Synopsis : Après un tragique accident de la route en Grèce, Beckett, un touriste américain, se retrouve pris dans un dangereux complot politique et doit fuir pour sauver sa peau.
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Présenté au festival de Locarno, Beckett, second long métrage du réalisateur italien Ferdinando Cito Filomarino, ne passe donc pas par la case des salles pour profiter d’une diffusion directe sur Netflix. C’est d’abord par son cadre géographique que ce film d’action marque sa singularité. En choisissant d’ancrer son récit à l’intérieur des paysages de la Grèce, urbaine et rurale, le cinéaste renforce l’intérêt de son propos par la dramaturgie naturelle de ses lieux (des ruelles sinueuses aux chemins de montagne escarpés) et les récents troubles politiques qui agitent son environnement social (la montée en puissance de l’extrême-droite et la résistance populaire qui tente d’y faire face). Beckett répond d’abord au cahier des charges imposé par son genre. Séquences de combat et courses-poursuites spectaculaires assurent un rythme haletant qui emportera sans problème l’adhésion du public. La maîtrise de la mise en scène se prolonge par ailleurs à l’intérieur des moments plus intimes. En introduisant son film par un deuil, le cinéaste choisit de privilégier la subjectivité sur la seule efficience du spectacle. L’incompréhension initiale se résorbe graduellement, la prise de conscience se voulant progressive, confondant le regard du spectateur avec celui du héros, Beckett, devenu la proie d’une chasse à l’homme dont il cherche à saisir les tenants et aboutissants.Â
Certes, le film n’évite pas toujours les problèmes de structure et prend parfois le risque de recourir à quelques clichés narratifs pour mieux signaler ses références aux grands classiques du thriller politique (de Z [1969] de Costa-Gavras aux Trois Jours du Condor [1975] de Sydney Pollack). Mais en jouant finement du contraste entre ses préoccupations contemporaines et l’archaïsme culturel qui se dégage de ses représentations, le réalisateur parvient à échapper à l’inévitable lourdeur de son canevas générique, répondant à ses attentes tout en enrichissant ses motivations originelles de thématiques nouvelles.
La réussite de ce renouvellement doit beaucoup à la présence de John David Washington. De l’engagement physique à l’implication émotionnelle, l’acteur semble formuler la synthèse de ses récentes interprétations dans Tenet (Christopher Nolan, 2020) et Malcolm et Marie (Sam Levinson, 2021). Ses regards douloureux et ses traits fatigués répondent aux plaies et balafres qui recouvrent son visage et son corps. À l’instar du père (Denzel Washington), le fils fait de la rupture le moyen de concilier les prouesses du corps en action et l’intensité de la crise intérieure qui travaille constamment la représentation de ses personnages. Sur ce point encore, Beckett se présente comme une franche réussite.
- BECKETT
- Disponible : depuis le 13 août 2021
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Ferdinando Cito Filomarino
- Avec : John David Washington, Boyd Holbrook, Vicky Krieps, Alicia Vikander, Daphne Alexander, Yorgos Pirpassopoulos, Lena Kitsopoulou, Panos Koronis, Isabelle Magara, Marc Marder
- Scénario : Ferdinando Cito Filomarino et Kevin A. Rice
- Production : Luca Guadagnino, Fancesco Melzi d’Eril, Marco Morabito, Gabriele Moratti, Rodrigo Texeira
- Photographie : Sayombhu Mukdeeprom
- Montage : Walter Fasano
- Musique : Ryuichi Sakamoto
- Décors : Eliott Hostetter
- Costumes : Giulia Piersanti
- Durée : 108 minutes