Minisérie / Scènes de la vie conjugale : critique

Publié par Jacques Demange le 13 septembre 2021

Résumé : Adaptation de la minisérie (devenue un film) d’Ingmar Bergman, qui se penche sur les notions d’amour, haine, désir, monogamie, mariage et divorce à travers un couple d’Américains contemporains.

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Scenes de la vie conjugale - affiche

Scènes de la vie conjugale – affiche

La genèse de Scènes de la vie conjugale remonte à 1972, lorsque le réalisateur Ingmar Bergman a l’idée d’une pièce de théâtre qui raconterait l’histoire d’un homme apprenant à son épouse être tombé amoureux d’une autre femme et vouloir mettre fin à leur mariage. Ce projet se développe, murit, et finit par prendre la forme d’un scénario divisé en six épisodes. Bergman comprend rapidement que seule la télévision lui permettra de respecter la temporalité dilatée de son récit. Le tournage a lieu en studio et en équipe réduite. Afin de faciliter l’exécution des mouvements de caméra, le réalisateur opte pour le 16mm et s’impose de ne gâcher aucune bande de pellicule, c’est-à-dire de tourner des séquences de 10 minutes sans interruption. À ces défis techniques s’ajoute un rythme de réalisation particulièrement soutenu : chaque épisode fut bouclé en dix jours (cinq jours pour les essais puis cinq jours de tournage) pour aboutir à une œuvre fleuve d’une durée totale de 282 minutes. La première diffusion de la série rencontre un immense succès. La moitié de la population suédoise est devant sa télévision pour suivre la chronique maritale de Bergman qui narre le délitement progressif d’un couple. L’impact de Scènes de la vie conjugale dépasse rapidement le cadre du petit écran. En 1973 et 1974, les pays scandinaves voient leur pourcentage de divorce augmenter considérablement, conséquence de la vision de la série qui poussa de nombreux couples à mettre en cause leur relation.

 

Jessica Chastain et Oscar Isaac - Scenes de la vie conjugale

Jessica Chastain et Oscar Isaac – Scènes de la vie conjugale

 

À l’heure où les productions du petit écran ne cessent d’empiéter sur le terrain du cinéma, l’annonce d’un remake de l’œuvre de Bergman ne pouvait que nous réjouir. Placée sous la direction du scénariste, réalisateur et producteur israélien Hagai Levi (qui avait déjà exploré les affres de la vie conjugale dans la série The Affair [2014-2019], cocréée avec Sarah Treem), cette adaptation contemporaine et américaine se veut à la fois respectueuse de son modèle et suffisamment singulière pour lui conférer une nouvelle impulsion. Reprenant les grands traits de la trame de Bergman, le scénario modifie certaines de ses données pour en proposer une variation particulièrement intéressante. La tromperie change de camp et avec elle la définition générale de ses personnages.

 

L’épouse acquiert de la force là où le mari voit sa sensibilité s’accroître quelque peu. Ce typage s’émousse cependant à travers les nombreuses nuances qui marquent la caractérisation des deux protagonistes. Entre sincérité et hypocrisie, empathie et réactions égoïstes, Mira (Jessica Chastain) et Jonathan (Oscar Isaac) font l’expérience d’un état de crise qui épuise leur raison et leur volonté. Cette fatigue prend d’abord la forme d’une lassitude qui s’insinue dans les rites d’un quotidien à la répétition aliénante.

 

La question de la place occupée par chacun est d’emblée posée dans le premier épisode. La tranquillité des personnages est mise en cause par la mise en scène qui, par le biais de changements de focales, suggère les premiers désagrégements de l’unité formée par le couple. Le trop-plein de frustrations entraîne la fracture qui isole chaque personnage. Alors que Jonathan se rend dans son bureau pour regarder des vidéos pornographiques, Mira ne cesse jeter un œil sur l’écran de son portable, signifiant qu’une partie de son existence se trouve déjà hors des murs de la maison familiale.

