Résumé : Comment filmer les peaux foncées ? L’idée première de l’ouvrage était de répondre à cette question d’un point de vue strictement technique, de ne parler que de caméra, de lumière et des autres outils du chef opérateur. Pourtant, il était difficile de faire abstraction des considérations socioculturelles qu’elle implique. L’auteure a donc essayé de comprendre ce qu’est une peau foncée en tant qu’idée, en tant que matière et en tant qu’élément à filmer.
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La figure du Noir au cinéma a déjà été traité selon divers axes de recherche parmi lesquels la perspective sociologique reste prédominante (qu’il s’agisse d’articles et d’ouvrages anglo-saxons ou francophones). L’ouvrage de Diarra Sourang, diplômée de l’École nationale supérieure Louis-Lumière section cinéma et électricienne de prise de vue, se singularise donc d’abord par sa volonté de revenir à l’essentiel, soit ce qui détermine la couleur au cinéma : la photographie et, bien sûr, la peau filmée. Cette approche que l’on pourrait qualifier de « technique » profite d’une dimension scientifique qui éclaire, au sens littéral et figuré, les nombreux enjeux engagés par son objet d’étude. L’épiderme filmique contrariée par les préjugés et les catégories chromatiques établies (Sourrang nous rappelant le large prisme de couleurs que recouvre la réalité de la peau dite « noire »), se voit ainsi encadrée par un propos tirant de l’actualité la plus brûlante ses principales problématiques. Car, le fond sociologique, proche des « gender studies« , déployé par l’ouvrage, se fonde sur une préoccupation méthodologique prenant corps autour des questions de la perception, de la colorimétrie, et de la sensibilité de la pellicule. Un ensemble de pistes de recherche que Sourang prend soin d’expliciter à travers une grande clarté et que secondent parfaitement le recours à différents schémas et diagrammes. L’objectivité propre à cette analyse permet à l’auteure d’éviter les parti pris et même de revenir sur le caractère infondé de certaines polémiques (l’article de Syreeta McFadden décrivant le dispositif photographique comme raciste ; le refus affiché par Jean-Luc Godard de recourir à la pellicule Kodak pour un tournage en Afrique, considérant que celle-ci ne respectait pas la tonalité naturelle des peaux foncées). Cette dimension pédagogique, qui ne s’oriente jamais vers un quelconque didactisme, se concrétise par le biais de différentes analyses filmiques. Shadows de John Cassavtes, Moonlight de Barry Jenkins, 12 Years a Slave de Steve McQueen, ou Mother of George d’Andrew Dosunmu sont étudiés selon l’angle original de la photographie. C’est en effet le travail des directeurs de la photographie qui anime les réflexions de Sourang. Cette attention au travail du photographe, peu souvent présente dans la plupart des études monographiques ou plus largement historiques consacrées au cinéma, affirme une fois encore la grande singularité de ce formidable ouvrage.
- FILMER LES PEAUX FONCÉES. RÉFLEXIONS PLURIELLES
- Autrice : Diarra Sourang
- Éditions : L’Harmattan
- Collection : Images plurielles / Scènes et écrans
- Langues : Français uniquement
- Date de parution : 27 novembre 2019
- Format : 142 pages
- Tarif : 15 € (print) – 10,99 € (numérique)