Radioactive de Marjane Satrapi : critique

Publié par Joanna Wadel le 10 mars 2020

Synopsis : Paris, fin du 19ème siècle. Marie est une scientifique passionnée, qui a du mal à imposer ses idées et découvertes au sein d’une société dominée par les hommes. Avec Pierre Curie, un scientifique tout aussi chevronné, qui deviendra son époux, ils mènent leurs recherches sur la radioactivité et finissent par découvrir deux nouveaux éléments : le radium et le polonium. Cette découverte majeure leur vaut le prix Nobel et une renommée internationale. Mais après un tragique accident, Marie doit continuer ses recherches seule et faire face aux conséquences de ses découvertes sur le monde moderne…

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Radioactive - affiche

Radioactive – affiche

Six ans après le grinçant The Voices, où Ryan Reynolds, attachant psychopathe, collectionnait des têtes dans son frigo, la bédéiste franco-iranienne Marjane Satrapi revient à ses amours premières en adaptant le roman graphique Radioactive : Marie & Pierre Curie : A Tale of Love and Fallout de Lauren Redniss. Une biographie imagée de Pierre et Marie Curie, chimistes de renom dont les travaux sur les radiations ont révolutionné la science, et bouleversé le XXe siècle. Le carnet poétique aux tendres dessins paru en 2010 met en perspective l’histoire d’amour du couple avec le fruit de leurs recherches, une découverte aussi extraordinaire que destructrice. Pour son cinquième film, la cinéaste s’attaque à la sacro-sainte figure de Marie Curie, femme de tous les records. Première à avoir remporté un prix Nobel en 1903, seule à en avoir reçu deux, la physicienne émigrée polonaise a littéralement offert son corps à la science, irradiée par vingt ans d’exposition aux éléments radioactifs qu’elle a mis au jour. On lui doit la radiographie, dont elle use sur le front de la Grande Guerre pour examiner les soldats blessés. Elle aura survécu à la mort de son mari, puis à l’opprobre pour sa liaison avec son collègue Paul Langevin. Isabelle Huppert l’a même incarnée en 1997 dans Les palmes de Mr Shultz de Claude Pinoteau, c’est dire.

 

Radioactive

Radioactive

 

Avec la vivacité d’esprit qu’on lui connaît pour croquer des personnages passionnés du papier à l’écran, l’autrice de Persepolis signe un portrait de femme scientifique embrumé dans les vapeurs phosphorescentes de radium. S’appuyant sur l’angle choisi par Redniss, qui présente la relation de la chercheuse avec son mari et sa soif de découverte comme le noyau de sa vie, Satrapi compose une base de biopic usuelle qui saisit néanmoins l’essentiel de la personnalité de Curie. Son intelligence, sa confiance en elle-même et dans ses choix, son indépendance malgré son amour d’épouse et de mère, sa peur de l’hôpital, sa persévérance face à l’adversité.

 

La famille Curie est dépeinte comme un cocon féministe, moderne et progressiste, en contraste avec l’époque. Au cœur de ce tableau, Rosamund Pike transformée s’offre un rôle de composition. Elle montre l’aboutissement d’un parcours débuté en 2002 dans la peau d’une James Bond Girl pétrie d’un sexisme affligeant pour Meurs un autre jour. Depuis, avec Orgueil et Préjugés, Clones, HHhH et surtout Gone Girl, l’actrice a fait du chemin. Elle habite ce génie avec un jeu rigoureux et une prestance naturelle, qui construisent un personnage crédible, sans tomber dans l’emphase.

 

Radioactive

Radioactive

 

Mais on attend plus de la rencontre entre la réalisatrice de l’onirique Poulet aux Prunes et Marie Curie, battante dans une discipline d’hommes, Polonaise dans le Paris xénophobe de la Belle Époque. Satrapi apporte à sa trame son grain de fantaisie, optant pour une réalisation ludique, axée sur l’approche sensorielle de la science. Sur le modèle du roman, elle incruste au cœur du film trois scènes anachroniques, projections vers l’avenir du nucléaire : Hiroshima 1945, Nevada 1961, Tchernobyl 1986. Dates clés qui répondent au présent des Curie, et aux doutes naissants sur l’usage futur de leur travail. Elle y appose sa touche colorée, faisant du radium, élément radioactif de couleur verte, le matériau esthétique central qui parsème les rêves de l’héroïne, tandis qu’une fiole fluo trône sur sa table de nuit.

 

Ces séquences propres au cinéma imagé de Marjane Satrapi, insufflent une certaine énergie au métrage, une vigueur éthérée qui mime l’esprit bouillonnant de la protagoniste, et contrebalance avec l’aspect clinique du sujet. Pour autant, ce brin d’originalité qui tend vers le fantastique s’incorpore mal dans l’histoire. Trop peu développée pour infuser le tout, la partie romancée cohabite avec la part réaliste du récit, sans que le mélange ne s’opère. Ici, le style audacieux de la réalisatrice ne parvient pas à transcender son incursion dans le genre historique, pourtant pleine de charme.

 

Radioactive

Radioactive

 

En dépit de cette légère dissonance, Satrapi parvient à broder une composition imprégnée de son regard de dessinatrice sur le monde, faisant la part belle aux éléments naturels : lumière, brouillard, eau, pierres, fruits. Une baignade au soleil entre jeunes mariés, le souvenir d’une chasse aux cailloux dans un ruisseau, une lueur éclairant les paillasses, du lait fumant dans une casserole, autant de belles scènes gorgées de vie qui reviennent aux sources de la vocation du couple, de leur dévotion à la science, à l’étude et à l’amour du vivant.

 

Radioactive reste l’abord unique d’un modèle inspirant. Une intelligence exceptionnelle qui lègue un héritage crucial sur le plan scientifique, médical, social, politique et éthique.

 

 

 

  • RADIOACTIVE
  • Sortie salles : 11 mars 2020
  • Réalisation : Marjane Satrapi
  • Avec : Rosamund Pike, Sam Riley, Anya Taylor-Joy, Aneurin Barnard, Simon Russell Beale, Jonathan Aris, Tim Woodward…
  • Scénario :  Jack Thorne, d’après le roman graphique Radioactive: Marie & Pierre Curie: A Tale of Love and Fallout de Lauren Redniss
  • Production :  Tim Bevan, Eric Fellner et Paul Webster
  • Photographie :  Anthony Dod Mantle
  • Montage : Stéphane Roche
  • Décors : Michael Carlin
  • Costumes : Consolata Boyle
  • Musique : Evgueni Galperine et Sacha Galperine
  • Distribution : StudioCanal
  • Durée : 1h50

 

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