui viennent s’opposer à l’amour du nouveau couple. Mais il n’en est rien. Chacun est présenté de manière réaliste avec ses travers et ses qualités. Grâce à la mise en scène sobre composée d’une poignée de personnages et de lieux, à laquelle s’ajoute une écriture honnête des protagonistes, on est plongé dans l’intimité d’un fait réel. Pourtant, c’est aussi dans cet atout majeur que le film trouve sa limite. Traité sous un angle très personnel, qui s’attarde sur un cas bien particulier, le sujet aurait sans doute mérité une perspective plus globale afin de mettre en évidence une loi qui contribue à modeler la structure sociale du pays. Car cette législation s’applique surtout quand une épouse trompe son mari, rarement l’inverse. Malgré ce point, Hinde Boujemaa maîtrise sa réalisation, notamment dans sa façon d’épouser le point de vue de Noura (Hind Sabri).
On découvre les deux amants vivre leur amour dans des décors aérés aux couleurs vives ; signes de bonheur et promesse d’une liberté prochaine. Mais cette possibilité s’efface, laissant place à des jeux de surcadrages pour marquer la sensation d’emprisonnement de l’héroïne. Bien que filmés en toute simplicité, les personnages sont campés par des stars tunisiennes qui font ressortir toutes les subtilités de leurs rôles. Hind Sabri, actrice expatriée en Egypte, surnommée la « Julia Roberts du Nil », délaisse son côté glamour habituel pour se métamorphoser en une mère de famille des quartiers populaires de Tunis. À ses côtés, l’ancien danseur reconverti en comédien Lofti Abdelli et l’acteur de télévision à succès Hakim Boumsaoudi, incarnent respectivement le mari et l’amant.
Au-delà d’une simple tragédie amoureuse, la cinéaste s’empare des sentiments des trois protagonistes pour créer un film à suspense dans lequel chacun tente de faire triompher sa volonté et de dissimuler ce qui pourrait lui nuire. Le tout dépeint au sein d’une société où leurs actes peuvent engendrer de lourdes conséquences. Cette tension crescendo aboutit à des scènes finales -surtout la longue séquence d’interrogatoire situé dans une église reconvertie en commissariat- qui nous laissent difficilement de marbre.
- NOURA RÊVE (Le Rêve de Noura)
- Sortie salles : 13 novembre 2019
- Réalisation : Hinde Boujemaa
- Avec : Hind Sabri, Lotfi Abdelli, Hakim Boumsaoudi, Imen Cherif, Seifeddine Dhrif, Jamel Sassi, Belhassen Harbaoui, Lkbal Harbaoui, Dania Mostafa
- Scénario : Hinde Boujemaa et Laurent Brandenbourger
- Production : Imed Marzouk et François d’Artemare
- Photographie : Martin Rit
- Montage : Nicolas Rumpl
- Décors : Rauf Helioui
- Costumes : Salah Barka
- Distribution : Paname Distribution
- Durée : 1h30