 

Jessica Chastain et Oscar Isaac - Scenes de la vie conjugale

Jessica Chastain et Oscar Isaac – Scènes de la vie conjugale

 

C’est en effet celle-ci qui figure le plus sûrement la dégradation de leur relation. L’organisation spatiale du lieu et la modification de l’arrangement décoratif de ses pièces accompagnent le déroulement du drame tout en soulignant le huis-clos sentimental dans lequel a fini par s’enfermer le couple. La pesanteur s’établit ainsi principalement à travers les murs et les escaliers qui cloisonnent et emprisonnent, attisent les enjeux d’une passion à la fois vectrice d’amour et de haine. Les flocons de neige ou les gouttes de pluie qui se projettent sur les fenêtres rappellent enfin l’importance tenue par la durée qui détermine la conduite du récit et les modalités de réception de la mini-série.

 

Car comme chez Bergman, le spectateur a bien vite le sentiment d’appartenir à l’intimité du couple, retrouvant chez lui les qualités et les travers de sa propre existence. Scènes de la vie conjugale invite à l’introspection méditative, impose de se laisser porter par un rythme qui confond délibérément tensions et langueurs, ruptures et reprises, pour assurer l’efficience de la fiction. Si Bergman recourrait au temps long du plan continu, Hagai Levi privilégie le montage. Les champs-contrechamps en gros plans redoublent le cloisonnement de l’espace et expriment le recueillement solitaire auquel finissent par se prêter les époux. La simplicité technique a pour elle l’évidence de la clarté, rapprochant les personnages par l’expression conjointe d’affects communs tout en les maintenant séparés dans leur irréductible singularité.

 

Jessica Chastain et Oscar Isaac - Scenes de la vie conjugale

Jessica Chastain et Oscar Isaac – Scènes de la vie conjugale

 

Le huis-clos a par ailleurs pour qualité d’instiller une sorte de théâtralité dans la forme de la réalisation. S’inscrivant en plein dans l’esprit du cinéma de Bergman, la minisérie introduit chacun de ses épisodes par la représentation du plateau de tournage montrant les techniciens et les interprètes s’affairer à leurs occupations. Cette mise en abyme rappelle celle qui traversait l’adaptation de La Flûte enchantée (1975) dans laquelle Bergman chercher autant à retranscrire la force lyrique de l’opéra de Mozart qu’à représenter le comportement en coulisses de ses interprètes.

 

Loin de se limiter au simple clin d’œil, la récupération de ce procédé permet à Hagai Levi d’insister sur l’importance du travail fourni par ses acteurs. Oscar Isaac et Jessica Chastain trouvent ici des rôles à la mesure de leur talent. La profondeur calculée des attitudes du premier et la froideur torturée de la seconde suscitent un contraste saisissant qui rend plus vibrant encore le déchainement de leurs disputes et l’apaisement de leurs réconciliations.

 

Au bout du cauchemar se formule alors la possibilité d’une sérénité recouvrée, à la fois ensemble et séparés comme le suggèrent le dernier plan des deux acteurs traversant le plateau enlacés avant de refermer la porte de leurs loges respectives. Comme une ultime séparation qui formulerait la promesse de prochaines retrouvailles.

 

 

 

  • SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE (Scenes from a Marriage)
  • Diffusion : du 12 septembre 2021 au 10 octobre 2021
  • Chaîne / Plateforme : OCS
  • Création et réalisation : Hagai Levi
  • Avec : Jessica Chastain, Oscar Isaac, Nicole Beharie, Tovah Feldshuh, Corey Stoll, Lily Jane, Maury Ginsberg, Sunita Mani, Susan Pourfar, Daniella Rabbani, Shirley Rumierk, Tre Ryder
  • Scénario : Amy Herzog et Hagai Levi
  • Production : Carver Karaszewski
  • Durée : 5 épisodes de 60 minutes environ

 

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