À l’abordage de Guillaume Brac : critique

Publié par CineChronicle le 24 mai 2021

Synopsis : Paris, un soir au mois d’août. Un garçon rencontre une fille. Ils ont le même âge, mais n’appartiennent pas au même monde. Félix travaille, Alma part en vacances le lendemain. Qu’à cela ne tienne. Félix décide de rejoindre Alma à l’autre bout de la France. Par surprise. Il embarque son ami Chérif, parce qu’à deux c’est plus drôle. Et comme ils n’ont pas de voiture, ils font le voyage avec Edouard. Evidemment, rien ne se passe comme prévu. Peut-il en être autrement quand on prend ses rêves pour la réalité?

♥♥♥♥♥

 

A labordage de Guillaume Brac - affiche

À l’Abordage de Guillaume Brac – affiche

Ni réalisme social, ni comédie sentimentale, ni buddy movie, ni cinéma d’auteur « parisien »… À l’abordage de Guillaume Brac est en fait un peu tout cela à fois et bien plus encore. Dans la lignée d’illustres prédécesseurs, tels qu’Eric Rohmer ou Jacques Rozier, et en une poignée de films de fiction et de documentaire, le cinéaste pose sa caméra sur des chemins de traverse et saisit la vacuité de ses personnages dans une écoute sensible de leurs difficultés, en parfaite résonance avec notre époque. Par une belle soirée d’été, Félix (Eric Nantchouang), un jeune homme noir, se promène à Paris le long des berges et observe la foule en liesse. Progressivement, il se mêle à la fête et danse langoureusement avec une jeune fille, Alma (Asma Messaoudene), avec laquelle il prolonge la nuit. Mais à peine réveillée, elle le plante pour attraper son train et rejoindre sa famille en vacances. En une succession rapide de scènes précises et elliptiques à l’ouverture, l’action se met en place. Le bouillonnant jeune homme se voit dès lors entraîné à son tour sur les routes à la conquête de son « amoureuse ». Guillaume Brac, en partenariat avec le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, a choisi quelques élèves et au cours de l’atelier a construit son récit et ses personnages. Avec sa troupe d’acteurs et non-acteurs, il compose ainsi une sorte d’arborescence où tous vont se croiser et se recroiser, se heurter et s’attirer, dans une scénographie et chorégraphie des corps à ciel ouvert. Félix va rallier son ami Cherif à sa cause dans son épopée puis va rencontrer Edouard. Cherif, ne participant pas aux baignades et activités nautiques et sportives lié à son embonpoint, reste souvent seul au camping où il va se rapprocher d’Helena (Ana Blagojevic) et de sa petite fille Nina. Alma, blessée au pied, va solliciter l’infirmier du camping, Nicolas (Nicolas Pietri), qui lui-même va se confronter à la sœur de cette dernière, Lucie (Lucie Gallo), etc. 

 

A labordage de Guillaume Brac

À l’abordage de Guillaume Brac

 

Brac multiplie avec maestria les interactions par ce tour de force scénaristique, attribuant à chaque rôle un parcours, une vie propre à laquelle on prend le temps de s’intéresser. Et dans cette ronde où se multiplie les collisions du désir, cette circulation amène chacun d’entre eux à évoluer et modifier son jugement. Le cinéaste expliquait dans une interview, à propos de Félix, comment mettre en scène des personnages noirs aujourd’hui et comment faire pour que ce ne soit pas un sujet en soi. En effet, il ne lui faut que quelques scènes pour débarrasser Félix du costume de l’emploi du « jeune black issu de la banlieue ».

 

À peine comprend-on que le jeune homme est aide à domicile que le film bifurque vers une autre piste au lieu de s’appesantir sur sa précarité sociale. Un déplacement s’opère alors et la conversation rebondit sur les confidences du jeune homme à la vieille dame. Celle-ci l’encourage et le pousse à ne pas laisser passer sa chance. Dès cet instant, le voyage démarre et on entre dans le tourment universel de tous les jeunes amoureux, quel que soit l’endroit, l’environnement social ou l’époque. À l’image de cette très belle scène de réconciliation entre Félix et Alma, alors qu’ils se baignent dans la rivière sous les yeux envieux d’Edouard et Chérif, se considérant tous deux comme des « galériens de l’amour ».

 

A labordage de Guillaume Brac

À l’abordage de Guillaume Brac

 

Une fois tous les récits attendus déconstruits, ce qui reste et nous concerne tous est cette intensité émotionnelle de l’instant décisif qui se dilate et nous palpite le cœur. Sans le savoir, Guillaume Brac nous rappelle à travers cette comédie d’apprentissage, tournée en 2019 avant la crise sanitaire, ce qui allait tant nous manquer : les rencontres. Ce sel même de l’existence.

 

Hélène Joly

 

 

 

  • À L’ABORDAGE
  • Diffusion : le 28 mai 2021 sur Arte / disponible du 21 mai au 26 juin 2021 sur Arte.tv
  • Réalisation : Guillaume Brac
  • Avec : Eric Nantchouang, Salif Cissé, Edouard Sulpice, Asma Messaoudene, Ana Blagojevic, Martin Mesnier, Lucie Gallo, Nicolas Pietri, Cécile Fueillet, Jordan Rezgui
  • Scénario : Guillaume Brac, Catherine Paillé
  • Production : Geko Films, Arte France
  • Photographie : Alan Guichaoua
  • Montage : Héloïse Pelloquet
  • Costumes : Marine Galliano
  • Distribution : Jour2Fête
  • Durée : 1h35

 

Commentaires

A la Une

A complete unknown : Timothée Chalamet devient l’icône folk Bob Dylan dans ce premier trailer

Dans ces premières images, James Mangold nous entraîne dans les années 60 pour découvrir l’ascension de Bob Dylan, figure centrale… Lire la suite >>

Joker – Folie à deux : un nouveau trailer déjanté

La nouvelle bande-annonce du Joker : Folie à deux a déjà dépassé les millions de vues en moins de 24… Lire la suite >>

Michael Mann lance un site dédié au processus de création de tous ses films

The Michael Mann Archives a été lancé le 16 juillet dernier, et le premier film accessible aux abonnés est aussi… Lire la suite >>

Spermageddon : un film d’animation norvégien prometteur

Originals Factory a acquis les droits de distribution en France de cette comédie musicale animée autour du sexe, qui sera… Lire la suite >>

The Substance : le film de body horror avec Demi Moore se dévoile dans un teaser intriguant

Le nouveau film de Coralie Fargeat verra s’affronter Demi Moore et Margaret Qualley autour de cette fameuse substance.    … Lire la suite >>

Nos vidéos

Box OFFICE France

Titre Cette sem. Nbr Sem. Cumul
1 LE COMTE DE MONTE-CRISTO 992 295 4 4 531 945
2 MOI, MOCHE ET MECHANT 4 785 787 2 2 185 956
3 VICE-VERSA 2 575 629 5 6 872 252
4 TWISTERS 290 884 1 290 884
5 UN P'TIT TRUC EN PLUS 255 666 12 8 388 607
6 LE LARBIN 114 953 1 114 953
7 SANS UN BRUIT : JOUR 1 64 880 4 805 262
8 LONGLEGS 47 710 2 117 561
9 HORIZON : UNE SAGA AMERICAINE, CHAPITRE 1 46 839 3 239 854
10 SANTOSH 43 680 1 43 680

Source: CBO Box office

Nos Podcasts