Synopsis : Hantée par un traumatisme passé, Cassie, une jeune femme dont l’avenir semblait prometteur, s’en prend à des hommes prédateurs qui ont le malheur de croiser sa route.
♥♥♥♥♥
Pour son premier film en tant que réalisatrice, Emerald Fennell, actrice dans Victoria ou la série The Crown, autrice de romans horrifiques et productrice, également showrunner de la deuxième saison de Killing Eve, réussit un tour de force à travers ce récit de vengeance féminine étrange et tordu. Sur un ton de comédie trash acidulée, elle transcende les genres passant avec élégance du thriller à la comédie romantique, de l’horrible à l’hilare, toujours sur le fil du rasoir avec une volonté de créer un malaise jouissif. Que ce soit son héroïne OVNI, la bande sonore signée Anthony Wilis, le casting brillant, l’univers rose bonbon, et le drame qui transparaît à chaque plan, tout fonctionne à l’unisson pour livrer un film envoûtant marqué par une idée forte : le retournement de situation et de perspective à travers une femme qui force les hommes à faire face à la douleur qu’ils infligent aux femmes. Promising Young Woman, lauréat de l’Oscar du meilleur scénario original, raconte l’histoire de Cassie dont l’avenir aurait dû être radieux et qui, pour des raisons qu’on apprend au fil de l’intrigue, a abandonné ses études de médecine et vit toujours chez ses parents. Chaque nuit, elle erre dans des bars où des hommes, à qui elle fait croire qu’elle est ivre, abusent de la situation. Quand ils l’emmènent chez eux et qu’ils tentent d’en profiter, elle reprend son état d’esprit sobre, jouant sur la peur. Et chaque nuit, sur un petit carnet, elle fait le compte des prédateurs sur lesquels elle s’est vengée.
La première scène s’ouvre sur son mode operandi avec un jeune homme (Adam Brody), qui montre toute la complexité du personnage de Cassie, interprétée efficacement par Carey Mulligan (Drive). Elle est intelligente, stratégique, posée ; une séduisante calculatrice et manipulatrice. Mais sa rencontre avec Ryan, un ancien camarade d’université, interprété par Bo Burnhan, va-t-elle pouvoir arrêter son désir de vengeance incoercible ? Cette intrigue secondaire, qui prend la forme d’une comédie romantique classique, s’intègre parfaitement à la tapisserie des genres que Fennell tisse. Cette double fonction expose l’héroïne de manière inattendue au sentiment amoureux. L’acteur et ancienne star de YouTube, Bo Burnham, incarne de manière subtile et élégante ce rôle du prétendant qui peut à tout moment basculer et se retrouver face à la Cassie vengeresse.
En mélangeant le thriller, la comédie romantique et l’horreur, le scénario de Fennell déjoue ainsi les codes du récit de vengeance et du genre rape & revenge. Les oscillations de Cassie entre désir de rédemption, réparation du passé, faire justice soi-même et se venger (comme un vigilante movie) sont habilement amenées. C’est alors un jeu de chat et de la souris entre elle et le spectateur qui tente d’anticiper ses actions imprévisibles. Avec un maquillage qui durcit ses traits, des épais cheveux blonds noués par un ruban pastel, et des petits pulls roses bonbon, Carey Mulligan livre une performance exceptionnelle en jeune femme qui ne s’excuse pas de son déterminisme. Elle excelle à donner vie à toutes les facettes d’un personnage extrêmement complexe, avec un timing comique intelligent et une colère profonde qui bouillonne sous la surface.
Les looks vintage, conçus par la costumière Nancy Steiner, contribuent à renforcer sa personnalité caméléon. En privilégiant des personnages pour la majorité issus de cette classe aisée, blanche, voire élitiste, avec cette part douteuse sur les questions de sexe et leurs pratiques sexuelles, Emelrald Fennell aurait pu sombrer dans la caricature. Mais non. La réalisatrice montre que leurs réactions insupportables sont le résultat d’une culture et d’un contexte social nauséabonds. La direction d’acteur des personnages secondaires est également parfaite, crédible et juste. En particulier, Alison Brie (Glow), Laverne Cox (Orange is The New Black), Jennifer Coolidge (2 Broke Girls), Christopher Mintz-Plasse (Kick Ass), et Clancy Brown (Thor Ragnarok, The Crown).
Promising Young Woman sort ainsi brillamment du cadre de cette victimisation usitée et propose un regard affûté et vraiment intelligent qui n’a jamais été montré de cette manière au cinéma. Surtout, le film pose un regard sur ce que c’est de voir le monde à travers un traumatisme. Une redistribution des cartes qu’on salue haut et fort.
Odile Lefranc
- PROMISING YOUNG WOMAN
- Sortie salles : 26 mai 2021
- Réalisation et Scénario : Emerald Fennell
- Avec : Carey Mulligan, Bo Burnham, Alison Brie, Connie Britton, Adam Brody, Jennifer Coolidge, Laverne Cox, Max Greenfield, Christopher Mintz-Plasse, Chris Lowell, Sam Richardson, Molly Shannon, Clancy Brown
- Production : Margot Robbie, Tom Ackerley, Josey McNamara, Ben Browning, Ashley Fox
- Photographie : Benjamin Kracun
- Décors : Rae Deslish
- Costumes : Nancy Steiner
- Musique : Anthony Willis
- Distribution : Universal Pictures International
- Durée : 1h53