Synopsis : Jay, la trentaine, retourne dans son vieux quartier de Washington D.C. et y découvre à quel point celui-ci s’est gentrifié. Les résidents afro-américains se trouvent poussés hors de chez eux par des propriétaires plus riches et majoritairement blancs. Traité comme un étranger par ses anciens amis, Jay est perdu et ne sait plus tout à fait à quel monde il appartient.
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En choisissant de consacrer son premier long métrage au phénomène de la gentrification, Merawi Gerima (fils du célèbre réalisateur Hailé Gerima, représentant emblématique du mouvement L.A. Rebellion) rappelle que le témoignage cinématographique peut se constituer comme un formidable producteur de liens. Racontant le retour de Jay (Obinna Nwachukwu), un apprenti-réalisateur dans le quartier de son enfance, Residue exprime une rupture tout à la fois subjective et visuelle. La recherche du passé se décline sous la forme d’images granuleuses, filmées en 16mm, convoquées par l’esprit du héros. Un écart abyssal s’établit ainsi entre le souvenir et la perception d’un présent à l’intérieur duquel se déploie l’errance de Jay. La cartographie du quartier de Washington se fragmente par le rachat successif des foyers désormais habités par des représentants de la classe sociale aisée. Ce processus ne matérialise nullement le mythe du melting-pot mais contribue au contraire à creuser la différence entre les pauvres et les riches, les premiers se voyant progressivement relégués hors des frontières de leur ancien monde. Gerima évite sciemment de cadrer le visage de ces nouveaux habitants. Ce choix permet moins de les déshumaniser que d’insister sur les répercussions de leurs actes, c’est-à-dire sur l’extinction d’une communauté et de sa culture. D’où la qualité documentaire du film qui touche autant à la chronique sociale qu’au projet ethnographique. Les images du passé renvoient toujours à la notion du groupe fédéré autour d’un espace commun aujourd’hui dévasté. Symbole de cette perte : le fantasmatique Démétrius, ami d’enfance du héros, disparu dans les limbes de la mémoire.
Parfois poussive, la démarche de Gerima est essentiellement démonstrative. La force critique de Residue repose sur sa valeur de constat. La mort du quartier n’est pas seulement annoncée mais est déjà en phase d’exécution. Cette lucidité permet le développement d’un discours sur la portée funeste du souvenir qui, bien qu’animé par une puissance de préservation, ne peut prétendre à la résurrection des défunts. L’atmosphère de la production est ainsi clairement dominée par une tonalité crépusculaire. La mélancolie de Jay habite les compositions de Gerima principalement caractérisées par une ambiance nocturne. Le versant théorique du scénario se voit alors habilement enrichi d’une mélancolie latente qui atteint jusqu’à l’éclairage spectral des plans.
Que reste-t-il du passé ? La possibilité de représenter les ruines et d’en faire les bases sur lesquelles s’édifieront de nouveaux foyers. Tourné en étroite collaboration avec les habitants du quartier filmé, Residue affirme la reconstitution d’une collectivité. Du testament à l’acte de naissance.
- RESIDUE
- Sortie salles : 5 janvier 2022
- Réalisation : Merawi Gerima
- Avec : Obi Nwachukwu, Dennis Lindsey, Taline Stewart, Derron Scott, Jacari Dye, Julian Selman, Derron Scott, Melody Tally, Ramon Thompson, Jamal Graham
- Scénario : Merawi Gerima
- Production : Merawi Gerima
- Photographie : Mark Jeevaratnam
- Montage : Merawi Gerima
- Musique : Black Alley, Total Control Band, Critical Condition Band, Isaiah Hall
- Distribution : Capricci
- Durée : 1 h 30