Synopsis : Martha et Sean attendent leur premier enfant. Elle veut le mettre au monde à la maison avec l’aide d’une sage-femme. Le jour venu, le bébé, une fille, meurt quelques minutes après sa naissance. Anéantis et sous le choc, leur couple vacille.
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Netflix commence fort l’année avec sans doute déjà l’un des meilleurs films dramatiques. Pieces of a Woman est une perle rare. Aux commandes, Kornèl Mondruzco ; cinéaste hongrois habitué du Festival de Cannes et à qui l’on doit entre autres Delta (Prix FIPRESCI), centré sur l’histoire d’un amour fusionnel entre un frère et une sÅ“ur fraîchement retrouvée, et White God (Prix Un Certain Regard), qui dépeint l’attachement profond d’une fille à son chien. Dans son premier long métrage en langue anglaise, il filme le pire, la déchirure, l’injustice, la colère, restant fidèle à ses thèmes de prédilection, comme les relations intrafamiliales, le rapport à la nature et à l’environnement, les nouveaux départs. Le film s’ancre dans une scène d’accouchement tournée en un plan-séquence de quinze minutes. La caméra bouge au rythme des contractions de Martha. On pénètre dans l’intimité d’un des moments les plus forts de la vie, la naissance. On le vit de l’intérieur comme témoin dans leur salon. Le jeu des acteurs est sur le fil. Les gestes, les déplacements, les réactions sont justes, dans la mesure, et tendues à l’extrême. Martha (une Vanessa Kirby frontale) incarne une jeune mère terrassée par le commencement du travail et le mental qui divague. Bien qu’elle n’ait pas encore d’enfant, l’actrice anglaise (The Crown, Mission impossible : Fallout) avoue avoir fait une préparation intense auprès de jeunes mères et de sages-femmes. Sa performance lui a valu la Coupe Volpi pour la meilleure interprétation féminine à la dernière Mostra de Venise. Mondruzco n’en est d’ailleurs pas à sa première scène d’accouchement après celle tout aussi réaliste de Pleasant Days (Szép napok).
Les plans en extérieur sont également vecteurs de symbolisme. Pièces of a Woman s’ouvre ainsi sur un pont en construction. Pont dont on suit l’avancée, en parallèle du chemin d’affliction des protagonistes. Des images froides ; la grisaille et la neige transposent le manque, la perte, et le désarroi des personnages. Le récit explore également les conséquences du drame, faisant ressurgir les rancoeurs familiales qui creusent davantage les différends pour mettre les liens à l’épreuve. Les personnages vivent un malheur accablant qui les divisent. Comme si l’injustice, même la plus cruelle, devait avoir un but précis.
L’épilogue est d’ailleurs puissant dans le message d’espoir, lâché par la mère endeuillée ; la fatalité est transcendée par la résilience. Un dernier plan sur un pommier qui rappelle la force de l’amour en dépit des épreuves. Dès lors, toutes les étapes du deuil sont montrées, sans pathos ni cliché, et les métaphores, brillamment distillées. Le jeu d’Ellen Burstyn (L’Exorciste, Interstellar), qui incarne la mère de Martha, est savamment dosé entre puissance et fragilité. Il renvoie à la détermination et le courage du personnage d’Alice n’est plus ici de Martin Scorsese, qui agit dans Pieces of a Woman en tant que producteur exécutif. Digne et fébrile, elle garde la tête haute malgré tout.
Véritable onde de choc, ce premier film américain est encensé par la critique et en très bonne voie pour les Oscars. Kornèl Mondruzco réussit un coup de maître.
Lydie Hans
- PIECES OF A WOMAN
- Diffusion : depuis le 7 janvier 2021
- Plateforme / Chaîne : Netflix
- Réalisation : Kornèl Mondruzco
- Avec : Shia Lebeouf, Vanessa Kirby, Ellen Bustyrn, Iliza Shlesinger, Molly Parker, Sarah Snook, Bennie Safdie, Jimmie Fails, Domenic Di Rosa, Tyrone Benskin, Noël Burton, Leisa Reid, Sean Tucker, Franck Schorpion, Harry Standjofski, Gayle Garfinkle…
- Scénario : Katà Weber
- Production : Kevin Turen, Ashley Levinson, Aaron Ryder
- Producteur exécutif : Martin Scorsese
- Photographie : Benjamin Looeb
- Montage : David Jancso
- Durée : 2h06