Résumé : Après ses débuts dans la sphère underground de Toronto, à la fin des années 1960, David Cronenberg s’est imposé comme un auteur majeur capable de passer, avec une aisance rare, du mainstream à l’expérimental, sans perdre, pour autant, sa singularité de cinéaste. Son œuvre met en scène des corps mutants façonnés par la science et la technologie, comme dans La Mouche ou Crash, ou simplement victimes de l’environnement dans lequel ils évoluent. À travers eux, le cinéaste explore les zones insoupçonnées de l’inconscient et interroge la nature, à la fois transgressive et libératrice, du fantasme. La Transgression selon David Cronenberg analyse l’œuvre d’un observateur de la nature humaine qui, par le biais du corps, redéfinit notre propre rapport au monde, à l’esthétique et à la morale.
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Respectant la manière habituelle de la maison Playlist Society, articulant clarté du propos et structure thématique, cette étude consacrée à David Cronenberg a le mérite d’inscrire un certain renouvellement dans la continuité. Car si c’est encore et toujours le corps qui constitue le point central du propos, Fabien Demangeot, docteur en Lettres modernes et en Études cinématographiques, enseignant, et rédacteur pour la revue en ligne Le Rayon vert, a sciemment choisi de décaler cette perspective générale vers la problématique de la transgression. De fait, l’approche du réalisateur s’établit d’abord à travers un paradoxal désir de dépassement et de pénétration. De l’organisme à la psyché en passant par la sexualité, Cronenberg s’épanouit dans les marges des représentations consacrées. C’est ici que réside le principal intérêt de cette étude. Sans se départir totalement de la méthode monographique, l’ouvrage prend soin d’analyser minutieusement l’apport stylistique du cinéma de Cronenberg. L’exposition de l’intériorité se détermine donc par une agression de la forme codifiée. Cette perspective esthétique, qui trouve sa pleine consistance dans l’étude de certains motifs porteurs de dynamiques particulières (le liquide, le vampirisme, le parasite…), signale la cohérence d’une œuvre qui s’épanouit dans la révélation des extrêmes. L’idée de transgression permet en effet de réconcilier les différentes phases de la filmographie de Cronenberg.
De ses premières productions marquées par l’expérimentation visuelle et l’esprit médical (Rage ; Chromosome 3 ; Scanners ; Videodrome ; Faux-semblants…) à ses récents questionnements identitaires (A History of Violence ; Les Promesses de l’ombre ; A Dangerous Method) en passant par son intérêt pour les égarements de la civilisation contemporaine (Crash ; eXistenZ ; Cosmopolis ; Maps to The Stars…), Demangeot note la possibilité d’esquisser différentes trajectoires de biais.
La qualité d’ensemble est par ailleurs soutenue par un référencement habile, empruntant à la déjà large bibliographie consacrée au réalisateur ainsi qu’à des sources plus générales en lien avec les sciences humaines (la philosophie de Merleau-Ponty, par exemple). Sans multiplier les renvois et citations, Demangeot parvient à valoriser la singularité de sa réflexion tout en s’appuyant sur les acquis proposés par ses prédécesseurs.
Cet ouvrage se présente en définitive comme un essentiel pour les amateurs de Cronenberg, prouvant plus généralement la possibilité de renouveler en même temps que d’approfondir son regard sur une œuvre archi-commentée. Une petite prouesse en soi.
- LA TRANSGRESSION SELON DAVID CRONENBERG
- Auteur : Fabien Demangeot
- Éditions : Playlist Society
- Collection : Essai / Cinéma
- Date de parution : 21 janvier 2021
- Langues : Français uniquement
- Format : 160 pages
- Tarifs : 14 € (print) – 6,99 € (numérique)