Synopsis : Melody, sa sœur adolescente Lila et leurs amis Dante et Ruth se rendent dans la petite ville de Harlow, au Texas, pour lancer une nouvelle entreprise. Mais leur rêve se transforme bientôt en cauchemar éveillé lorsqu’ils pénètrent sans le vouloir dans le monde de Leatherface, le dangereux tueur en série dont l’héritage sanglant continue de hanter les habitants de la région.
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Disponible depuis vendredi sur Netflix, ce neuvième opus de la saga iconique initiée par Tobe Hooper en 1974 arrive après un déluge de suites et de prequels aux qualités variables. Mais surtout, il arrive dans un contexte où le cinéma horrifique est en plein dans la mode des « legacyquels », ces suites-remakes qui essayent avec plus ou moins de brio d’actualiser des franchises cultes. Parmi ces retours fracassants, la trilogie Halloween portée par David Gordon Green fait figure de bon élève, puisqu’on y retrouve le personnage de Laurie Strode intelligemment réexploité face à son boogeyman, avec l’introduction de nouveaux personnages et de thématiques plus modernes en toile de fond. Une recette dont ce Massacre à la tronçonneuse semble bien avoir envie de beaucoup emprunter, puisque le personnage de Sally, seule survivante du massacre du premier film, revient avec la ferme intention de se venger. Enfin, c’est ce que nous vend la bande-annonce. En réalité, le personnage n’apparaît que quelques minutes, sur les déjà courtes 83 minutes de film. Le réalisateur tente de compenser la maigre durée de ce quasi caméo en sur-iconisant le personnage, mais on n’en voit que plus que Marilyn Burns, l’actrice originale décédée depuis, a été remplacée par Olwen Fouere (prochainement dans The Northman). En fait, ce Massacre à la tronçonneuse se concentre bien plus sur le sang neuf qu’il souhaite apporter au film original. Sous la houlette de Fede Alvarez à la production, David Blue Garcia n’ose quasiment pas s’approprier le matériau de base, développant à la place une réalisation sans personnalité, semblable à n’importe quelle production horrifique du moment.
Le film n’est pas pour autant dépourvu de sous-texte, comme quand l’un des personnages évoque explicitement, flash-back à l’appui, une fusillade dans un lycée. On peut également voir dans le groupe d’influenceurs que l’on suit la version 2022 du groupe de hippies dont l’insouciance venait en 1974 se fracasser sur la sauvage tronçonneuse de Leatherface. Si les deux films s’intéressent au décalage culturel entre l’Amérique heureuse et bourgeoise des villes et l’Amérique défavorisée des campagnes, celui de 2022 prend clairement fait et cause pour les rednecks. Le problème étant moins le propos assez clairement réactionnaire que la bêtise bourrine avec laquelle il est servi, opposant à la tronçonneuse vrombissante de Leatherface une poignée d’influenceurs dont la seule réponse est le live Instagram et la menace du terrible « cancel ».
Mais là où le film s’effondre complètement, c’est sur la cohérence de son scénario, littéralement tronçonnée au service de l’imagerie gore. Certes, les scènes outrageuse que le film ose ont quelque chose du plaisir régressif du slasher, en particulier le carnage dans le bus. Mais elles marqueront toujours moins que le malsain de la torture psychologique à laquelle Sally est exposée dans le film original de Tobe Hooper. Et la raison pour laquelle elles marquent moins est sans doute la volonté de privilégier le moment de cinéma à la cohérence de son récit. Des personnages qui se font ouvrir en deux survivent juste le temps de délivrer une réplique ou un objet iconique, la rescapée du massacre de 1973 arrive telle la cavalerie juste pour sauver les personnages principaux, un des protagonistes court sous le plancher derrière la tronçonneuse sans penser à utiliser la large place qu’il subsiste sur les côtés…
Les incohérences elles-mêmes en deviendraient presque plus clichés que les scènes qu’elles sont supposées faciliter, et seule la fin absurdement gore parvient à surprendre, tout en enlevant le peu de satisfaction qu’on pouvait voir dans la fin du parcours des personnages. Une fin à l’image du film : gore jusqu’au risible régressif, au détriment de la cohérence de son récit.
Théotime Roux
- MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE (Texas Chainsaw Massacre)
- Diffusion : depuis le 18 février 2022
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : David Blue Garcia
- Avec : Sarah Yarkin, Elsie Fisher, Mark Burnham, Olwen Fouéré, Alice Krige, Jacob Latimore, Jessica Allain, Moe Dunford, Neil Hudson, Sam Douglas, William Hope
- Scénario : Chris Thomas Devlin, d’après une histoire de Fede Álvarez et Rodo Sayagues
- Production : Fede Álvarez, Pat Cassidy, Ian Henkel, Kim Henkel, Rodo Sayagues et Shintaro Shimosawa
- Photographie : Ricardo Diaz
- Décors : Michael Perry
- Costumes : Olga Mekikchieva
- Musique : Colin Stetson
- Durée : 1 h 23