Synopsis: En Ohio à la suite d’un rendez-vous amoureux, deux jeunes afroaméricains qui se rencontrent pour la première fois, sont arrêtés pour une infraction mineure au Code de la route. La situation dégénère, de manière aussi soudaine que tragiquement banale, quand le jeune homme abat en position de légitime défense le policier blanc qui les a arrêtés. Sur la route, ces deux fugitifs malgré eux vont apprendre à se découvrir l’un l’autre dans des circonstances si extrêmes et désespérées que va naître un amour sincère et puissant révélant le cœur de l’humanité qu’ils partagent et qui va changer le reste de leurs vies.
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Un date Tinder qui tourne au vinaigre à la suite d’un contrôle au faciès. Nul besoin d’être sensibilisé aux tensions communautaires et au sort des Afro-Américains pour comprendre que Queen & Slim fait état d’une réalité. L’ouverture décisive projette la salle au cœur de cette violence qui gangrène la société américaine. D’une complicité naissante entre deux jeunes dans un fast-food de l’Ohio, à la brutalité policière qui frappe sans prévenir comme le fatum, sur une route enneigée. Le premier film de Melina Matsoukas, réalisatrice des clips de Beyonce et de Rihanna, porte les stigmates d’une génération tenue de subir les reflux d’un racisme séculaire, sans cesse rattrapée par la ségrégation raciale – et sociale – qu’elle traîne comme un boulet. La fuite forcée des protagonistes débouche sur un road trip où l’expression de la culture Noire US, sa musique, ses lieux, sa mode, côtoie les paysages nationaux. Dans leur cavale, Queen (Jodie Turner-Smith) et Slim (Daniel Kaluuya) trouvent un vivier de soutiens inattendus, et deviennent malgré eux les icônes d’une insurrection contre les violences systémiques de l’État. Le film, visuel, est à l’image de la carrière de Matsoukas, chargé d’une playlist rap, hip-hop disséminée au gré des différents actes de cette aventure narrée avec souffle et un soin du détail esthétique. Le contexte inspiré des causes du mouvement Black Lives Matters et son engrenage meurtrier jouxte un récit plus romancé, dans lequel le duo parcourt le pays, affublés d’oripeaux qui rappellent le bling-bling des années 80. À travers une série de séquences contemplatives, comme hors du temps, les héros se réapproprient l’espace, et découvrent l’étendue de territoires qui leur semblaient hostiles.
Mais en voulant mêler la dimension fictive à la grille de lecture politique de l’intrigue pour tendre vers l’universel, l’intention de la scénariste Lena Waithe (Master of None) ne parvient pas toujours à passionner pour l’infortune de ces Bonnie & Clyde transformés en martyrs. Si le film est de bonne facture, on ne sait qu’en retenir. Car en dépit de sa pertinence et de l’importance de son discours, Queen & Slim manque de plus d’audace. Le métrage délaye sa force dans une trame démonstrative et un idéalisme latent qui le desservent. Le choix de mythifier le sujet dans les dernières minutes n’aide pas.
Le cinéma afro-américain militant ne cesse pourtant de s’enrichir, entre la verve du pionner Spike Lee (BlackKklansman), l’horreur désarçonnante de Jordan Peele (Get out), – dont l’acteur Daniel Kaluuya, producteur délégué, confirme encore ici son talent -, et des œuvres comme The Hate U Give, de George Tillman Jr, qui propose également une réflexion sur la thématique des bavures policières.
Dans ce panel, Queen & Slim ne détonne pas mais ne démérite pas pour autant. Malina Matsoukas s’empare d’un thème d’actualité encore peu traité, mais devenu essentiel ; la violence policière et le racisme sous-jacent envers la communauté afro-américaine. Elle y apporte un regard précieux, celui d’une femme, cinéaste et noire, encore trop rares dans la profession. Road movie attachant pourvu d’un élan engagé, et porté par le jeu de ses deux acteurs, Queen & Slim pourrait donc être le premier opus d’une filmographie au fort potentiel. Du moins, on l’espère.
- QUEEN & SLIM
- Sortie salles : 12 février 2020
- Réalisation : Melina Matsoukas
- Avec : Daniel Kaluuya, Jodie Turner-Smith, Bokeem Woodbine, Chloë Sevigny, Flea, Gralen Bryant Banks
- Scénario : Lena Waithe et James Frey
- Production : James Frey, Lena Waithe, Melina Matsoukas, Michelle Knudsen, Andrew Coles, Brad Weston et Pamela Abdy
- Photographie : Tat Radcliffe
- Décors : Karen Murphy
- Costumes : Shiona Turini
- Musique : Kier Lehman
- Distribution : Universal Pictures International France
- Durée : 2h12