Livre / Sade et le cinéma. Regard, corps, violence : critique

Publié par Jacques Demange le 6 novembre 2020

Résumé : Le cinéma sadien se construit autour de deux interdits : la mort et la petite mort, l’orgasme. Questionnant l’impasse de la représentation qu’implique l’adaptation de l’oeuvre de Sade au cinéma, Alberto Brodesco revient sur les enjeux esthétiques, thématiques, philosophiques et narratifs de la production écrite, pour mieux définir les dispositifs de vision élaborés par l’écrivain, lesquels vont mettre au défi l’art cinématographique. Son essai est une réflexion sur les passages de l’écrit à l’écran, sur les théories vouées à la relation entre images et violence, sur les tensions entre réflexion et perceptions sensorielles, sur le cinéma voué au corps… S’il met en avant Luis Bunuel, Pier Paolo Pasolini, Jess Franco, Jan Švankmajer, l’auteur puise dans de nombreux exemples internationaux.

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Sade et le cinema - livre

Sade et le cinéma – livre

Aux côtés de la réédition du Masochisme au cinéma de Jean Streff, la maison Rouge Profond a eu la bonne idée de faire paraître la traduction du récent ouvrage d’Alberto Brodesco, assistant de recherche à l’Université de Trente et spécialiste de l’étude des média et des représentations-limites véhiculées par les images, consacré à la relation de Sade et du cinéma. Plutôt que de « cinéma sadique », l’auteur privilégie la formule de « cinéma sadien ». Cette modification terminologique a le mérite de souligner l’importance jouée par l’identité de l’auteur des 120 Journées de Sodome et de Justine ou Les malheurs de la vertu dans le développement de l’argumentaire. Car si Brodesco revient bien sur la pathologie associée au nom du célèbre marquis, c’est bien sa philosophie qui l’intéresse en premier lieu. De fait, la pensée sadienne se présente comme une instance autoréflexive, imposant une posture distanciée qui retrouve la fonction scopique du voyeur. La relation au cinéma va donc de soi, les récits adaptés de l’œuvre de Sade se prêtant particulièrement bien à une mise en abyme du dispositif filmique. Brodesco s’emploie ainsi à revenir à l’ontologie du cinéma à partir du déterminisme sadien. Dès les premiers chapitres, le lecteur prend conscience de la pertinence de cette piste de lecture. Tout en se référant aux grandes analyses qui cherchèrent à prouver la parenté du cinéma avec la pratique psychanalytique, l’auteur prend soin d’éviter les chemins par trop empruntés et de se laisser emporter par la surdétermination théorique à laquelle aurait pu naturellement l’abandonner son objet d’étude.

 

Car ce sont bien à partir des images des films que se consolide l’argumentation de l’auteur. Le corpus parfaitement délimité dans ses registres (adaptations ou références assumées à l’œuvre littéraire, biopics consacrés à Sade, ou représentation du Divin Marquis en tant que personnage secondaire) est encore circonscrite par une attention particulière à quatre cinéastes majeurs : Luis Bunuel, Pier Paolo Pasolini, Peter Brook et Jésus Franco. Si Brodesco se permet avec bonheur certains écarts, interrogeant des notions plus générales (le découpage, la diffusion médiatique) à partir d’une filmographie élargie aux débuts de l’Histoire du cinéma et à ses prolongements au sein des petits écrans de notre quotidien (voir l’excellent chapitre consacré à la réception de Salo sur Internet), sa pensée se déploie selon un séquençage rigoureux et convaincant.

 

La précision de ce corpus permet en définitive de concrétiser les problématiques centrales de la cinématographie sadienne : le rapport du spectateur à la violence infligé au corps selon la double-dynamique du désir et de l’obscène qui interroge les limites propres aux sphères de toute représentation. On ne peut donc que se réjouir face à la portée théorique, et pratique, proposé par ce brillant essai.

 

 

 

  • SADE ET LE CINÉMA. REGARD, CORPS, VIOLENCE
  • Auteur : Alberto Brodesco
  • Traduction : Vanessa Hélain
  • Éditions : Rouge Profond
  • Collection : Débords
  • Date de parution : 30 octobre 2020
  • Langues : Français et Italien (sous le titre Sguardo, corpo, violenza, Sade e il cinéma, paru en 2014 aux Éditions Mimésis)
  • Format : 285 pages
  • Tarifs : 20 € (disponible en librairie et à la commande en ligne « click & collect » dans ce lien sur le site Librairies Indépendantes)

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