Synopsis : Le tyrannique Lancelot-du-Lac et ses mercenaires saxons font régner la terreur sur le royaume de Logres. Les Dieux, insultés par cette cruelle dictature, provoquent le retour d’Arthur Pendragon et l’avènement de la résistance. Arthur parviendra-t-il à fédérer les clans rebelles, renverser son rival, reprendre Kaamelott et restaurer la paix sur l’île de Bretagne ?
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Épineux morceau qu’est le film Kaamelott. Il arrive après deux saisons de la série beaucoup plus orientées vers le drame, et surtout après douze années d’attente durant lesquelles les fans inconditionnels du show télévisé se sont retrouvé à devoir se remettre en boucle les épisodes des six livres, en spéculant sur ce qui pourrait arriver au roi Arthur, après la fin ouverte sur laquelle Alexandre Astier avait laissé son personnage. La promesse du film ? Raconter comment le royaume de Logres survit à la domination tyrannique de Lancelot, rendu fou par l’énigmatique Méléagant. Introduit dès le Livre IV, ce mystérieux « homme en noir » a poussé l’ex-second d’Arthur à exterminer jusqu’au dernier les chevaliers de la Table Ronde, ainsi que le roi lui-même. Dès l’ouverture, les retrouvailles étaient attendues autant par les fans que par Alexandre Astier. Après les traditionnelles trompettes, fan service ultime, Kaamelott prend le temps de reconnecter, l’un après l’autre, chaque personnage du Livre VI à ce Premier Volet. On prend un certain plaisir à retrouver le clan de Perceval (Franck Pitiot) et Karadoc (Jean-Christophe Hembert), le couple toujours très acide formé par Léodagan de Carmélide (Lionnel Astier) et Dame Séli (Joëlle Sevilla), la sympathique candeur du duc d’Aquitaine (Alain Chabat en très grande forme) et tous les autres habitués de la série. Les petits nouveaux comme Guillaume Gallienne, Clovis Cornillac ou Sting sont plutôt convaincants, bien que cantonnés à des rôles secondaires. Évidemment, une place centrale est laissée à l’antagonisme sur lequel la série est restée, entre Arthur et Lancelot.
C’est peut-être ici le gros problème de Kaamelott Premier Volet. C’est moins un film de cinéma qu’un long épisode de la série. Alors bien sûr, l’image des caméras Alexa 65, qui ont déployé leur prouesse sur Joker, Doctor Strange ou Rogue One, offre de meilleurs visuels que ce qui se faisait sur M6. Mais passé ce choix technique, la réalisation reste assez paresseuse sur grand écran. La composition des cadres ne raconte rien, les champs se succèdent aux contrechamps, le montage est charcuté sans réussir à en dégager le moindre dynamisme dans le rythme.
Les plans larges sont en revanche très beaux, parfois à grand renfort d’effets spéciaux très convaincants, mais restent relativement rares. Le peu d’action et les nombreuses scènes de dialogues autour des tables font rappeler combien le long métrage garde une carrure télévisuelle. Pourtant, un vrai soin est apporté aux détails. Au-delà des quelques rides supplémentaires, les personnages ont tous des cheveux et barbes plus abondantes, auxquels s’ajoutent des costumes revisités qui apportent un plus à chacun (exception notable : celui de Lancelot, qui rappelle Dumont, obscur personnage du premier Tron, lui aussi engoncé dans un cylindre en carton).
Beaucoup de moyens ont également été consacrés aux décors, qu’il s’agisse de la forteresse de Camelot, enfin visible de l’extérieur, ou des scènes dans la forêt ou le désert. Des décors très bien éclairés, et mis en musique par une partition absolument superbe dans laquelle Alexandre Astier a mis tout ce que John Williams lui a appris. À ces atouts esthétiques vient s’ajouter l’écriture ciselée d’Astier et un certain nombre de répliques peuvent très vite devenir aussi cultes que le classique « c’est pas faux ».
Souffrant peut-être du passage à un format de deux heures, l’écriture présente néanmoins certaines faiblesses. Dans cette volonté de faire revenir tous les personnages, le développement de certains en pâtit. Les raisons de l’arrivée de Mevanwi aux côtés de Lancelot restent ainsi nébuleuses, tout comme la relative mollesse de celui-ci. On est loin du grand méchant annoncé à la fin du Livre VI. Plus aucune trace non plus de Méléagant, principal responsable de l’émergence de ce méchant. Le récit, à l’approche du dénouement, expédie tous les enjeux, désamorçant les batailles qui avaient pourtant un potentiel. Sans compter les flashbacks qui, en dépit de leurs qualités esthétiques, peinent à justifier leur présence et à donner de l’écho au récit principal.
Au final, avec son lot de références et la large place qu’il accorde aux dialogues, ce premier volet de l’aventure Kaamelott au cinéma s’adresse clairement aux fans, qui ont loyalement attendu la suite des rebondissements de l’histoire d’Arthur et de ses chevaliers. Bien qu’expédié, son final annonce toutefois un deuxième volet de bien plus grande ampleur. C’est tout le mal qu’on peut souhaiter à cette saga pour ainsi espérer atteindre un niveau visuel digne des salles obscures.
Théotime Roux
- KAAMELOTT : PREMIER VOLET
- Sortie salles : 21 juillet 2021
- Réalisation, Scénario, Montage et Musique : Alexandre Astier
- Avec : Alexandre Astier, Thomas Cousseau, Anne Girouard, Lionnel Astier, Joëlle Sevilla, Jean-Christophe Hembert, Franck Pitiot, Sting, Christian Clavier, François Rollin, Clovis Cornillac, Guillaume Gallienne, Alain Chabat
- Production : Alexandre Astier, Agathe Sofer, Henri Deneubourg
- Photographie : Jean-Marie Dreujou
- Décors : Denis Seiglan
- Costumes : Marylin Fitoussi
- Distribution : SND Films
- Durée : 2 h