Résumé : Dans l’immensité sauvage d’une Australie écrasée sous un soleil de plomb, Frank s’occupe d’une petite station-service perdue au milieu de nulle part. Son quotidien solitaire n’est troublé que par le passage de quelques rares clients. Un jour, une voiture arrive en trombe. Une jeune femme en sort, fait quelques pas et s’écroule. Aidé par un couple de voyageurs, Frank tente de soigner les blessures de l’inconnue lorsque de mystérieux assaillants arrivent sur les lieux. Coupés du monde, les occupants de la station-service vont alors devoir faire face à un véritable siège.
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La Chasse fait partie de ces romans que l’on imagine sans peine être transposé à l’écran. Sa qualité audio-visuelle se retrouve d’abord et principalement à travers son sens de la narration. En choisissant de structurer son écrit entre passé et présent, le jeune romancier, dramaturge et scénariste australien Gabriel Bergmoser, qui signe ici son quatrième ouvrage en quatre ans (après la trilogie de Boon Shepard), propose une alternance toute traditionnelle entre deux temporalités qui finiront, progressivement, par se rencontrer. À cette déclinaison des temps s’ajoute une volonté de se concentrer sur l’essentiel. L’auteur ne s’embarrasse nullement du superflu et se laisse diriger par les seules impératifs de l’action. Environnement, décor et traits psychologiques reposent donc d’abord sur une valeur fonctionnelle, se mettant au service du récit et de son avancée. Respectant en ce sens les exigences de la littérature de genre, l’écrivain peine parfois pourtant à traduire de véritables impressions. Par la fluidité et le rythme soutenu de l’écriture, la lecture est agréable et souvent prenante, mais on aurait souhaité la présence d’une atmosphère apte à distinguer Bergmoser du tout-venant du roman policier. Là où l’Américain Gabriel Tallent avait réussi avec My Absolut Darling (2017) à se démarquer par la force de ses descriptions, Bergmoser semble par moments sacrifier la question du style et avec elle la présence d’émotions spécifiquement littéraires. On regrette ainsi que l’environnement du bush australien n’ait pas été mieux exploité. Là où on aurait souhaité que le récit nous rappelle l’épopée sauvage de Réveil dans la terreur (Ted Kotcheff, 1971), c’est plutôt Délivrance (John Boorman, 1972) qui vient à l’esprit. Preuve de l’absence d’un langage, au sens spirituel du terme.
Ces remarques doivent cependant être relativisées par la valeur introductive de ce roman. Car pour une œuvre qui n’en est encore qu’à ses prémisses, La Chasse marque une étonnante maturité dans l’exercice de l’écriture. Le développement des actions fonctionne à plein régime sans jamais enrayer la mécanique dramatique (signalons sur ce point la très bonne traduction de Charles Recoursé). De la même manière, la caractérisation des personnages se déploie de façon naturelle, l’auteur empruntant à une typologie bien connue tout en parvenant à nuancer les portraits de ses principaux protagonistes.
L’ouvrage convainc donc d’abord par ses promesses. Promesses cinématographiques d’abord, puisque les droits du roman ont d’ores et déjà été acquis par des producteurs américains. Promesses littéraires ensuite, car l’on attend beaucoup de son prochain roman, The Inheritance, dont la parution est prévue pour juillet 2021, en espérant que son sens du récit ne perdra rien de sa vivacité mais saura s’enrichir de nouvelles données.
- LA CHASSE
- Auteur : Gabriel Bergmoser
- Traduction : Charles Recoursé
- Éditions : Sonatine
- Date de parution : 18 mars 2021
- Langues : Français et Australien (sous le titre The Hunted paru chez HarperCollins en 2020)
- Format : 256 pages
- Tarifs : 20 € (print) – 14,99 € (numérique)