Scandale (Bombshell) de Jay Roach : critique

Publié par Joanna Wadel le 22 janvier 2020

Synopsis : Inspiré de faits réels, Scandale nous plonge dans les coulisses d’une chaîne de télévision aussi puissante que controversée. Des premières étincelles à l’explosion médiatique, découvrez comment des femmes journalistes ont réussi à briser la loi du silence pour dénoncer l’inacceptable.

 

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Scandale - Bombshell - affiche

Scandale (Bombshell) – affiche

Parallèlement à la minisérie The Loudest Voice avec Russell Crowe, Jay Roach porte à l’écran les dessous de l’affaire qui a fait trembler le paysage audiovisuel américain en 2016, et vu Roger Ailes, le patron et cofondateur de la chaîne Fox News, chuter brutalement de son piédestal pour la mise au jour de ses multiples agressions sexuelles. Un scandale retentissant au sein du média partisan du candidat Trump, en pleine campagne présidentielle, un an avant que n’éclate l’affaire Weinstein. Avec une dynamique de dominos proche des films d’Adam Mckay (The Big Short, Vice), qui porte l’empreinte du même scénariste Charles Randolph – oscarisé pour The Big Short –, Scandale plonge au cœur du quotidien fébrile de la chaîne d’info prisée des conservateurs américains, pour retracer les étapes d’une éviction hors du commun. Celle d’un intouchable, conseiller médias des présidents Nixon, Reagan, Bush, et même Chiracen somme un dominant. En patriarche, Roger Ailes (John Lightgow), Berlusconi d’outre-Atlantique fétichiste des jambes, règne en maître sur la rédaction depuis plus de vingt ans, dont il a fait l’un des piliers de l’infotainement. Mais la plainte de la présentatrice Gretchen Carlson (Nicole Kidman), licenciée après avoir subi son harcèlement, fait l’effet d’une bombe. Une onde de choc qui va gagner tous les étages de la tour, jusqu’à atteindre la star de la chaîne, Megyn Kelly (formidable et méconnaissable Charlize Theron).

 

Scandale - Bombshell

Scandale (Bombshell)

 

Le film mené par un exquis trio d’actrices (Theron, Kidman, Robbie) se veut construit comme une immersion dans le tumulte de Fox News et du rythme effréné des chaînes d’info américaines, toujours sur le qui-vive, alternant entre réseaux sociaux, direct, bureaux, réunions… Un microcosme moderne qui laisse peu de place aux épanchements. Roach y dépeint le climat toxique, les rapports verticaux entre hommes et femmes, et les divergences politiques masquées de ses équipes, censées faire partie du sérail républicain. Un portrait acerbe des failles de l’Amérique trumpiste, cruelle, grotesque, opportuniste et clinquante à souhait. 

 

Mais au-delà de son choix de croquer à pleines dents le cynisme de Ailes et ses émules pour en faire un objet hollywoodien au format somme toute classique, le cinéaste connu pour ses comédies des années 2000 (Mon beau-père et moi, Austin Powers), son biopic Dalton Trumbo et ses excellentes miniséries politiques, telle Game Change, propose un regard conscient des mécanismes du patriarcat. Bien plus qu’un récit réaliste sur les ressorts d’une omerta, Scandale est un film social important, produit d’une Amérique post-MeToo qui exorcise ses fantômes.

 

Scandale - Bombshell

Scandale (Bombshell)

 

À travers l’odieuse routine instaurée par le patron, Roach livre une vérité poignante, celle des dommages causés aux femmes et à leurs carrières. Le réalisateur pointe frontalement les rouages d’une machine qui fabrique des prédateurs, et dépasse son sujet. Il présente la promotion canapé comme ce qu’elle est : une insupportable violence, et non un levier d’ascension professionnelle. Il fait état du sexisme comme un système où, à tous les niveaux, les hommes s’appuient sur les inégalités et un climat concurrentiel pour isoler les femmes, les soumettre à leur guise, les dresser les unes contre les autres, et empêcher tout soulèvement.

 

Dédale de témoignages nécessaires, le long-métrage passe en revue, avec une ironie piquante, les aspects d’un vieux système qui perdure. N’y voir que la fin de l’ère Ailes serait une erreur. Jay Roach compose ainsi des portraits contrastés d’héroïnes qui, bien que parcellaires pour certains, incarnent la lutte quotidienne des femmes dans ce milieu carriériste, hiérarchisé, qui favorise les violences physiques et verbales.

 

Scandale - Bombshell

Scandale – Bombshell

 

Charlize Theron, bluffante en protégée de longue date qui se découvre dans le déni mais qui sera soutenue jusqu’au bout et sans faillir par son mari (Mark Duplass), Nicole Kidman en présentatrice sur le déclin, condamnée à encaisser les piques nauséabondes que lui assène son patron, dont elle a refusé les avances, et Margot Robbie en naïve et belle recrue ambitieuse, un personnage fictif, condensé des proies favorites qui défilent dans le bureau de la direction. Toutes ces figures féminines permettent de débusquer les effets pervers des agressions et des manipulations de ce système masculin.

 

Scandale marque par ses constats et son féminisme affirmé. Il met en lumière le patriarcat comme une organisation qui ne cesse de s’alimenter, et relève les accointances avec le pouvoir d’un journalisme politisé, désenchantement du métier qui transparaît du début à la fin. Un point de vue pluriel sur l’endurance de ce système, qui présente néanmoins l’empowerment comme un biais prometteur, et entrevoit dans les affaires Ailes, Weinstein et consorts une lueur de changement.

 

 

 

  • SCANDALE (Bombshell)
  • Sortie salles : 22 janvier 2020
  • Réalisation : Jay Roach
  • Avec : Charlize Theron, Nicole Kidman, Margot Robbie, John Lithgow, Allison Janney, Malcolm McDowell, Kate McKinnon, Connie Britton, Liv Hewson, Brigette Lundy-Paine, Rob Delaney, Mark Duplass, Stephen Root
  • Scénario : Charles Randolph
  • Production : Charlize Theron, Beth Kono, A.J. Dix, Jay Roach, Charles Randolph, Margaret Riley, Aaron L. Gilbert, Robert Graf, Michelle Graham
  • Photographie : Barry Ackroyd
  • Montage : Jon Poll
  • Décors : Mark Ricker
  • Costumes : Coleen Atwood
  • Musique : Theodore Shapiro
  • Distribution : Metropolitan FilmExport
  • Durée : 1h49

 

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