Résumé : Fondée en 1928, la Radio Keith Orpheum Pictures est l’une des cinq compagnies majeures de l’âge d’or d’Hollywood. Contrairement à Warner, MGM, Paramount et la Fox, la RKO ne survivra pas aux tournants de la fin des années 1950. Mais, en 30 années seulement, le studio fera tourner les plus grands et produira des films majeurs de l’histoire du cinéma américain. De la fin des années 1920 jusqu’en 1958, Richard B. Jewell expose de manière inédite les coulisses du quotidien de ce studio de légende, au sommet de sa gloire.
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En 1982, l’universitaire et historien du cinéma américain Richard B. Jewell publiait The RKO Story, un beau livre qui revenait sur l’histoire du studio à travers de nombreuses illustrations. Du propre aveu de l’auteur, cette parution l’avait quelque peu laissé sur sa faim, la forme semblant trop souvent l’emporter sur le fond. Trente années plus tard, Jewell a donc décidé de revenir à son sujet et d’en enrichir la matière ; une décision qui aboutit à une franche réussite que les Éditions Lobster Films nous permettent de découvrir aujourd’hui en langue française. À partir de la consultation de nombreux fonds d’archives, parmi lesquels la « RKO West Coast archive », anciennement située sur l’Avenue Vermont à Los Angeles et aujourd’hui disparue, l’auteur propose un retour très complet sur les différents moments qui jalonnèrent l’histoire de la RKO, de sa création jusqu’à 1942. En choisissant de séquencer son ouvrage en fonction des tandems (président et directeur de la production) qui dirigèrent le studio, Jewell met en lumière la cause principale de sa fin précoce. Là où l’identité de la Universal, la MGM, la Paramount, la Fox ou la Warner fut incarnée durant de nombreuses décennies par une ou deux figures tutélaires, la RKO subit de constants changements à la tête de sa direction, voyant sa production altérée par une instabilité qui touchait jusqu’aux fondements de sa structure. Reste que le studio bénéficie toujours d’une aura de prestige auprès des cinéphiles. Des séries B de Jacques Tourneur (La Féline ; La Griffe du passé…) aux films fantastiques (King Kong ; Le Récupérateur de cadavres…) en passant par les comédies musicales du duo Fred Astaire-Ginger Rogers et le Citizen Kane d’Orson Welles, la filmographie de la RKO demeure l’une des plus riches du classicisme hollywoodien.
Mais, à côté de ces incontournables, Jewell revient sur la quantité de ratés qui entamèrent la santé financière du studio. Le titan se révèle avoir des pieds d’argile, et l’ouvrage permet de comprendre comment de mauvaises décisions déterminèrent son destin tragique. Rigoureuse et précise, l’écriture de Jewell rend son récit passionnant à découvrir. Au-delà du seul cas de la RKO, c’est l’ensemble de l’âge d’or des studios qui est analysé et décrypté par l’ouvrage. L’approche historique s’approfondit par la prise en compte des différents aspects logistiques qui marquèrent la singularité économique du système des majors. Les secteurs de la production, de la distribution et de l’exploitation sont communément étudiés par Jewel à travers leurs différentes relations de complémentarité.
La réussite de cet opus rend plus pressant encore le désir de découvrir son second tome, Slow Fade to Back. The Decline of RKO Radio Pictures, dont la traduction française est attendue avec impatience. Il faut enfin noter que ces différentes qualités sont parfaitement soutenues par les choix éditoriaux de la maison Lobster et notamment la présence d’un index des noms et des films permettant de parcourir selon son bon plaisir l’incroyable histoire des débuts de la RKO.
- RKO RADIO PICTURES. TOME I. NAISSANCE D’UN TITAN
- Auteur : Richard B. Jewell
- Traduction : Pierre Henri Loÿs et Gaëlle Lynch
- Éditions : Lobster Films
- Date de parution : 30 avril 2021
- Première parution en 2012 sous le titre RKO Radio Pictures. A Titan Is Born aux éditions University of California Press
- Format : 450 pages
- Tarif : 18 €