Minisérie / The Plot Against America : critique

Publié par Joanna Wadel le 25 avril 2020

Synopsis : Lorsque le célèbre aviateur Charles Lindbergh battit le Président Roosevelt aux élections présidentielles de 1940, la peur s’empara des Juifs américains. Non seulement Lindbergh avait, dans son discours radiophonique à la nation, reproché aux juifs de pousser l’Amérique à entreprendre une guerre inutile avec l’Allemagne nazie, mais, en devenant trente-troisième Président des Etats-Unis, il s’empressa de signer un pacte de non-agression avec Hitler. Alors la terreur pénétra dans les foyers.

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The Plot against America - affiche

The Plot against America – affiche

Nouvelle venue dans le paysage des miniséries dramatiques HBO, The Plot Against America (Le Complot contre l’Amérique), diffusée sur OCS depuis le 17 mars, propose l’adaptation en six épisodes du roman éponyme de Philip Roth. Parue en 2004, cette uchronie s’appuie sur une simple spéculation : et si l’aviateur américain Charles Lindbergh, sympathisant de l’Allemagne nazie, s’était présenté aux élections de 1940 face à Roosevelt ? L’écrivain se fait alors le narrateur d’une enfance passée dans une famille juive du New Jersey, tandis que la victoire du candidat donne libre cours à une vague d’antisémitisme qui ravage le pays. Coécrite par Roth, la fiction qu’en tirent David Simon (créateur de The Deuce) et Ed Burns (The Wire) retrace avec pertinence les années noires qu’aurait pu connaître l’Amérique, vécues de l’intérieur d’un foyer. Celui des Levin, de confession juive, issus de la classe moyenne de la côte Est. Chaque personnage incarne un abord différent de la situation. Herman (Morgan Spector), le père, agent d’assurances fervent opposant à Lindbergh, opte pour la lutte d’opinion, tandis que son épouse Bess (Zoe Kazan), plus pondérée, souhaite avant tout échapper au climat nauséabond en partant pour le Canada avec leurs deux fils, Sandy (Caleb Malis) et Philip (Azhy Robertson). Autour d’eux gravitent quelques figures clés, dont Alvin (Anthony Boyle), le neveu d’Herman déterminé à contribuer à l’effort de guerre, à rebours de la politique de Lindbergh, et Evelyn (Winona Ryder), la sœur de Bess, célibataire naïve qui va succomber aux belles promesses du rabbin Lionel Bengelsdorf (John Turturro), futur porte-voix de la politique du président.

 

The Plot Against America

The Plot Against America

 

Un petit comité pour une perception immersive des événements. Car si l’on s’attend à un panorama ponctué d’action virtuose propre au genre historique, la série restitue à l’inverse l’atmosphère oppressante du récit de Roth – et de l’Occupation – dans un champ réduit où les grands décisionnaires n’apparaissent que par à-coups, lors de meetings et d’allocutions publiques.

 

À l’instar des protagonistes, le spectateur porte des œillères, s’imprègne d’abord d’une vague inquiétude, avant de sentir une crainte lancinante s’installer au son des informations du poste de radio des Levin, des actualités qui défilent dans les salles de cinéma. Des scènes ponctuelles qui miment un quotidien des années 1940, sans prise sur une réalité qui dégénère.

 

Le rythme parcellaire distille des points de basculement : la banalisation du discours antisémite, le pacte de non-agression signé avec Hitler, le lancement d’une propagande destinée à tempérer la communauté juive, la persécution des soldats partis au front avant le refus officiel des États-Unis de prendre part au conflit. Ces virages bien distincts sont suivis de conséquences palpables, licenciements, mutations d’employés revêches en rase campagne se multiplient alors que xénophobes et antisémites sortent du bois. Par bourrasques, on sent le vent tourner.

 

The Plot against America

The Plot against America

 

L’Amérique, terre de modernité, se transforme de manière plausible en un miroir de l’Europe aux mains des nazis. On assiste à cette contamination graduelle, dont on anticipe chaque palier, qui prend racines plus subtilement que sur le vieux continent. Pas de pogroms, ou d’autodafés, mais un replis identitaire ambigu sciemment mis en place.

 

Le clan Lindbergh s’appuie sur les spécificités propres à l’Histoire du pays bâti sur l’émigration, dont les notions de liberté et d’espoir qui lui sont chères, pour mettre en chantier une nationalisation du territoire au détriment du « vieux monde », qui aurait choisi d’affronter l’adversité du régime nazi, et faire accepter la discrimination positive des Juifs. Un programme dont le rabbin Bengelsdor et ses nombreux fidèles seront l’instrument.

 

La série alterne un réalisme soigné avec un style romancé, allant du film noir au drame historique, en passant par le thriller. Son choix d’acteurs judicieux, – en particulier Kazan Ryder et Turturro – ses décors, ses costumes, côtoient des images d’archives, des faits avérés et une poignée de personnages historiques, tels qu’Henry Ford, en chef de file de l’aile antisémite du gouvernement, et Edgar Hoover, traquant ceux les volontaires partis au combat, qu’il voit comme des communistes.

 

The Plot against America

The Plot against America

 

La ségrégation et le racisme américain constituent un parfait terreau pour la haine à l’égard des Juifs et des minorités, que des groupes comme le Klux Klux Klan exploitent à leur guise, déchaînant leur brutalité. Un scénario catastrophe vraisemblable, servi par de belles performances et une mise en scène formelle, laissant poindre quelques références délicates à la Shoah.

 

Seul bémol, si la lucarne angoissante que constitue le point de vue des personnages évite la dispersion, la vision restreinte, le manque de plans d’ensemble et de scènes de foules – assez rares – peuvent donner l’impression de ne pas en voir assez, un effet-loupe à double tranchant. The Plot Against America n’en demeure pas moins une fenêtre édifiante sur un monde probable, assorti d’une mise en garde universelle sur la montée des extrêmes, et la mésestimation de leurs discours.

 

 

 

  • THE PLOT AGAINST AMERICA
  • Diffusion : depuis le 16 mars
  • Plateforme / Chaîne : HBO et OCS (US +24), disponible en replay
  • Création : Ed Burns, David Simon
  • Réalisation : Thomas Schlamme, Minkie Spiro
  • Scénario : Ed Burns, David Simons, Reena Rexrode, Philip Roth, d’après l’œuvre de ce dernier
  • Avec : Winona Ryder, John Turturro, Anthony Boyle, Zoe Kazan, Morgan Spector, Michael Kostroff, David Krumholtz, Azhy Robertson, Caleb Malis, Ben Cole…
  • Une saison de 6 épisodes de 55 minutes

 

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Source: CBO Box office

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